Souvenirs d'un médecin d'enfants à
l'O.S.E.
par le Docteur Gaston Lévy (suite)
Les épidémies
L'état de santé des enfants dans les maisons restait relativement
satisfaisant. La mise au point de menus adaptés aux circonstances
avait eu une bonne influence sur les courbes de croissances. Il y avait bien
par-ci par là de petites épidémies de maladies infantiles,
rougeole, rubéole, varicelles dans les homes, mais les règles
d'hygiène et d'isolement strictement suivies permettaient de stopper
très vite la contagion.
Une seule épidémie, mais gravissime celle-là, reste un
très mauvais souvenir. Pendant l'hiver 1942/43, trois petits enfants
à la Pouponnière furent subitement atteints de maladie de Chevalier-Jackson.
Il s'agit là d'une laryngo-trachéo-bronchite maligne. En quelques
heures les symptômes respiratoires étaient devenus tellement graves,
l'asphyxie tellement menaçante que je dus demander à l'excellent
ORL de Limoges, le Dr Martroux de procéder à des trachéotomies.
Il y avait bien quelques sulfamides à notre disposition ; ils étaient
inefficaces. Il n'y avait évidemment ni antibiotiques ni corticoïdes.
Aujourd'hui où j 'écris ces lignes en 1978, la maladie de Chevalier
- Jackson reste malgré nos moyens thérapeutiques une maladie redoutable.
Deux des trois enfants moururent en peu de temps. Le troisième semblait
guérir. Notre infirmière-chef, Germaine Lévy, avec son
fort accent alsacien l'appelait notre "
drombe la mort". Malheureusement
lui aussi un beau matin a été trouvé mort dans son petit
lit. (
)
Une autre épidémie qui sévissait autour de nous dans le
Centre de la France en 1943, la poliomyélite nous causait beaucoup de
soucis. A ce moment, il n'existait pas encore de vaccin contre la "polio".
Le sérum de l'Institut Pasteur était un sérum de "singe"
assez choquant. Je conseillai à nos médecins un traitement préventif
que j'avais souvent appliqué dans ma pratique pédiatrique avant
la guerre et que je conseillerais encore aujourd'hui pour un enfant non vacciné
en cas d'absence de gammaglobulines spécifiques de polio. Partant du
fait que la polio est une maladie beaucoup plus répandue qu'on le supposait,
beaucoup de personnes sont plus ou moins immunisées parce que leur sang
contient des anticorps. J'ai par conséquent conseillé d'injecter
aux enfants en intramusculaire et à titre prophylactique à deux
reprises au cours d'un mois, 10 cc de sang d'adulte. Là où les
parents n'habitaient pas à proximité, on pouvait faire préparer
par un laboratoire d'un H6pital proche 10 cc de sérum. Nous n'avons pas
eu de cas de polio dans nos homes.
Réunion à Montintin : le Dr Lévy au
premier plan, Léo Kohn au dernier rang (avec les lunettes)
|
Malgré de petits et de plus gros incidents dans nos homes pendant l'année
1943, la vie journalière s'y déroulait sans gros heurts En témoigne
une réunion d'éducateurs et d'éducatrices, de professeurs
de gymnastique et d'éducation physique sous direction du chef d'éducation
physique des homes, M. Georges Loinger
(7)
dans notre Maison de Montintin. A cette réunion qui eut lieu le 10 juillet
1943 assistaient aussi les éducateurs et éducatrices des EI (Éclaireurs
israélites) et parmi eux Léo Kohn
(8).
Léo était un des inspirateurs religieux les plus écoutése
des EI. Il a été arrêté le 21 mai 44 à la
frontière espagnole, en conduisant une soixantaine de garçons
cherchaient à gagner le
Yishouv palestinien. Déporté
à l'age de 29 ans, Léo Kohn n'est pas revenu.
La réunion de Montintin à laquelle j 'assistai avec ma femme
n'était pas uniquement consacrée à l'éducation
physique. On s'occupait des questions de l'évacuation des enfants vers
la Suisse qui devait débuter en automne 43 sous la direction de l'infatigable
et courageux homme de grand coeur qu'est notre ami Georges Loinger.
Fausses cartes d'identité
Toutes ces actions de mise en sécurité des enfants et adultes, pour acheminer aux frontières des groupes entiers d'enfants afin de leur faire passer clandestinement des frontières, nécessitaient en premier lieu de fausses pièces d'identité en grand nombre. Elles provenaient de diverses sources.
Pour Limoges et les homes, et en premier lieu pour le personnel qui devait plonger dans l'illégalité, notre premier fournisseur de fausses cartes était Anne-Marie la femme d'un commissaire de police de Marseille. Anne-Marie est venue peu de temps après les grandes rafles, dans notre appartement bd Louis Blanc, à Limoges. Elle y a fait un très grand nombre de pièces d'identité fausses, mais de bonne facture pour des enfants en danger et le personnel juif étranger qui était en train de quitter les maisons. Plus tard ma femme s'est rendue à Marseille sur la demande de Germaine Ribière, devenue à côté de ses occupations de sauvetage des juifs, une grande Résistante française, pour faire faire une fausse carte pour M. Soutou, grand animateur de la résistance catholique (amitiés judéo-chrétiennes), incarcéré à ce moment au fort Montluc à Lyon. La fausse pièce a été faite par le mari d'Anne-Marie, et transmise dans un stylo à M. Soutou qui a pu s'échapper en Suisse. Il est devenu après la guerre ambassadeur dans différents postes, et en dernier lieu secrétaire général du Quai d'Orsay, (Ministère des Affaires étrangères). En plus, Anne-Marie a fait à ce moment de bonnes fausses cartes pour notre Directrice de Chaumont, Mme Schwarz et sa fille Aniouta, actuellement chirurgien très appréciée à Paris.
Malheureusement, plus tard un évènement très douloureux
devait nous apprendre qu'Anne-Marie avait été un agent double.
Une de nos meilleures assistantes sociales, Melle Nicole Weil a été
accostée le 24 octobre 1943 et arrêtée par un agent de la
Gestapo, sur la vue de sa fausse carte d'identité. Il a dit : "Non,
vous êtes Nicole Weil" Seule Anne-Marie et nous (staff de l'OSE)
connaissions le vrai et le faux nom. Nicole Weil n'est pas revenue d'Auschwitz.
Elle avait 27 ans. Elle a refusé d'aller dans un camp de travail, pour
pouvoir rester avec les enfants, et a été exterminée avec
eux. A ma connaissance, les fausses cartes établies par Anne-Marie n'ont
pas fait d'autres victimes chez nous, mais à partir de ce moment, elle-même
et les cartes établies par elle étaient tabou. Anne-Marie a été
condamnée à mort après la guerre, mais des protecteurs
haut placés lui ont sauvé la vie.
Une deuxième source de fausses cartes, celle-là cachère
à toute épreuve heureusement s'était ouverte avec l'existence
de mon centre familial clandestin de l'Indre. La femme d'un maître d'école,
Jacqueline Apart qui avait déjà muni les premiers enfants du centre
familial de fausses identités, était en même temps secrétaire
de la mairie de l'endroit, où elle et son mari enseignaient (Oulches)
. Monsieur et Madame Apart étaient de grands résistants. Un poste
émetteur était caché sous le pupitre de l'école.
Le maire du petit village était, comme pour rendre la charade plus difficile,
un vieux hobereau très pétainiste. Jacqueline obtenait sa signature
des fausses cartes en le persuadant que celles-ci étaient destinées
à de grands patriotes français mais qui ne faisaient guère
l'affaire de l'occupant, par lequel ils étaient recherchés. C'est
ainsi que les documents de Jacqueline Apart étaient revêtus des
tampons de mairies sur des cartes formulaires provenant de Vichy ! De plus,
ces faux documents étaient accompagnés des adjuvants nécessaires
qu'étaient les cartes d'alimentation, de tabac, de vêtements etc.
etc... tout le jeu d'une "cacherouth" garantie.
Notre troisième source venait de Limoges même, et là un incident, qui aurait pu avoir des suites graves, doit être signalé :
Des typographes communistes dirigés par un certain Léon Imprimaient
nuitamment de faux papiers d'identité, et défaisaient au matin
les matrices ayant servi à leur impression. Mais un jour la police était
sur leurs traces. C'était à la fin de l'année 1943. J'étais
à Vic-sur-Cère. Pendant une petite sauterie des soignantes, à
la Pouponnière la police introduisit un agent provocateur qui conta fleurette
à l'une des stagiaires. Il lui dit entre autres qu'il voulait rallier
De Gaulle en Angleterre, mais ne trouvait pas de faux papiers pour s'échapper
de France. Bon coeur et tête stupide, notre stagiaire l'amena au bistrot
où les imprimeurs déposaient pour nous les faux documents J'ignore
encore aujourd'hui d'où elle connaissait l'adresse. Demandant au patron
du bistrot pour son nouvel ami où l'on trouvait ces faux papiers, celui-ci
répondit, devant l'agent provocateur : Demande-le à ton
patron, il le sait mieux que moi! Ayant eu connaissance de cette affaire,
ma femme fut très angoissée et me téléphona aussitôt
à Vic-sur-Cère de retarder un certain moment mon retour à
Limoges. Les ouvriers-imprimeurs avaient quitté la ville. Je suis rentré
quelques jours plus tard, et j'ai fait faire une enquête discrète
dans les milieux de police et de la Préfecture. L'affaire avait fini
en queue de poisson pour nous. Était-ce par l'influence du secrétaire
général de la Préfecture régionale de Limoges ?
On peut le supposer. Par contre les ouvriers imprimeurs ont été
arrêtés à Brive. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus Une
chose paraît sûre : ils n'ont donné aucun nom.
Carte d'identité (vraie) de Mme Renée Lévy
|
Avec l'occupation de la Zone-Sud, le contrôle dans les trains devenait
plus ou moins hasardeux. Avant l'occupation on montrait sa carte d'identité
munie d'un grand
J sans être inquiété
pour cela. Maintenant on pouvait s'attendre à être priés
de descendre du train pour être interrogés sur le but de votre
travail et sur votre personne en général, par la
Bahnhofs-Kommandatur.
J'avais horreur des faux papiers. Mais peu de temps après l'occupation
de la Zone-Sud, l'argent du Joint n'était pas arrivé. J'ai décidé
de faire un voyage sur la Côte d'Azur où je connaissais beaucoup
de juifs riches pour chercher quelques fonds permettant àla Pouponnière
de vivre quelques semaines sans l'argent du Joint. Cette fois-ci ma femme m'obligea
à prendre de bons faux papiers. J'avais le nom d'André Gaston
Courteix : c'était celui du beau-frère de Germaine Ribière
qui nous a raconté en détails l'histoire naturelle de cette famille,
qui habitait le Maroc. On ne pouvait donc pas avoir des cartes d'identité
aussi innocentes que celles-là, et nous voguions, ma femme,
Annette et moi-même sous le nom de Courteix. Bien m'en prit d'avoir cette
carte pour aller sur la Côte : l'aller fut sans contrôle, mais au
retour, le train stoppa à la Ciotat pour un contrôle des plus sévères
par les Allemands. J'étais dans le couloir du wagon à côté
de M. Maurice Brenner
(9) lui-même muni d'une fausse carte. Pour nous
deux, le contrôle par des membres de la Wehrmacht se passa très
normalement. Mais quatre ou cinq juifs furent amenés par les contrôleurs
à la
Bahnhofs-Kommandatur .
Quant au but de mon voyage lui-même, je suis revenu bredouille. Déjà,
à mon voyage aller, je m'étais arrêté à Béziers
où je connaissais parmi les réfugiés un gros capitaliste.
Il eut la savoureuse réponse suivante pour s'excuser de ne pas donner
suite à ma demande : Mon cher ami, je ne suis plus capitaliste,
mais capitalier, je vis de mon capital, et viendrai peut-être un jour
demander quelques subsides à votre organisation . Sur la Côte,
ce fut plus ou moins la même chanson. J'ai pénétré
dans des salons de juifs très riches, qui comme réfugiés
de Paris habitaient leurs villas et propriétés d'été
sur la Côte. Un seul tableau d'un collectionneur que je visitais aurait
probablement suffi à atténuer momentanément nos difficultés.
Mes démarches étaient partout négatives. Malheureusement,
quelques mois plus tard quelques-uns de ces capitalistes prenaient le chemin
de la déportation, et leurs richesses disparaissaient dans la gueule
du Moloch nazi. Ces démarches négatives m'obligeaient à
trouver ailleurs quelques fonds. J'en avais parlé à mon ami Maurice
Brenner qui m'avait répondu que je pourrai signer en son nom pour n'importe
quelle somme un reçu qu'il honorerait après la guerre !
Un nouveau voyage, cette fois-ci vers le sud-ouest de la France, fut entouré
d'incidents amusants dont je ne veux pas priver mes lecteurs. Depuis Paris nous
entretenions, ma femme et moi, des relations amicales avec la famille de M.
Hubert de Monbrison, héritiers d'un grand nom huguenot du Midi de la
France. Nous avions, après la débâcle, rencontré
Mme de Monbrison (née Cahen d'Anvers) qui nousavait offert son hospitalité
au Château de Saint-Roque, en cas de danger. Revenu à Limoges après
la Côte d'Azur, je télégraphiai à M. de Monbrison,
indiquant l'heure d'arrivée à la garde de Saint-Michel, station
dont partait l'autobus pour Saint-Roque. En sortant de la gare, je vois une
vieille guimbarde d'autobus sur le toit duquel de gros paniers sont arrimés
les uns aux autres. Subitement je sens quelqu'un me frôler en murmurant
: Vous êtes le Dr Lévy ? Montez sur le toit de l'autobus,
j'ai laissé l'échelle. C'était le conducteur du bus
qui m'avait fait cette invite ; je me suis exécuté. Le conducteur
qui me suivait sur le toit me barricada avec d'autres paniers. C'est ainsi que
j'ai fait le voyage, dans une sorte de tourelle qui me cachait aux piétons.
Arrivé à Saint-Roque, la même cérémonie se
reproduisit. Il n'y avait personne pour m'attendre, et le chauffeur m'indiqua
dans le même style chut, chut le chemin à prendre pour
le château. Là-bas on m'accueillit très cordialement, mais
un peu étonnés de mon attitude libre et sans soucis. C'est que
l'on croyait me voir arriver poursuivi par la Gestapo, et devoir de suite me
mettre en cachette sûre. Un très bon dîner, un bain chaud,
un lit bassiné avec une de ces vénérables bassinoires à
long manche au bout duquel se trouve un récipient en cuivre avec des
braises, me permirent pour une nuit de retrouver le cadre d'une vie normale
et agréable. En plus M. de Monbrison mit une très forte somme
à ma disposition pour laquelle je signai sur une feuille blanche pour
la somme de
remboursement par l'OSE, à la fin des hostilités",
et j'ai daté. Cette formule se trouve encore dans un de mes calepins
d'ordonnances. Le remboursement a eu lieu comme promis après la guerre.
L'affaire de l'expulsion de l'Internat de Limoges
J'ai indiqué plus haut l'existence à Limoges d'un internat dépendant
de l'OSE-UGIF 3
éme Direction-Santé. Son maintien présenta
quelques difficultés en automne1942. Voilà l'histoire : un antisémite
quelconque, probablement un membre d'une association à francisque
(10),
passant devant l'Internat, 8 Cours Jean Peccinaut , entendit un chant, une cantilation
en langue hébraïque. Indignation, dénonciation, et le 16
octobre1942,ordre d'expulsion signifiéé M. Robert Lévy,
Directeur de l'Internat de l'OSE. Comme l'Internat avait été incorporé
le 10 octobre 1942 à l'UGIF, elle-même créée par
le Commissariat aux Affaires juives, il y avait dans cet ordre d'expulsion,
pour le moins contradiction et vice de forme. Un mois se passa en protestations
et démarches du
Rabbin
Deutsch qui dirigeait le
Petit
Séminaire fonctionnant dans l'Internat, de M. Gaston Kahn du conseil
d'administration de l'UGIF, qui obtint des apaisements du préfet régional
de Vichy. Puis le 16 novembre au soir, injonction par un agent d'exécution
à M. Robert Lévy de vider les lieux dans les 24 heures. Nouvelle
démarche du Rabbin Deutsch à la Préfecture régionale
de Limoges. On lui dit que rien ne peut se faire sur le plan local, l'ordre
vient de plus haut.
Le 17 novembre, l'OSE me charge par téléphone de faire une nouvelle
démarche à la Préfecture régionale. Le 18 novembre,
c'est-à-dire le lendemain, le chef de cabinet du Préfet m'avertit
que l'Internat peut rester jusqu'au 22 novembre, mais en même temps je
reçois un coup de-téléphone du
Dr Joseph Weill qui m'avertit qu'il a eu un entretien à Vichy
sur l'affaire, et que la solution dépend du bon ou mauvais vouloir des
autorités locales. Nouvelle démarche de ma part à la Préfecture
régionale. Le préfet me fait dire par son chef de cabinet qu'il
est inutile d'insister, que seul le directeur régional des Affaires Juives
est habilité à changer la date d'expulsion. Chez ce dernier, autre
son de cloche : je ne suis qu'un agent d'exécution, et dois absolument
exécuter l'ordre d'expulsion qui me vient de Vichy. J'obtiens quand
même un délai d'expulsion jusqu'au 20 décembre, en le rendant
attentif à la contradiction entre les dires des différentes instances,
et en faisant appel à son bon sens, lui prouvant que l'Internat ne peut
trouver, dans un délai si court à se caser ailleurs.
Le 9 décembre je me rendis à Vichy. Je descendis comme avant la
guerre à l'Hôtel Albert Ier, dirigé par M. Emile Mignot,
ami de longue date. A peine arrivé, je reçois de la part de la
Brigade des Questions juives et Permis de Séjour, l'ordre comminatoire
de me présenter encore le même jour le plus tôt possible
(je possède la fiche dans mes documents) au Commissariat des Affaires
juives. Je pense que ma démarche de ce jour au commissariat, où
j'ai surtout prêché le caractère confessionnel de l'institution
a sauvé l'Internat. Ces Messieurs n'aimaient pas être taxés
de persécuteurs de la "
religion juive" ; distinguo subtil
! M. Robert Lévy, le directeur de l'Internat, n'a plus entendu parler
d'expulsion, et a liquidé l'internat dans l'action globale de la liquidation
des maisons pour mettre les enfants en lieux sûrs (action automne 1943
à printemps 1944).
Deux autres voyages, ceux-là pendant l'année 1943 à Marseille,
me permettent de décrire des incidents plus ou moins tragiques auxquels
j'ai pu assister. Mi-juin 1943, M. Raymond Raoul Lambert, exerçant les
fonctions de Président de l'UGIF me demanda d'y venir en tant que médecin-inspecteur
de la 3éme Direction-Santé (alias OSE). L'UGIF de Marseille avait
été obligée d'ouvrir une Maison pour "Mères
et Enfants " à la Verdière, afin d'éviter la déportation
de ces mères. On me convoquait pour donner mes conseils de pédiatre
pour l'hygiène de la maison, l'alimentation des enfants, l'installation
d'une infirmerie, les vaccinations etc. etc. Le Dr Paul Weil gynécologue
strasbourgeois de grande réputation, était chargé de la
surveillance médicale de la maison ; Madame Alice Salomon était
chargée de sa direction. Une lettre de M. R.R.Lambert, directeur-président
de l'UGIF, du13 juillet 43, me remercie de mon rapport sur la maison de Verdière
et ajoute un mot de Mme Salomon signalant l'exécution point par point
de ce qui fut demandé pour cette maison. Elle y indiquait spécialement
que le personnel soignant, primaire et inadéquat pour un tel travail,
avait été remplacé sur ma demande par des gens plus expérimentés.
Malheureusement la Maison de la Verdière a péri en déportation,
avec l'héroïque Madame Alice Salomon, sa directrice qui a accompagné
comme volontaire les enfants dans un camp de la mort Ces hauts faits d'une Alice
Salomon, d'une Nicole Weil-Salon, d'une Marianne Kohn-Collin dont je parlerai
encore, et de combien d'autres parmi le personnel des organisations juives d'aide
et de sauvetage, ne doivent pas masquer l'existence de quelques abominables
traîtrises du côté juif.
Il y avait à la Verdière une jeune femme avec ses deux enfants
que je connaissais comme provenant d'un bon milieu juif bourgeois.
A posteriori
je suis convaincu qu'elle a été placée comme indicatrice
de la police de Vichy, ou même de la Gestapo dans cette maison. Ayant
examiné ses enfants avec les autres pensionnaires de la maison, elle
me demanda de revenir le lendemain matin tôt pour examiner ses enfants
une seconde fois. L'athlète qui vint me chercher de sa part le lendemain
matin en voiture et qui portait la francisque était indubitablement un
doriotiste. Le mari de cette femme, haut fonctionnaire avant la guerre d'un
gouvernement français a trouvé la mort par trahison. Cette monstrueuse
fille d'Israël a fait de longues peines de prison après la guerre.
Elle n'a échappé au poteau d'exécution que par de hauts
protecteurs.