Tribulations d'un Israélite strasbourgeois | Dénonciation des vexations | Avis aux Alsaciens |
A V I S aux A L S A C I E N S. Note de la Rédaction du site : nous présentons ici ce texte anonyme, conformément à l'original de 1790, en respectant l'orthographe de l'auteur. Le lecteur ne s'étonnera donc pas de trouver ci et là ce qui serait aujourd'hui considéré comme une faute d'orthographe ou de lire Cerf Behr et non Cerf Berr. Pour faciliter la lecture, nous avons cependant remplacé le signe "&", utilisé dans l'original, par la conjonction "et".
Mes chers Concitoyens, on vous a déjà instruit sur la suite de la vente des biens d'Eglise ; on vous a exposé votre véritable intérêt, et vous l'avez senti. Il n'est pas de communauté, où le vœu des gens bien-pensants ne se soyent réunis, pour s'opposer à cette entreprise et ceux qui ont l'air de l’approuver, ou se montrent indifférents sur cet objet, sont des esprits turbulens et inquiets, ou des gens qui n’ont rien, des va nuds pieds, comme on en trouve dans toutes les communautés.
L'opinion générale, que vous manifestez, est déjà connue. Aussi on n'ose plus trop parler directement de la vente ; mais on vous trompe. On y viendra, et c'est pour y parvenir plus facilement qu'on adopte une manière, qui pourrait d'abord vous plaire ; mais contre laquelle il est important de vous prémunir. On va vous parler clairement, mes chers concitoyens. Les gens qui employent de belles phrases, pour vous flatter, ou qui vous disent des choses, que vous ne comprenez pas, vous trompent. Si ce que j'ai à vous dire, vous paraît obscur, à la bonne heure, faites comme vous l'entendrez ; mais vous me comprendrez et vous reconnaîtrez votre ami. On va ôter l’administration de leurs biens aux gens d’Eglise et la donner aux districts et aux départemens. Cela parait d'abord séduisant, on vous tend ce piège, pour vous tromper plus surement. D'abord est-il juste, d'ôter l'administration de leur bien à ceux, à qui il appartient, et qui sont en état de l'administrer ? C’est comme si on voulait, que Pierre administre le bien de Paul, ou que le Curé, ou le corps ecclésiastique, qui est sur les lieux, soit chargé de gérer vos biens patrimoniaux. Mais cela n'est fait, que pour parvenir plus facilement à la vente, parce qu'on pense bien, que quand les propriétaires seront une fois dépouillés de l’administration, il sera bien plus facile, de les dépouiller de leur propriété. Que voulez-vous qu'ils fassent ? Il n'y a que la force qui leur ôtera l’administration, contre laquelle ils protesteront toujours ; ce sera aussi la force qui les dépouillera de leurs propriétés. Voyons à présent, si cette nouvelle administration vous sera plus avantageuse, que la présente. Certainement tous ceux qui cultivent à présent les biens d’Eglise, y perdent. Je n'ai rien à leur dire ; ils sentent bien , que si on leur ôte les biens , qu'ils ont depuis si longtemps sous leur charrue pour un canon modéré , ils sont tous ruinés. La crainte qu'ils éprouvent montre assez leur sentiment. Ce serait pour eux le plus grand des malheurs. Il n'y a donc que ceux qui ne sont pas fermiers des biens d’Eglise qui espèrent y gagner et ceux qui trouvent toutes ces nouveautés admirables. Oh, mes bonnes gens ! combien vous êtes loin de votre compte ? Si l'on donne ces biens au plus offrant et dernier enchérisseur vous vous enchérirez les uns les autres, que ce sera une pitié. Vous vous ruinerez les uns les autres par envie et par jalousie, vous ne pourrez pas payer vos canons, et vous ne trouverez pas de bonnes gens d’Eglise, qui par l’esprit de charité, qui leur est commandé, vous feront des remises dans de mauvaises années, ou vous donneront des termes. Si on afferme de gros corps de biens à la fois, il n'y aura encore qu'un certain nombre, qui les auront, et il faudra bien graisser la patte a M. le Régisseur, pour l'avoir et ceux, qui n'ont pas à présent de ces biens n'en auront pas d'avantage. Si on les distribue par morceaux entre habitans, d'abord ils seront loués plus cher, et personne n'aura rien, Le bon laboureur sera ruiné, il ne pourra plus entretenir de journalier ; et le journalier qui cultivera un ou deux arpens ne sera pourtant pas un laboureur, Aucun ne pourra entretenir de bestiaux, par conséquent il n'y aura pas d’engrais, et l’agriculture si florissante dans cette province, périra tout à fait. Voilà pour ce qui vous regarde mes chers concitoyens ; à présent il faut que je vous dise ce qui vous arrivera avec les administrateurs. Chacun voudra s’enrichir avec ces biens d'Eglise. Quand le temps viendra de les affermer ce sera une mine d’or pour qui sera chargé de cette opération. Préparez, vous, à venir avec les mains bien garnies, si vous voulez avoir un journal de prairie, ou un arpent de terre. Celui qui donnera le plus y aura la préférence. Les corps ecclésiastiques ne peuvent déjà employer assez de soins, pour surveiller leurs receveurs et les empêcher d’user de ces pratiques. Ce sera bien pis, quand ils n’auront pour les surveiller, que des gens qui auront les mêmes intérêts qu’eux. Ensuite l'argent provenant cette vente de grains sera mis dans une caisse. La bonne affaire que cette caisse pour celui qui en sera chargé, Il fera de belles entreprises ; il prêtera de l’argent, pour en tirer l'intérêt à son profit ; pour en jouir plus longtemps il fera attendre tous ceux, qu'il devra payer. Les Curés, les maîtres d'école seront obligés de se tourmenter, pour avoir leurs salaires: et les, bénéficiers actuels, pour avoir leurs pensions ; et puis quand M. le Caissier aura trop fait le Monsieur ou que son entreprise aura manqué, il fera un trou a la Lune, et partira pour la Hollande avec la caisse. Je pourrai vous citer cent exemples de cette espèce arrives aux. villes, aux hôpitaux, aux Chapitres, vous le savez bien. Quand ce malheur arrive à ces corps, tant pis pour eux, pourquoi n'ont-ils pas mieux surveillé ? Ils sont obligés de réparer le mal par une longue et sévère économie. Mais si cela arrive à une administration de caisse publique, ce n’est plus un corps, qui supportera ce malheur c’est vous qui le payerez ; car il faut bien a que votre Curé, votre maître d'école soient payés, que votre chœur et le presbytère soient entretenus, que le culte divin soit défrayé. S'il n'y a plus d'argent dans la caisse, il sera bien forcé, qu'on vous impose pour toutes ces dépenses. Mais ce sera bien pis, quand il faudra bâtir votre église, ou le presbytère. A présent vous savez fort bien, à qui vous adresser ; tout cela est réglé. S'il y a eu des procès pour cela, c'était plutôt entre les décimateurs, qu'avec les communautés. Mais si vous êtes soumis au district au département, et que celui-ci, qui sera votre supérieur refuse, ou .diffère toujours, qu'est-ce que vous ferez ? Est-ce que vous plaiderez ? Mais vous ne pouvez pas plaider sans sa permission et il vous la refusera ; parce que vous plaideriez, contre lui, tandis qu’aujourd’hui, si une communauté avait seulement une consultation d’avocats, on ne lui a jamais refusé de plaider contre le plus grand seigneur même contre le Roi. Mais il y a quelque chose, que vous ne savez pas encore, que j'aurai .peut-être de la peine â vous faire comprendre ; voyons si je pourrai y parvenir. Ces capitalistes, ces agioteurs, qui ont prêté leur argent au Roi à huit ou dix pour cent, et qui ont ruiné l’Etat, ont des billets pour leur servir de titre. Ces billets perdent beaucoup de leur valeur, parce que quand le débiteur a de mauvaises affaires personne ne se soucie d’avoir une créance sur lui. On ne peut pas leur donner de l’argent, parce qu'il n'y en a pas; et si vous trouvez que l'argent est rare dans cette province, i1 l'est encore dix fois plus à Paris, où l'on se met à genoux devant un écu de dix francs. Qu'est-ce qu'on a imaginé ? au lieu de ces billets, dont personne ne veut, on donne à ces usuriers des assignats sur les biens du Clergé, c’est à dire, qu'on leur donne un autre papier contre le leur, un titre, qui doit être plus sûr et plus solide, que celui qu'ils avaient. Or voilà ce que c'est, que ces assignats. Ce sont des écrits, par lesquels on assure à tel ou tel créancier, qu'il sera payé de sa créance sur tel bien du Clergé, qu'on lui donne pour hypothèque. Supposez, par exemple, Cerf Behr, qui avec les fourrages où il ne s'est pas ruiné, a eu encore le talent d'avoir beaucoup de titres sur le Roi ; son papier est discrédité, il ne vaut pas grande chose. Eh bien ! on lui donnera pour la valeur de ce papier un nombre suffisant d’assignats, dans lesquels on lui donnera l'abbaye de Marmoutier, ou celle d’Ebermunster pour hypothèque. Voilà donc cette abbaye, qui sera troquée contre le papier de Cerf Behr, et elle lui appartiendra, ou elle sera vendue en détail, pour le payer. Mais ce n'est pas tout. Comme on ne voudra pas d'abord effaroucher les peuples et que cette vente ne pourra peut-être pas s'effectuer tout de suite et que cependant Cerf Behr serait bien aise, d'avoir de l'argent pour son papier, il le vendra, et s'il veut avec ce papier faire un payement, vous serez, forcé de l’accepter. C'est là, mes chers concitoyens ce qu'on appelle du papier-monnoye. C’est un papier, qu'on est forcé d'accepter en payement, comme on est forcé d'accepter un écu de bon alloi. Ainsi si un bon laboureur, du Kochesberg va au marché de Strasbourg avec 20 ou 30 sacs de grains, et qu'il compte revenir avec un sac de gros écus , qu’il destine à acheter de beaux chevaux ; Cerf Behr viendra acheter du grain pour le Roi avec son beau papier. Le paysan sera forcé de l'accepter ; le marchand de chevaux Allemands, qui veut de l’argent, et non du papier, ramènera les chevaux et le paysan s'eu procurera, où il pourra. Il arrivera bien pis. Comme ces assignats sont fondés sur l'injustice ( car c'est une injustice que de donner pour hypothèque des biens , qui appartiennent a d'autre ; et malgré ceux , à qui ils appartiennent ) bien certainement la vente des biens souffrira des difficultés. On craindra d'acheter parce qu'en aura peur d’être obligé de rendre ; il y aura des oppositions, des difficultés et des retards sans nombre. Voulez-vous savoir, ce qui en arrivera ? le voici : Ces assignats, qui d'abord auront la valeur de l'argent qu'ils représentent, perdront bientôt de leur prix. Ainsi un assignat, je suppose, de mille francs, vaudra au commencement mille francs, bientôt il ne vaudra, plus que 900 liv. bientôt plus que 800 liv., il finira par perdre moitié. Je pourrai, donc avec 500 liv. acheter de quelqu'un qui sera pressé d’argent, cet assignat de mille francs. Or voyez, à présent le beau tour de Gibecière, que je vais vous développer. Je suppose que je dois mille francs, je m'en vais les payer avec 500 liv. C'est adroit, n’est-ce pas ? Eh bien ! voilà comme je m'y prendrai. J'achète pour cette somme l’assignat de mille francs je le présente en payement à mon créancier, qui est forcé de l’accepter, et vous voyez, mes chers concitoyens, qu'avec 500 liv. j'en ai payé mille. Le créancier criera comme un misérable qui est trompé. Tant pis pour lui, j'ai la loi pour moi; voilà pourtant une tromperie, une volerie abominable qui se fera tous les jours lors vos yeux, et non-seulement par des juifs, mais encore par tout plein de chrétiens, qui ne vaillent pas mieux. Que de familles ruinées ! quel horrible bouleversement ! et vous serez témoins et victimes de toutes ces calamités. Elles se feront sentir bien plus vivement dans cette province, que dans l'intérieur du royaume, et vous allez le comprendre. N'est-il pas vrai, que nous avons beaucoup d’affaires, de commerces, de successions et autres avec l’étranger ? Eh bien, l’étranger, s'il est votre débiteur, vous payera avec du mauvais papier, et si vous êtes son débiteur, il faudra que vous lui donniez de bons écus ; et au bout de très peu de temps, il n'y aura plus un écu dans la province. Je vais vous donner un exemple : Vous avez frère établi en Allemagne. Vous partagez la succession avec lui, et vous la lui payerez en beaux deniers comptant ; mais si ce frère meurt, et que vous réclamiez sa succession, quand elle sera bien liquidée par le moyen d'un négociant entendu, on se procurera a bon marche de ce beau papier ; vous serez forcé de le prendre pour bon, et au lieu de bon argent vous n'aurez que du papier. Autre exemple : le marchand de Strasbourg va à la foire de Francfort. Tout ce qu'il achète, il le payera en bon argent. S'il présente du papier, on le lui jetera au nez, parce qu'on aime beaucoup en Allemagne notre argent, et point du tout none papier ; mais le marchand de Francfort qui vient à Strasbourg a la foire de St. Jean , s'il a quelque compte à solder , aura grand soin de le payer en papier , qu'il aura, acheté à bon marché. Voilà comme tout notre argent s'en ira; voilà comme il ne nous restera que de malheureux chiffons, que le vent emportera, et le mal qui en résultera, se fera sentir non pas seulement dans les villes, non pas seulement aux marchands et gens d'affaires ; mais dans les villages les plus écartés et a toutes les classes d'habitans sans aucune exception. C’est vous surtout habitans et négocians de Strasbourg, qui dans le péril commun, qui menace toute l’Alsace, courrez les plus grands risques. Toutes vos relations sont avec l’étranger, vous traitez avec lui, vous cherchez vos femmes en Allemagne ; et c'est en Allemagne, que vous établissez vos enfans. C’est en Allemagne que vos marchands vont chercher leurs marchandises et porter les productions de nos terres et de nos fabriques, Eh bien, quand vous aurez payé en écus vos impositions ; car Messieurs les Receveurs veuillent de l'or pour le trésor royal on national, et puis encore le quart de votre revenu pour cette douce contribution patriotique qui achèvera de vous ruiner ; quand vous n'aurez plus un sol de numéraire effectif, et que vous serez obligé d’accepter tout le papier qu'on voudra vous présenter , vous ferez belle figure avec votre papier dans votre commerce avec l'étranger. Vous n'avez qu'à aller à Francfort ou à Bale tous verrez comme vous y serez reçu. Que sera-ce quand votre ville aura perdu passe 500000 liv. de revenus, de biens d’Eglise, qui se consomment dans votre ville, y non compris ceux de MM. Les Comtes du grand Chapitre pendant les trois mois de leur résidence ? Comment ferez-vous, pour vous garantir de la famine, si tous les greniers qui appartiennent à des corps ecclésiastiques et qui parviennent presque toujours à modérer le prix du pain, ne garnissent plus vos marchés ? Cependant ceux d'entre vous qui sont Luthériens, riront bien de ne plus voir, de Chanoines, ni de Religieux ; mais les Catholiques in ont aussi, de ne plus voir de Chapitre de St. Thomas, ni d'université Luthérienne, et chacun consentira à être borgne, s'il peut crever un œil à l’autre. Mais en revanche vous aurez; des juifs pour citoyens actifs on n'entendra plus votre Krifelhorn, et ces Messieurs plus entendus que vous dans la manière de faire valoir leurs papiers, sauront vous débarrasser du peu d'or et d'argent que vous aurez. Ils achèteront d'abord les maisons des Chanoines, et puis ils achèteront les vôtres avec vos biens. Mais il n'est pas permis de se moquer de vous à ce sujet. Vous avez déjà montré, que sur ce point vous connaissiez vos véritables intérêts, en résistant aux insinuations perfides qui vous ont été faites. Je sais cela, mais ce que vous ne savez peut être pas, c'est que vous avez dans votre ville des gens, qui vous arrangent plaisamment. Il faut que je vous dise, comment le secrétaire de votre correspondance générale, ou de votre société de révolution (je ne sais lequel c'est, car vous avez tant de braves gens) vous accommode dans 1e Moniteur N°. 102. Cependant Messieurs de Strasbourg si vous trouvez tout ce qui se fait, bien beau, j'y consens. Je sais bien, que c'est bien joli d'avoir une belle et nombreuse garde nationale, comme vous ; il est vrai, que les ouvriers perdent leur temps, que les maris s’enivrent, que les jeunes gens deviennent des vaut-rien ; mais avec une uniforme, et du papier au lieu d'argent on est encore bien heureux et content. Eh bien, je ne vous dis plus rien ; vous êtes sages et prudens, vous avez tant de gens d'esprit, qui vous endoctrinent ; je vois bien, que je n'ai rien à vous apprendre. Je reviens à mes bons amis, les gens de la campagne, qui ne sont peut-être pas si fins que vous mais qui réfléchissent davantage, et je leur dis : Mes chers concitoyens, ce moment est le plus pressant pour vous. On ôte l'administration de leurs biens aux gens d'église ; c'est une injustice, qui crie vengeance. On veut la donner aux districts et aux départemens, et on voudra vous persuader, que c'est pour le bien du peuple. Voilà comme on vous trompe toujours. Vous avez déjà vu, qu'il ne peut pas vous en résulter le moindre bien ; mais savez-vous ce qu'il en résultera ? D'abord la perte totale de la religion. C'est à elle qu'on veut. Prélisez, si vous en avez le temps ou le courage, tous les décrets de l'assemblée depuis la fameuse déclaration des droits de l’homme, voyez si vous y trouvez une seule sois le nom de Dieu, de ce Dieu tout bon et tout puissant, qui seul peut vous aider et vous consoler dans vos travaux ! Si vous saviez, comme on a traité de grands et saints Evêques, lorsqu'ils ont voulu faire expliquer l'assemblée sur l'article de la Religion ; vous verriez qu’on ne présente pas les Prêtres, que parce qu'on ne veut plus qu'il y en ait de Religion. Ensuite quand .on aura ôté l'administration aux gens d’Eglise, viendront ces assignats ce papier-monnoye, dont je vous ai entretenu. II y en a déjà, une grande quantité qui circule dans Paris, et bientôt nous en verrons dans cette province, que vous serez bien forcé d’accepter si vous n'y prenez garde. Quand vous aurez été bien tourmenté par la nouvelle, administration et que ce papier aura ruiné bien du monde, il sera bien force de rendre les biens ecclésiastiques, et on se dépêchera de les vendre pour qu'il ne soit plus question du Clergé, qu'il ne puisse plus se relever. Quand on s'occupera de tout vendre, vos terres propres n'auront plus de prix ; ce que vous avez acheté mille florins, n'en vaudra pas cinq cent et puis les nouveaux propriétaires tireront la moelle des os de leurs fermiers et ils iront manger leurs revenus, où ils voudront. Enfin, quand il n'y aura plus ni dixmes, ni biens fonds, c'est alors qu'on viendra a des impositions pour payer toute la dépense du culte divin. Cette dépense sera énorme, Vous crierez contre cette surcharge. Chaque communauté se défendra d'avoir un Curé, pour avoir ni Curé, ni église, ni presbitère à entretenir. On ne demandera pas mieux, que de vous laisser sans Curé, et alors plus d’instruction, plus de religion, plus de Dieu et voilà ce qu'on veut. Quant à vos pauvres, ils périront de faim et de misère , ou bien l'on établira encore une nouvelle imposition , comme en Angleterre ; car il n'en coûte rien d'imposer ; et au lieu de soulagement que vous espériez , vous ne serez que plus pressurés , sans pouvoir retrouver les ressources que vous avez eues jusqu'à présent, Il est temps , grand temps , mes chers concitoyens , que vous preniez des mesures efficaces, pour parer aux maux qui vous menacent. Vous allez vous rassembler, pour la formation des districts et départemens. C'est là le moment de faire voir que vous connaissez vos véritables intérêts. Commencez par mettre de cote toute espèce d'inimitié de Religion. Catholiques ou Luthériens, vous avez dans cette affaire le même intérêt temporel. Déclarez, que vous ne, contentez à la vente, aliénation ou distraction d'aucuns biens d’Eglise, que suivant les formes prescrites par les loix. Ne souffrez pas que les fondations destinées pour cette province soient employées hors de la province. Ordonnez ( car vous en avez le droit ) a ceux que vous choisirez pour les districts et départemens , de respecter toutes les propriétés , et défendez leur de s'immiscer d'aucune manière dans l'administration de celles des Ecclésiastiques. Annoncez tout haut, que vous ne reconnaîtrez jamais aucun assignat sur les biens ecclésiastiques situés en Alsace et que vous vous opposez, a l’introduction du papier-monnoye , qui par rapport à la situation de la province opérerait dans quelques mois sa ruine complète. Mes chers concitoyens, si vous faites cela, vous pourriez peut-être encore vous sauver du naufrage général. Ah ! si notre bon Roi n'était pas plongé dans une honteuse captivité, si les capitalistes n'avaient pas tout corrompu autour d'eux ; si Paris ne voulait pas engloutir tout notre or ; si la Religion et la justice avaient encore un peu de crédit, vous ne verriez pas tant de décrets sanctionnes du nom de LOUIS, de ce LOUIS si digne de l'amour de ses sujets, et si cruellement traité par eux. Nous n'aurions vas vu tous les désordres et l'anarchie dont vous êtes les premiers vous plaindre ; l'ordre et la paix, règneraient encore et tous les droits auraient continué à être respectés. ________________________________________ P.S. Au moment, ou cette feuille allait être livrée a l'impression, il est venu de Paris l'avis suivant, dont on vous garantit la certitude. « Les enragés sont furieux de la manière dont on traite les juifs à Strasbourg. Ils avaient déjà la soumission des Cerf Behr et autres, d'acquerrir pour douze millions des biens du Clergé d’Alsace, s'ils étaient déclarés citoyens actifs. Il faut se hâter de dévoiler ce ministère d'iniquité ; il saut démontrer aux habitans d'Alsace les risques qu’ils courrent par les assignats et les entreprises des juifs sur les biens ecclésiastiques. Les Cerf Behr se donnent les plus grands mouvements. Ils présentent leur femmes aux enragés amateurs pour les rendre tout juifs; ils n'ont pas grande peine. » Voilà cependant mes chers concitoyens, le sort que vous préparent ceux, qui de tant de manières et en tant d'occasions se disent vos amis ; qui crient sur les toits qu'ils veuillent vous rendre riches et heureux et que c'est pour cela, qu’ils ruinent la Noblesse , qu'ils dépouillent l’Eglise, qu’ils violent toutes les propriétés. Par les assignats ils ne vous laisseront pas un sou en poche ; par la vente des biens, ecclésiastiques ils vous rendront esclaves des juifs et des étrangers , qui suceront jusqu'à la dernière goutte de votre sang. Voilà le bien que vous veuillent vos prétendus amis. Écoutez à présent celui qui est véritablement votre ami. Je ne vous dis pas comme eux, de piller de massacrer. Je ne vous présente pas de fausses ordonnances, auxquelles on a eu l'impudence de mettre le nom auguste de notre bon Roi ; mais je vous dis au nom du Dieu de paix, mes chers concitoyens, n'employez ni tumulte, ni la violence, ni le meurtre, ni le pillage. Au nom du Dieu juste respectez les propriétés et les droits qui compètent à chacun. Au nom du divin auteur de votre religion faites voir que vous savez pratiquer ses préceptes mais que votre charité même envers vos ennemis ne vous empêche pas de suivre avec fermeté et courage vos véritables intérêts. Assemblez-vous dans vos communautés. Unissez-vous ensuite par des délibérations uniformes, et arrêtez unanimement :
Une seule réflexion, Mes chers concitoyens, va tous prouver la nécessité de cet arrêté. Les |