La Communauté de Metz se distingue par son ancienneté, la grandeur
de son passé et son rayonnement spirituel.
Sans doute présents à l'époque romaine, les Juifs sont
mentionnés à Metz au 9ème siècle. Vers 960 naît
dans cette ville Rabbénou
Guerchom, dont le prestige lui valut le titre de" Lumière
de l'Exil ". Ses décisions font encore autorité aujourd'hui.
Les Juifs disparurent de Metz à la fin du 12ème ou au début
du 13ème siècle sans doute pour des raisons économiques.
Ils obtinrent l'autorisation d'y résider à nouveau en 1565 en
échange de lourdes taxes.
En 1595, une communauté est constituée et une première
synagogue est construite en 1609 (ou en 1619) à l'emplacement de la
synagogue actuelle. Louis XIV la visita en 1657. Elle fut agrandie en 1690.
Une deuxième synagogue fut construite à côté en
1716 avec une école talmudique dirigée par de célèbres
rabbins, parmi lesquels il faut citer Chaagath
Arieh, étudié dans toutes les écoles talmudiques
de nos jours.
Le peintre messin Migette nous a laissé plusieurs dessins de ces synagogues
faits avant leur destruction.
Le Consistoire de Metz dans un rapport de 1842 examine les différents
problèmes que pose la construction d'une nouvelle synagogue. Ces problèmes
sont d'abord financiers. En effet la Communauté de Metz devait rembourser
les dettes des taxes de l'Ancien Régime, notamment la fameuse taxe
Brancas dont le remboursement ne s'acheva qu'en 1851. Elle devait aussi
entretenir l'école rabbinique.
Les 3/4 des Juifs sont considérés comme pauvres par le Consistoire.
Celui-ci s'inquiète aussi de la tiédeur religieuse de la population
juive et ne veut pas prévoir un trop grand bâtiment.
Se pose aussi le problème de la propriété des places des
anciennes synagogues qui avaient été aliénées et
de leur rachat.
Des maisons privées étaient imbriquées dans les synagogues et ce nouveau projet nécessitait leur rachat et leur destruction. Les tractations traînèrent en longueur plusieurs mois et ce rachat fut autorisé par une décision du conseil municipal de janvier 1847 et une ordonnance royale de Louis-Philippe du 22 avril 1847. La maison Brisac fut acheté 4000 francs et la maison Charleville 16000 francs.
Le rachat des places aliénées des anciennes synagogues, qui se
montait à 33700 francs, fut refusé par le gouvernement, celui-ci
n'acceptant pas la notion de parcelles de propriété privée
dans une synagogue. La plupart des propriétaires de ces places acceptèrent
cette décision ce qui soulagea le Consistoire, certaines places devant
être néanmoins rachetées. De même le Ministère
de la Justice et des Cultes refusa la vente des places de la nouvelle synagogue,
ce qui embarrassa financièrement le Consistoire.
En 1845 le projet fut estimé à 145000 francs. Plusieurs changements
de plans l'amenèrent à 160000 francs.
La ville de Metz octroya au Consistoire 36000 francs et le gouvernement 20000
francs en vertu d'une loi de 1831. Metz fut la seule communauté à
en bénéficier en Moselle avant le Second Empire. Le Consistoire
fut autorisé par ordonnance royale a contracter un emprunt de 75000 francs
en 1847. Enfin les dons des fidèles permirent de boucler le financement.
Les différentes sociétés et confréries de la Communauté
prirent en charge les ornements intérieurs. Le gouvernement veilla à
ce que les dépenses engagées ne dépassent pas les possibilités
de la Communauté.
La destruction des anciennes synagogues et des maisons privées débuta en 1847. Les offices se déroulèrent alors dans un oratoire loué.
La pose de la première pierre eut lieu le 20 septembre 1848. Une inscription,
gravée sur une plaque de cuivre, fut enfermée dans une double
boîte de plomb avec des pièces de cuivre, d'argent et d'or ainsi
qu'avec le procès-verbal de la cérémonie. Cette inscription
est la suivante: " L'an 1848, 1er de la République démocratique
française, une et indivisible ".
Le procès-verbal cite les noms du chef du gouvernement, Cavaignac,
des ministres de l'Intérieur et des cultes, du préfet, Billaudel,
du maire, Germain, du président du Consistoire, Louis Aron-Caen, et
de ses membres, du grand rabbin, Louis-Mayer Lambert, de l'architecte, Derobe,
et de tous les artisans participant à la construction parmi lesquels
il faut citer le menuisier Dennery, premier maître menuisier juif établi
en France.
" Le temple a 40 mètres de longueur sur 20 mètres de largeur; il est élevé du sol de six marches, et se compose d'une nef et de bas-côtés précédés d'un porche avec trois doubles portes servant d'entrée aux hommes. Au-dessus des bas-côtés il y a deux rangs de galeries et trois au-dessus du porche, destinées aux femmes, avec deux entrées particulières sur la face. La nef (...) a 13 mètres, 85 centimètres de hauteur sous le lambris en bois et à compartiments.L'Annuaire décrit ensuite en détail l'intérieur de la synagogue. Parmi cette description :
(...) La façade principale offre cinq grandes arcades avec pilastres, mais peu saillants (...)dans les trois arcades du milieu sont les portes d'entrée destinées aux hommes, dans les deux arcades des avant-corps sont les entrées particulières des femmes.(...) Au-dessus des cinq portes cinq grandes croisées avec colonnettes; puis une corniche intermédiaire, trois double-croisées entre les avant-corps et sur chacun de ces derniers une triple croisée. Les façades latérales sont du même style (...)."
"une tribune où se tiennent les chantres est placée vers le milieu de la nef (contrairement à d'autres synagogues de la même époque où, sous l'influence de la réforme allemande, elle est placée à l'avant des bancs des fidèles), élevée du sol de deux marches et entourée d'une grille en fonte ouvragée.
(...) L'arche sainte au centre engagée dans le mur du fond élevée de trois marches, présente quatre colonnes supportant un cintre en renfoncement décoré de colonnes et d'une voûte magnifiquement sculptée, le tout terminé par un fronton décoré. Les portes de l'arche sainte sont recouvertes d'une tenture en velours rouge, d'une magnifique broderie en or remarquable par son dessin et son exécution (il est à noter que cette tenture, ou parochet, existe toujours). Les portes de l'arche sainte, intérieurement et extérieurement, sont décorées d'une peinture rehaussée d'or d'un fort bon goût et d'un très bon effet (...) Une chaire à prêcher très bien sculptée est placée contre l'un des piliers de la nef.
L'intérieur de ce monument est éclairé par 400 becs de gaz posés sur des candélabres et sur des lustres en cuivre byzantin; l'effet de ces lumières est magique. "
L'inauguration eut lieu à 13 heures. Le Consistoire au complet ainsi
que les administrations de la synagogue et de celles de la circonscription
allèrent chercher les autorités à la préfecture.
Parmi ces autorités figurent le préfet et son conseil, le maire
et ses adjoints, plusieurs généraux et officiers supérieurs,
le procureur général et des magistrats, des notables messins
ainsi que leurs épouses. Le Conseil général en session,
interrompit sa séance pour se joindre au cortège. Celui-ci,
précédé d'un détachement de la gard nationale,
rejoignit la synagogue au son des tambours. Le cortège fut accueilli
à son arrivée par le grand rabbin du Consistoire central, Marchand
Ennery, le grand rabbin de Metz, Mayer Lambert, et le rabbin de Dijon natif
de Metz, Charleville. Ceux-ci prirent la tête du cortège suivis
des rouleaux de Torah richement ornés appartenant aux différentes
sociétés. A l'entrée de la synagogue se tenaient le chœur
et son chef, Helman, l'officiant et un grand nombre de jeunes filles vêtues
de blanc, qui lançaient des pétales de fleurs sur les livres
sacrés.
Tous les lustres étaient allumés à l'intérieur.
La synagogue était comble ; de nombreux Juifs originaires de Metz étaient
présents. Aussitôt retentit la fanfare du génie, placée
dans la galerie supérieure, les troupes présentèrent
les armes et il y eu des roulements de tambours.
La cérémonie altema des chants, dont certains composés
pour l'occasion par M. Morhange, professeur à l'école rabbinique,
et des discours. Le journal messin note la présence de chefs arabes de
passage à Metz qui assistèrent avec beaucoup d'attention à
la cérémonie.
Les discours des grands rabbins de Paris et de Metz furent mal entendus par les journalistes présents en raison de la faiblesse de la voix des orateurs et le Consistoire dut imprimer des extraits de ces discours afin d'en faire connaître la teneur. Les Archives Israélites qualifient le discours du grand rabbin Ennery de paternel et sans prétentions, sans phrases à effet mais avec des citations généralement heureuses. Le grand rabbin se félicite de ce que le feu sacré de la religion n'est pas éteint. Le discours, très bref, du grand rabbin Lambert est qualifié de trop doctoral mais la prière y est très bien caractérisée. Ce discours est sensible et tolérant.
La cérémonie dura deux heures et fut suivi d'un repas donné par le président du Consistoire auquel assistèrent le préfet, le maire, l'architecte, plusieurs membres de l'Académie Nationale ainsi que des notables de la Communauté de Metz.
Le lendemain, samedi 1er septembre, le rabbin Charleville de Dijon prononça un discours tellement apprécié par l'assistance très nombreuse que celle-ci regretta qu'il n'ait pas pris la parole la veille.
Au début du 20ème
siècle, un projet d'une nouvelle synagogue plus centrale vit le jour.
Le quartier était devenu mal famé et la plupart des Juifs l'avaient
quitté.
Un terrain fut cédé par la ville en 1906. Ce projet fut abandonné
en 1918 par soucis d'économie, seules les réparations nécessaires
étant faites. Des grands travaux furent faits en 1925.
Pendant la période nazie, la synagogue fut dégradée mais
préservée.
Placée sur l'inventaire des Monuments Historiques, la synagogue apparaît dans toute sa beauté à la nuit tombée, magnifiquement mise en valeur par son éclairage.