Elles sont là… dans mon appartement à Beit Bart… Elles sont toutes deux encadrées dans un même cadre simple et blanc.
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Après la guerre de 1939-1945, je ne suis pas retournée à Strasbourg. j'avais vu tant de choses pendant cette guerre en France que j'ai décidé de partir en Palestine, pour aider à construire un Etat où les Juifs seraient chez eux et ne subiraient plus jamais le sort qui avait été pour beaucoup d'entre eux la déportation et la mort.
Je suis donc partie en juillet 1945, par le premier bateau qui quittait l'Europe pour la Palestine, avec les premiers Olim (immigrants), parmi lesquels un groupe de jeunes rescapés du camp de Buchenwald, dont faisait partie un tout jeune garçon, il s'appelait Israël Meïr Lau… par la suite grand rabbin de Tel Aviv (2) !
Je me suis vite et bien adaptée dans mon pays, et l'hébreu est facilement devenu ma langue.
Deux ans après, en août 1947, je reviens à Strasbourg pour assister au mariage de ma jeune sœur Odette za¨l. Il faut bien sûr que j'assiste à la joie familiale, la première rencontre avec toute la famille après la guerre, et ce furent d'heureuses retrouvailles.
C'est pendant ce séjour à Strasbourg que je rencontre en ville une ancienne camarade de classe, Athénée Pallass. Elle est aussi heureuse que moi ! Aussitôt après les premières minutes d'émotion et d'embrassades elle me dit : "Lise, j'ai quelque chose pour toi – pouvons-nous nous rencontrer demain ? Même heure, même endroit !" Le rendez-vous est pris.
Le lendemain nous nous retrouvons. Athénée est très émue… Elle ouvre son sac, en retire une enveloppe qu'elle me tend, et me dit : "J'ai de tout mon cœur espéré te rencontrer, te revoir vivante après cette terrible guerre. Tu sais que la grande synagogue a été incendiée, saccagée par les Allemandes… j'en étais si malheureuse pour toi, pour tous les tiens… Le lendemain, je suis retournée sur les lieux… je voulais trouver quelque chose que je puisse un jour te remettre, quelque chose de "ta" synagogue", me dit Athénée, "et voilà cette enveloppe pour toi". Je l'ai prise, le cœur battant.
Dans l'enveloppe se trouvaient ces deux feuilles, ces deux pages de Seli'hoth… pages partiellement rongées par le feu mais encore bien lisibles. Pages fragiles mais si éloquentes. Elles ne m'ont plus quittée. Elles sont pour moi aujourd'hui, comme lorsque je les ai reçues, la preuve que l'Eternel ne se laissa pas détruire, que Sa Parole reste vivante et vraie malgré le feu et la cendre.
Merci aussi à mon amie pour son grand courage et son amitié.