L'ALSACE, samedi 19 août 1978
Ça marche pour Robert Frauenglas ! Et ça marche même depuis 850 bons kilomètres de sentiers, de chemins, de routes. Cet écrivain américain de 28 ans, qui était de passage hier à Mulhouse, a entamé le 29 juin dernier un périple de 2.000 kilomètres à pied. Une "longue marche" qui est en tait une démarche de protestation contre les conditions d'existence réservées aux Juifs d'URSS.
"Je cherchais un moyen à ma portée pour sensibiliser l'opinion sur le problème des Juifs d'URSS" (dont on a reparlé récemment à l'occasion des retentissants procès de Chtcharansky, Guinzbourg, Slepak Ida Nudel.) "Pas question bien sûr de prendre des otages dans une ambassade quelconque ou de détourner un avion ! explique Robert. Je suis un "fana" de la marche à pied, je fais partie de divers clubs de randonneurs : je tenais mon moyen !" Et fin juin, chaussé de grosses "godasses", sac au dos, Robert Frauenglas est parti de devant la maison du Parlement à Londres.Un symbole de liberté, pour ce sympathique et solide marcheur qui parcourt d'abord le Royaume-Uni, allant de grande ville en grande ville à pied, toujours à pied. Traversant d'ailleurs Walsall, la ville jumelée à Mulhouse. Ensuite, direction Dublin, en Irlande. Puis, le continent. Robert - une fois n'est pas coutume - prend l'avion jusqu'à Zurich pour se retrouver... à pied d'œuvre. Et, par les sentiers du Jura suisse, il se rend à Bâle. Hier donc, il était à Mulhouse, où il a été accueilli par le rabbin Edgard Weill, MM. Rothé, administrateur de la communauté juive de Mulhouse, Wirth, adjoint au maire, et le représentant comme président du comité d'honneur mulhousien de soutien aux Juifs d'URSS. Après une courte halte, Robert Frauenglas se rendra à Thann, puis, par les sentiers vosgiens, jusqu'à Strasbourg, avant d'aller à Nancy, Metz, Luxembourg, Bruxelles, et de rejoindre les Pays-Bas, dernière étape… Légende de la photo : "C'était hier eu centre communautaire juif de Mulhouse: Robert Frauenglas entouré du rabbin Weill et de MM. Rothé et Wirth." (Photo "L'Alsace") |
DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE 18 juillet 1980
"Marathon de la liberté, Moscou 80 ne doit pas être Berlin 36", c'est sous ces thèmes que la communauté israélite de Strasbourg et le Comité de soutien aux juifs d'URSS organisaient une manifestation hier à Strasbourg.
Partis du monument aux morts place de la République, par la rue du Dôme et la rue des Grandes-Arcades, une centaine de personnes ont rejoint la place Kléber où se trouvaient déjà d'autres manifestants. Là différentes personnalités prirent la parole pour "dénoncer les persécutions dont sont victimes les juifs en URSS et l'absence de liberté qui y règne". Les manifestants qui se trouvaient là auraient bien voulu que les Jeux olympiques soient "la grande fête de la paix et de l'amitié entre les peuples, mais y a-t-il paix et amitié lorsque sont violées la liberté des individus et l'indépendance des peuples". "Dans les conditions actuelles", devaient rappeler les manifestants, "à quoi correspondent les Jeux olympiques? Déjà à Berlin en 1936 le régime nazi déclarait que le sport et la politique étaient deux choses différentes mais à cette époque les camps de concentrations étaient déjà ouverts." A Moscou, en ce moment, les Jeux servent de moyens de propagande. Les dissidents sont éloignés de la ville ou emprisonnés. Les sportifs tenus à l'écart de la population moscovite et la presse soviétique a lancé une campagne de dénigrements contre eux. Pour le vice-président de la communauté israélite de Strasbourg, la réponse est simple. "Il n'y a ni paix ni détente ni allégresse des corps lorsque les hymnes sportifs, les marches triomphales étouffent le cri des hommes dont le" droits sont violés." |
L'ALSACE, juillet 1978 |
autocollant émis par l'UEJF de Strasbourg en 1978 |
télégramme envoyé par Emile MULLER, député-maire de Mulhouse en juillet 1978 |
L'ARCHE n°286, janvier 1981
DEUX cent cinquante personnes ont célébré Hanoucca le 7 décembre à la mairie du 16ème arrondissement. Cependant, ce n'était plus seulement une fête du souvenir d'un miracle des lumières contre la barbarie, mais une fête terriblement actuelle, un recueillement entre le tragique et l'espoir pour les Juifs qui, aujourd'hui en U.R.S.S., luttent encore au risque de leur vie et de leur liberté contre le paganisme moderne et le totalitarisme. Leur révolte a gagné les membres de la communauté de la rue Montévidéo. Au cours de la soirée, la volonté d'action l'a emporté sur la tentation de la mondanité et la gravité des situations évoquées a noyé toute velléité de manœuvre électoraliste des élus du 16e arrondissement présents à la tribune. Emeric Deutsch, André Monteil, ancien ministre, Gilbert Gantier et Georges Mesmin, députés, Anne- Marie Revcolevschi de la commission Juifs d'U.R.S.S. au C.R.I.F, Michaël Edelman, ancien « refuznik », ont rappelé les persécutions quotidiennes dont sont victimes les Juifs d'Union soviétique, l'antisémitisme d'État, qui trouve son expression la plus nette dans une propagande inspirée du "Protocole des Sages de Sion", la répression qui sui t instantanément une demande de visa, mise au chômage, des années d'attente, parfois dans les prisons ou dans les camps. Alors que la Conférence de Madrid est dans l'impasse, en deuil des espoirs qu'avait éveillés l'acte final d'Helsinki, des individus, des communautés comprennent qu'il leur appartient, aujourd'hui, de prendre en main la défense des droits de l'homme, des droits de penser, de pratiquer une religion, de quitter son pays et de pouvoir y revenir librement, tous ces droits consciencieusement violés en U.R.S.S. Après la projection d'un film d'amateur, tourné dans la clandestinité en Union soviétique, Michel Rothé du comité strasbourgeois de soutien aux Juifs d'URSS, est entré en communication téléphonique avec la famille Stolar, actuellement à Moscou. Cette famille qui avait obtenu son visa en 1975 s'est vue empêchée de partir alors qu'elle était déjà sur la passerelle de l'avion; depuis, privée de ses droits légaux, privée du minimum vital, elle vit en étrangère dans un pays qui l'a fichée "ennemie de la patrie". Stolar dira son besoin vital du soutien des juifs d'Occident : "Sans vous, je n'existerais pas, je n'aurais plus d'espoir". Moment d'émotion intense dans la salle quand au téléphone il chante la prière de Hanoucca, moment d'espérance folle chez lui à Moscou quand il entend 250 personnes chanter "Maoz Tsur". Les organisateurs du meeting, les membres de l'Ohel Avraham redisent leur espoir que cette initiative en entraîne de nouvelles. Ainsi - après Copernic - à nouveau une synagogue a consacré toute une soirée de fête au problème des Juifs d'Union soviétique. La communauté de la rue Montévidéo s'est engagée ce dimanche soir à adopter la famille Goldstein, elle espère voir l'exemple se multiplier, et chaque communauté de quartier adopter à son tour au moins un "refuznik". Il est étonnant de remarquer combien, nous, Occidentaux, nous décourageons facilement et désespérons quant au sort des refuzniks, alors qu'eux luttent avec foi pour l'impossible et l'obtiennent parfois grâce à ce qui nous semble dérisoire mais qui pour eux est une extraordinaire source vive d'espoir et de force : la solidarité.
MICHÈLE RUIMY |
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