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Préfacepar Serge Klarsfeld «Le Mémorial de la déportation des Juifs de France» que j’ai publié en 1978 se présentait, comme je l’avais voulu, sous la forme et dans les dimensions d’un bottin téléphonique pour mieux faire comprendre l’étendue du massacre. Quand on ouvre cet épais volume, on y voit des listes de noms, prénoms, dates et lieux de naissance sur deux colonnes, 90 noms par colonne pas plus grands que dans le bottin; plus de 600 pages; 80.000 états civils; 80.000 victimes de la Shoah, une ligne par personne alors que l’on pourrait écrire un livre sur chacun d’entre eux, et ne l’ai-je pas fait plus tard pour cette adolescente que fut Louise Jacobson, notre Anne Franck et pour cet enfant d’Izieu de 8 ans "Georgy", Georg Halpern, et d’autres l’ont fait individuellement pour leurs pères ou leurs mères en rédigeant leurs biographies ou collectivement comme les membres des familles du convoi 6 ou 73. Au Mémorial des 80.000 a succédé "Le Mémorial des 11 400 Enfants Juifs Déportés de France" avec en plus de leur état civil les photos de 3500 d’entre eux et leurs adresses d’arrestation qui ont transformé cet ouvrage en un atlas de la persécution ainsi qu’un bref récit de leur tragique destin; informations qui ont à jamais rendu vivante leur mémoire. Sont apparus aussi les Mémoriaux fondés sur une base géographique: une commune, une ville, un département ou un camp d’internement. Ainsi peu à peu se constitue ce tissu d’histoires individuelles et de monographies, au terme desquelles seront vérifiées les grandes synthèses rédigées dans la soixantaine d’années qui ont suivi la Shoah. Plus que d’autres, les mémoriaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin devaient voir le jour car les Juifs n’ont pas été déportés d’Alsace mais, évacués ou expulsés de leur terre d’origine, ils ont été arrêtés dans le reste du territoire français, à partir de nombreux départements où, réfugiés, ils s’étaient installés. Le Grand Rabbin Gutman a établi et publié en 2005 le Mémorial du Bas-Rhin et Daniel Fuks et le Grand Rabbin Jacky Dreyfus viennent d’établir et de publier celui du Haut-Rhin. Ces deux ouvrages pionniers méritent tout notre respect pour la somme de travail, de dévouement et de compétence dans la recherche historique qu’ils représentent. J’ai déjà écrit tout le bien que je pensais du Mémorial du Bas-Rhin et je ne cacherai pas mon enthousiasme pour celui du Haut-Rhin qui est un véritable monument à la hauteur de la tragédie; un monument de papier plus solide et plus durable qu’un monument de pierre. Cette incomparable moisson de renseignements qui porte sur une décennie a permis dans une première partie la rédaction d’une cinquantaine de notices détaillées nourries de témoignages et de documents particulièrement intéressants et bouleversants et qui nous rendent si proches les victimes. Elle a permis aussi dans une troisième partie de présenter plus de cent cinquante photographies des victimes. La partie centrale de l’ouvrage, la plus précieuse, est consacrée aux notices très concentrées de chacun des 1100 Juifs du Haut-Rhin qui ont été déportés: les noms des parents sont indiqués pour une grande partie des victimes; quand l’adresse de résidence dans le Haut-Rhin a été récupérée, elle figure; les membres d’une même famille sont repérable par une indication appropriée. En quelques lignes une vie, un destin sont résumés: c’est l’aboutissement d’une quête difficile et c’est aussi une base de départ pour d’autres chercheurs. En refermant cet ouvrage de piété et de rigueur historique on éprouve un grand soulagement de savoir que cette gigantesque masse humaine de 75.000 déportés de France peut être individualisée comme dans aucun autre pays où a sévi la Shoah; de savoir que dans toute la France des chercheurs donnent de leur temps pour que tous ces êtres assassinés ne disparaissent pas de nos mémoires et de celles des futures générations. Nul doute que lorsque Daniel Fuks et le Grand Rabbin Jacky Dreyfus parcourent et parcourront le Haut-Rhin, ils ne seront jamais seuls: les déportés du Haut-Rhin les entoureront et ne cesseront de les réconforter. |