Le Grand
Rabbin Jacques Kahn a consacré sa vie à l'enseignement Religieux.
Nommé tout jeune professeur d'hébreu au Talmud Torah, professeur
de Théologie au Séminaire, il a été le maître
de tous les rabbins sortide notre école depuis un demi-siècle.
J'étais au cours supérieur du Talmud Tora quand il y débuta.
Il sut rapidement s'attacher tous les élèves. Derrière
le professeur chargé de meubler notre esprit, on sentait l'éducateur
soucieux de former notre âme. Il excellait à expliquer nos textes
sacrés, à montrer sous la beauté de la forme, la richesse
du fond. L'enseignement de la Théologie, n'avait rien de dogmatique.
La discussion était admise, et des débats s'engageaient, parfois
passionnés, dans lesquels le maître intervenait toujours à
propos.
L'homme était plein de charme, d'un extérieur agréable
qui ne manquait pas de majesté. A voir son visage calme et souriant,
éclairé par des yeux doux et bienveillants derrière ses
éternelles lunettes, on devait se dire : Voilà un homme heureux
que la vie a comblé de ses faveurs. Mais la réalité était
tout autre. Les deuils ne lui furent pas épargnés. Deux fois
son foyer fut détruit, et il eut à pleurer la mort dans la deuxième
bataille de la Marne, d'un fils promis à un brillant avenir. Cependant
son âme resta ferme, sa haute taille droite comme le palmier chanté
par le Roi David. Jamais il ne se plaignit. Il gardait sa confiance en Dieu,
sa fidélité, à la vie. Parfois, au milieu d'une conversation
on le voyait passer, d'un geste rapide, la main sur son front. Sûrement
l'ombre d'un être aimé venait de surgir devant ses yeux.
Le Grand Rabbin a pris sa retraite peu avant la guerre. Plein de vigueur il
voulait encore servir. Je lui confiai en 1940 la Communauté de Vichy
devenue importante. Il y déploya une activité remarquable. Mais,
hélas, toujours sur la brèche, il fut appréhendé
dans l'exercice de ses fonctions, par la Gestapo, et dirigé sur un
des camps de la mort, où - atténuation à notre douleur
- nous savons qu'il s'est doucement éteint. La compagne des dernières
années de sa vie, déportée comme lui, l'avait précédé
dans la mort.
Tous ceux qui ont connu le Grand Rabbin Jacques Kahn, lui garderont un souvenir
fidèle et affectueux.