Isaïe SCHWARTZ
Grand Rabbin de France
Traenheim 1876 - Paris 1952
Au Palais des Fêtes de Strasbourg ;
à dr. :
Joseph Borin
(Photo Klein).
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M. le grand-rabbin Schwartz est né le 15 janvier 1876 comme fils de
Seligmann, commerçant à
Traenheim.
Profondément attaché aux traditions juives et françaises,
son père l'envoya, à l'exemple d'autres familles de la région,
à Paris où il entra au Talmud-Tora, puis au Séminaire.
Après dix années d'études, le jeune rabbin fut envoyé
à Marseille où, pendant un an, il fit fonction de rabbin par intérim.
Son premier poste fut Bayonne où, avec un don d'adaptation admirable, il
se familiarisa avec le rite séfarade.
Appelé à Bordeaux, il y occupa le poste de grand rabbin jusqu'en
1919 où le Consistoire israélite du Bas-Rhin lui demanda de revenir
en Alsace redevenue française pour prendre la tête du rabbinat alsacien.
Ce fut pour lui et les siens la plus belle des compensations d'un éloignement
parfois douloureux : n'était-il pas appelé à devenir ainsi
le chef religieux de sa petite patrie, à laquelle il gardait, sa vie durant,
un attachement indéfectible ?
A la mort de
M. Israël Lévi, le Consistoire
Central fit appel au grand-rabbin de Strasbourg pour lui confier, à l'heure
dramatique du début de la deuxième guerre mondiale, la haute charge
de grand-rabbin de France. Replié à Vichy, il ne cessait de maintenir
les contacts entre tous les rabbins de France et, soucieux de la misère
matérielle dans laquelle de nombreux coreligionnaires étaient tombés,
il créa une caisse de secours à son nom qu'il parvint, par ses efforts
constants, à alimenter considérablement.M. le grand-rabbin Schwartz
était officier de la Légion d'Honneur.
La belle figure biblique du pasteur...
23 septembre 1951 : le grand rabbin de France Isaïe Schwartz inaugure
le Monument aux Morts de la Communauté de Strasbourg
(Photo
Klein)..
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Il eut l'honneur d'occuper le poste de Grand-Rabbin de Strasbourg dès
le retour de l'Alsace à la France. Combien grande fut sa joie de pouvoir
exercer son ministère comme Rabbin français dans Strasbourg redevenue
française, lui qui tout jeune avait quitté son village natal de
Traenheim, dans le Bas-Rhin, pour ne pas servir l'Allemagne. Quelle joie aussi
pour nos coreligionnaires de nos trois départements recouvrés,
si profondément français, d'être rendus à la mère
patrie. La présence du grand rabbin Isaïe Schwartz à ce poste
prenait un caractère symbolique. Il personnifiait les liens qui unissaient
sa Communauté avec la grande Communauté juive française
dont lme judaïsme alsacien et lorrain constituait un des principaux éléments,
et qui a donné tant de rabbins de valeur parmi lesquels les deux maîtres
dont il vénérait plus particulièrement la mémoire
: le Grand Rabbin Joseph Lehman, Directeur de 1'Ecole Rabbinique, et le
Grand
Rabbin Israël Lévi, son prédécesseur au poste
de Grand-Rabbin de France. Il attestait par son exemple, pour avoir exercé
son sacerdoce à Bayonne et à Bordeaux dans des communautés
séfaradites, la fraternité qui régnait entre ce judaïsme
séfaradite et le judaïsme alsacien, ces deux noyaux les plus anciens
de la communauté juive française.
De plus, par l'intérêt éclairé et agissant qu'il
portait à l'élément le plus récent de nos communautés
: aux Juifs immigrés, il réalisait sans difficulté, tant
cela lui fut naturel, la belle image biblique du pasteur qui veille avec un
amour égal sur toutes les brebis de son troupeau.
C'est en 1939, quelques mois avant la guerre, qu'il fut nommé Grand-Rabbin
de France. La Providence lui avait réservé la redoutable mission
de porter la responsabilité des destinées religieuses du judaïsme
français dans les années de notre plus grande épreuve.
Aucun de ses prédécesseurs n'eut une charge plus lourde, plus
délicate et plus dangereuse que la sienne pendant l'occupation. Replié
à Vichy et à Lyon, il se mit ardemment, courageusement à
l'œuvre. Secondé par le Rabbinat et le Consistoire Central, il eut
la satisfaction de voir qu'en dépit de la persécution qui faisait
parmi nous de sinistres ravages, des synagogues restaient ouvertes, et des fidèles
s'y rendaient matin et soir pour prier. Soucieux de soulager la misère
de nos coreligionnaires dépouillés de leurs biens, privés
de leur gagne-pain, il créa le Comité de coordination des Oeuvres
juives, puis la Collecte du Grand Rabbin de France. Il désigna des rabbins
et des laïcs volontaires pour apporter les secours spirituels et matériels
à nos malheureux coreligionnaires internés dans les différents
camps de la zone Sud. Il fut en contact avec les Institutions juives et non
juives susceptibles de leur venir en aide. Il n'hésita pas à faire
auprès des autorités de Vichy les démarches qui s'imposaient,
intervenant tantôt en son nom personnel, tantôt conjointement avec
le Consistoire central, exprimant par la parole et par l'écrit la protestation
du judaïsme devant l'injustice et la persécution, les crimes et
les déportations, affirmant clairement sa foi en la venue des temps meilleurs
et sa confiance dans les destinées de la France éternelle.
La copie d'une de ces protestations signée par lui et par M. Jacques
Heilbronner, président du Consistoire Central, tomba entre les mains
des Allemands. Le président du Consistoire Central, arrêté
chez lui, fut déporté. Par bonheur pour le Grand Rabbin de France,
il ne se trouvait pas au bureau du Consistoire de Lyon quand la Gestapo fit
irruption pour se saisir de sa personne. Six semaines plus tard, ce furent des
miliciens qui l'appréhendèrent, mais grâce à Dieu,
cette fois encore, il ne fut pas livré aux nazis. Il fut toutefois dans
l'impossibilité d'exercer ses hautes fonctions….