Le Rabbinat de Metz (C. Kahn) Le Rabbinat de Metz (I-M. Jost) Liste des Grands rabbins |
Arye Loeb b. Asher, le Shaagath Arié
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L'histoire littéraire du Judaïsme est encore à faire ; c'est une entreprise qui exige une réunion de circonstances se rencontrant difficilement ; il faut des hommes instruits, ayant de grands loisirs, et placés auprès de grandes collections de livres et de manuscrits. Nos rabbins français, placés à Paris comme jadis les bénédictins , pourraient comme eux se livrer à ces vastes et utiles travaux ; cela viendra peut-être en attendant (je crois même que cette attente sera assez longue), il est bon d'appeler tous à la besogne; désirant offrir mon obole aux trésors que l'on peut recueillir, je donne ici la liste des rabbins qui ont occupé le siége de Metz (ק"ק מיץ) depuis le deuxième établissement des Juifs dans cette ville, avec quelques renseignements littéraires. L'histoire de cet établissement est l'ouvrage d'un travail spécial auquel se livre M. Olry Terquem, pharmacien en cette ville; il tient à sa disposition ce qui reste des archives (malheureusement beaucoup a disparu) de l'ancienne communauté (קהל); pour le moment, il suffit de savoir qu'en 1559 Metz n'était habitée que par quatre familles juives, dont les chefs se nommaient Isaac, Samuel, Mardochée et Mayer, demeurant tous dans une même rue, longue et étroite, fermée de portes aux deux bouts, et nommée rue de l'Enfer ; par son accroissement, cette population est parvenue dès 1603 à former vingt-quatre familles de cent vingt personnes; alors il leur fut permis de s'établir rue de Saint-Feroy, aboutissant à la rue actuelle de l'Arsenal ( nom donné depuis 1790 à l'ancienne rue des Juifs ). C'est de 1609 que date la liste non interrompue des rabbins.
1° ר' יוסף אשכנזי Joseph Askenasie, 1609. Cette année fut construite la vieille synagogue, dite en langage messin die Alt Schul ; sur la voûte de la cave on trouve ces mots ב"א ש"ל"ו"ם correspondant à l'année שע"ט ou à 1609. Ce rabbin, d'un caractère peu pacifique, fut renvoyé et retourna en Allemagne; Trèves dépendait alors du ressort du rabbin de Metz.
2° ר' יונה בן ר, ישעיה תאומים Isaïe Tomime , surnommé ר' יונה כ"ץ
mort à Metz en 1627; il y est venu en 1612 ; il est auteur de l'ouvrage
intitulé קקיון היונה Amst. in-4°. ת"ל = 1670; Hanovre, in-fol., תרע"ב =1712.
Je ne sais quelles sont les relations de parenté
entre cet auteur et celui de l'ouvrage חרושי דיני דגרמי qui se nomme ר' יונה תאומים. David Ganz dit
qu'il est mort en 1664 (2)
3° ר' גרשון אשכנזי Gerson Askenasi
est venu à Metz en 1627, et y est mort en
1637, auteur des ouvrages:
עבודת הגרשוני Amsterdam, in-fol. תנ"ט - 1699.
תפארת הגרשוני Francfort s/M. in-4°. תנ"א - 1691.
חרושי הגרשוני id. ת"ע,
Ganz nomme ce rabbin ר' גרשון אוליף et dit qu'en 1692, il vivait encore.
La famille des Oulif à Metz descend de ce rabbin, d'origine polonaise
; un membre de cette famille, ancien avocat du barreau de cette ville, est
maintenant professeur de droit à l'université libre de Bruxelles.
4° ר' גבריאל כ"ץ Gabriel Cohen , venu en 1638, en est parti en 1649. Il était de Nicolsbourg en Moravie ; on conserve encore aujourd'hui dans la synagogue de Metz un ספר תורה ayant appartenu à ce rabbin, qui ne voulait jamais qu'on se levât devant lui, suivant l'usage ancien, d'après le verset מפני שיבה תקום. Comme on se levait devant lui malgré sa défense, il eut soin de porter constamment un petit ס"ת (rouleau contenant le Pentateuque) sous le bras, pour que l'honneur fut rendu à la loi et non à la personne. Ayant demandé une permission pour visiter sa famille, il outrepassa le temps de son congé ; de retour, la communauté ne voulut plus le recevoir ; lui voulant rester de force, la communauté fit enlever les portes et les fenêtres de son logement, et il fut forcé de s'en aller.
5° ר' משה
כהן נריאל Moïse
Cohen Noriel vient en 1650 et meurt en 1675. Auteur de la prière
אל
מלא רחמים récitée
dans la synagogue de Metz les samedis qui précèdent שבועות
(Pentecôte)
et ט' באב.
Les deux événements suivants ont probablement donné lieu
à la composition de cette prière : en 1670, à la fête
de la Pentecôte, pendant qu'on était en prière, un bruit
se fit entendre sur le toit de la synagogue. Les femmes, s'imaginant que le
bâtiment allait s'écrouler, furent saisies d'une panique, se
précipitèrent pour sortir, et sept d'entre elles furent étranglées
près de la porte, par les rubans de leurs bonnets ; elles
furent enterrées dans le même tombeau, et n'eurent qu'une seule
pierre tumulaire (3) ; elles reposent dans le cimetière
israélite, à droite près la porte Chambière, près
la petite butte qui sert de batterie à l'artillerie. On attribuait
ce malheur à ce que la prière du matin avait été
récitée trop tard (עובר
קריאת שמע).
Depuis ce temps on va plus matin à la prière le jour de שבועות,
et il est défendu au חזן
( chantre) de chanter avant le קיאת
שמע (la récitation du Schema
).
Deux années plus tard, en 1672, pendant la même fête, une rixe violente s'éleva dans la synagogue entre les femmes : les hommes s'en mêlèrent, on en vint aux voies de fait ; on se battit dans la grande synagogue avec des pupitres; la voix des פרנסים (syndics) fut méconnue; le rabbin fulmina un חרם sans effet. On fut obligé de faire venir la garde pour rétablir l'ordre, et on commença l'office du מוסף à trois heures. Le plus acharné dans la lutte était un nommé Simon Trenel. Le קהך (la communauté) le somma le lendemain de venir rendre compte de ses actions, il s'y refusa. Le קהל le condamna à une amende de 500 livres tournois pour chaque jour de retard ; comme il resta longtemps, l'amende dépassa de beaucoup ses moyens. Alors sa femme, nommée Terzié, se rendit à Paris et se jeta aux pieds du trône. Le roi Louis XIV la renvoya devant les premiers juges, avec ordre que l'amende ne pût s'élever au-delà de 4000 livres. Simon se présenta alors devant le קהל, qui ne le condamna qu'à 1500 livres d'amende, et à être placé une année auprès de la porte de la synagogue, et il n'y eut même que cette seconde partie d'exécutée. Ce récit est propre à nous donner une idée des moeurs du temps.
6° ר' אברהם בראדי Abraham de Brody. Arrivé en 1679, part en 1700 pour être ראש ישיבה (chef d'académie) à Prague; il est connu sous le nom de ראש ישיבה.
7° ר' יעקב בן ר' יוסף רישר Jacob Reicher
vient de Prague en 1709. et meurt le 28 janvier 1733
; il est auteur de
1- חק יעקב Dessau, 1697-in-4°.
Jesnitz, 1724-in-4°.
2- שבות יעקב Prague, 1689 - in-fol.
Halle, 1701-in-fol. 1re partie.
Offenbach, 1719-id. -2ème partie.
Le fils de ce rabbin, Néhémie Reicher, habitait Metz, et était
grand-rabbin de la Lorraine. Sa mère fut assassinée, le 4 mai
1740, par un manoeuvre juif nommé Lion, employé clans la maison,
et qui prit la fuite. Ce rabbin Néhémie le suivit, et l'ayant
découvert, il le livra à la justice. L'assassin expia son
crime sur la roue ; après avoir été rompu vif, on obtint
par des sollicitations que son corps ne fût pas exposé.
La famille des Reicher à Metz, descend de ce rabbin. Un d'entre eux
possède un talent remarquable au jeu des dames, il a épousé
une nièce d'Ensheim (Moïse).
8° ר' יעקב יהושע מקרקא Jacob Josué de Cracovie arrive en 1735, part pour Francfort s/M., en 1745; auteur du פני יהושע Amsterdam, 1715, in-fol., mort en 1755, laisse inachevé un commentaire sur la Tora.
9° ר' יהונתן Rabbi Jonathane , surnommé Eibeschütz vient à Metz en 1745. Ce rabbin célèbre fut obligé de partir, à cause de ses démêlés avec les rabbins, qui l'accusaient de sabtaïsme; voir Jost, Histoire des Juifs, tome IX , page 51.
10° ר' שמואל העלמן Samuel Helman vient à Metz en 1746 ; mort en 1763. A sa mort il y eut une scission dans lacommunauté; les uns voulurent nommer ר' פייבש fils du précédent rabbin; les autres voulurent nommer un étranger; car on savait qu'il existait à Lublin un savant talmudiste, auteur d'un ouvrage très-profond (שאגת אריה),dont un seul exemplaire était à Metz entre les mains de la veuve du défunt rabbin. Un nommé Birié, ami de cette veuve, alla lui emprunter cet ouvrage, et en donna communication. Son auteur fut nommé à l'unanimité.
11° ר' יהודה אריה לעב Juda Loeb vient à Metz en juillet 1765, y meurt le 3 juillet 1785. Auteur du שאגת אריה Neuvied, 1739, in-fol.; a prêché son premier sermon le 3 août 1765. C'est le père de Ascher Loew , mort le 23 juillet 1837, rabbin de Carlsruhe. Dans sa première jeunesse il s'est livré, à Metz, à des études fort libérales, et y a tenu une conduite trop libérale pour l'époque. Sa vieillesse est placée aux antipodes de sa jeunesse; c'est le train ordinaire.
12° ר' פיבש כהן Ouri Cohen , né à Metz, mort le 8 mai 1806, a rempli ses fonctions rabbiniques sans avoir aucune nomination officielle ; est auteur du הלכה ברורה (Décision claire) , titre peu fidèle.
13° ר' מאיר שארלעוויל Mayer Charleville , né à Metz ; mort le 3 mai 1812, il a rempli les fonctions rabbiniques jusqu'en 1810, alors il est nommé grand-rabbin du Consistoire de Metz , le premier de ce titre.
14° ר' יוסף גוגענהיים Joseph Gougenheim , né à Metz, mort le 24 août 1813, a été nommé grand-rabbin en 1812. Après sa mort, M. Aaron Worms remplit par intérim les fonctions de grand-rabbin depuis 1813 jusqu'en 1821.
15° ר' נתנאל בן יצחק ווידערשהיים Nathanel Wittersheim , né à Metz, mort le 30 novembre 1831, nommé grand-rabbin en 1821 ; auteur du ספר אמרי בינה Metz, 1821, in-4°, calcul du calendrier ; un de ses fils est imprimeur à Paris, et son neveu bibliothécaire à Heidelberg.
16° ר' אהרון ווארמש Aaron Worms, né à Geislautern , entre Saarlouis et Sarrebrück, en 1754, nommé grand-rabbin en 1831, et décédé le 2 mai 1836 , auteur du מאורי אור ; il en a paru diverses parties. L'auteur a ordonné par testament que le reste de l'ouvrage et tous ses manuscrits fussent placés dans sa bière; ce qui a été exécuté !
17° Lion-Mayer Lambert, né à Pontpierre, département de la Moselle, grand-rabbin actuel et auteur de divers ouvrages, d'une grammaire hébraïque , d'un catéchisme, d'une psychologie, etc.
Cette liste rabbinique est puisée d'après des quittances données par les rabbins, et que M. Simon, Israélite de Metz, aujourd'hui secrétaire du Consistoire de cette circonscription, et interprète auprès des tribunaux, a eu le bonheur de trouver parmi les vieux papiers dans le grenier de l'ancienne communauté.
Une remarque qui n'échappera pas au lecteur attentif, c'est que depuis la fin du XVIIIe siècle, les rabbins de Metz sont de Metz ou des environs. Depuis cette époque, on ne croyait plus, comme auparavant, avoir besoin d'un rabbin polonais. A dater de cette époque aussi les rabbins ne publient plus guère d'ouvrages talmudiques, ou ne publient rien.
L'avant-dernier rabbin, M. Worms, aurait compris la nécessité de la réforme du culte, s'il était venu au monde trente ans plus tard. Il a pris quelques mesures qui ont été amèrement critiquées, mais qui prouvaient qu'il savait confusément reconnaître les signes du temps.
Les papiers les plus intéressants pour l'histoire de
la communauté israélite de Metz se trouvent au château
de Grosyeulx, à deux lieues de Metz, propriété et résidence
de M. le comte Emery, pair de France, qui ne veut pas, dit on, en donner communication
(4). D'autres papiers ont été malheureusement
aliénés dans les dix dernières années par la négligence
!
Notes :
Voir aussi : Le Rabbinat de Metz des origines au début du 20ème siècle |