Le serment de Yoram
Entretiens
Georges Yoram Federmann




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Edition Origine, collection Prophète en son pays, juin 2020, 80 pages, 13 €

"Celui qui, par quelque alchimie sait extraire de son cœur, pour les refondre
ensemble, respect, compassion, besoin, patience, regret, surprise et pardon,
crée cet atome qu’on appelle l’Amour." Khalil Gibran.

PREFACE
du Dr. Lionel COMTE
Spécialiste en santé publique, membre de l’Académie des Sciences, des Lettres et des Arts d’Alsace

Quel chapeau choisir pour présenter Georges Yoram Federmann ? Par chapeau il faut comprendre ici, le terme journalistique qui, en tête d’un texte permet, ou tente, de résumer en quelques mots le sujet développé.
Aussi, je choisis :
Georges Yoram Federmann ou un prophète iconoclaste ?
Georges Y. Federmann est une illustration parfaite du titre de cette collection : " prophète en son pays".

Prophète, il l’est quand il nous invite à nous débarrasser de nos croyances pour cheminer un peu plus vers la transcendance : transcendance dans la relation aux autres, transcendance dans la perception de la réalité. Pourquoi est-il "en son pays" ? Né sous d’autres cieux, puis nomade pendant ses jeunes années, il a épousé Strasbourg, son territoire et son histoire ; il lui apporte en dot la solidarité dont il fait preuve au quotidien. Mais quel sens a ici le mot pays ? Avant d’être assimilé le plus souvent à la dimension d’une nation, ce terme désignait un territoire où s’exerçait une communauté de destins ; chacun pouvait y exercer une citoyenneté active et une solidarité de proximité. En ce sens, Strasbourg est "le pays" où s’exerce la citoyenneté active de Georges Y. Federmann . Ce "pays" est sa chair, ce qui explique l’exigence "écologique" de sa persévérance dans ses combats, en dépit des oppositions sévères et des malveillances qu’il rencontre.

Iconoclaste, il le revendique et il l’est pleinement quand il nous bouscule. Et il nous bouscule pour nous inciter à prendre conscience que ce que nous considérons comme "réalité" n’est qu’une forêt d’images, de représentations - et la première d’entre elles est la représentation sociale. Karl Marx avait déjà pointé du doigt cette force de la représentation sociale dans Critique de l’Economie politique quand il écrivait : "ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience".

Georges Y. Federmann nous dérange parce qu’il nous invite à identifier ces images, ces ombres de nous-mêmes que nous croyons être le vrai nous-mêmes. Il nous invite à voir la relation avec les autres en dehors de tous ces apparats que sont les conformismes, les classes, les jugements. A propos de cette propension à juger, dans Ma vie, Carl Gustav Jung, le célèbre psychiatre écrivait : "Réfléchir c’est difficile ; c’est pourquoi la plupart des gens jugent".

L’éducation, les sciences, les religions et autres enseignements ne devraient pas être là pour nous donner des réponses mais pour être des outils d’interrogation du monde.
Une réponse qui met fin au questionnement est de nature mortifère. C’est probablement pourquoi, Georges Y. Federmann préfère dire qu’il est "en conversion", plutôt que de dire qu’il est converti. Ce qui amène à aborder le domaine de la religion ou des religions. Il y a toujours deux religions en chaque religion. L’une pourrait être qualifiée de religion "prêt-à-croire", comme dirait l’écrivain des spiritualités Patrick Lévy, l’autre serait ce qu’il est tentant d’appeler la voie de la Sagesse. La première peut être vue comme un catalogue de réponses, la deuxième comme la voie du questionnement.

De la science il serait également possible de dire qu’il y a deux sciences : celle de l’information et celle de la connaissance. L’information est une pierre brute, sans intérêt en soi, a priori. La connaissance est une pierre taillée, c’est-à-dire qu’elle a besoin, pour avoir du sens, d’établir des liens étroits avec celles qui l’entourent. L’enfant par son questionnement : "dis, pourquoi ?", est en demande de lien, donc de connaissance et non d’information. Cette voie du questionnement est, comme l’ont montré récemment les neurosciences, productrice d’ocytocine, l’hormone de la confiance, du lien social, communément appelée hormone du bonheur.

Médecin iconoclaste, Georges Y. Federmann l’est également quand il dit que les critères pour réussir en médecine devraient être l’expérience et l’indépendance de la pensée, ainsi que la solidarité - et non le conformisme, la compétition ou la concurrence. Et que l’intelligence de la mémoire logico-mathématique n’est pas la seule intelligence indispensable pour réussir en médecine.
Cela choque mais il ne fait que formuler d’une autre façon ce que beaucoup d’autres médecins ont exprimé différemment, y compris des médecins universitaires comme le Professeur François Grémy qui écrivait en 2001 dans la revue Santé publique : "L’apprentissage massif des sciences fondamentales n’est en rien une éducation à la pensée scientifique : l’accumulation des faits à mémoriser et à réciter, encombre, mais ne forme guère, l’esprit. L’esprit de la science n’est pas au rendez-vous". D’ailleurs les médecins sont-ils formés à la logique de la santé ou à celle de la maladie ? La question est iconoclaste mais la réponse est malheureusement évidente. Les médecins, et plus généralement les soignants, sont formés uniquement à la logique causale et linéaire des maladies : lecture diagnostique des symptômes jusqu’aux traitements pharmacologiques. La santé est considérée sous le seul angle de l’absence de maladie, comme si la joie n’était que l’absence de tristesse. Ceux qui, aujourd’hui, arrivent à pratiquer la médecine avec joie, avec une véritable envie et un souci de comprendre au-delà des symptômes, sont de véritables rescapés d’un dévoiement de la médecine vraie.

Georges Y. Federmann fait partie de ceux-là.
Psychiatre iconoclaste, il l’est à tant d’égards. On pourra retenir par exemple qu’il reçoit les patients sans rendez-vous ; qu’il se tient à leur côté et non derrière un bureau et qu’il s’adresse à l’être humain et non à un malade. D’ailleurs, ce malade, ou plus exactement cet être qui souffre, ne serait-il pas, parfois, le symptôme d’une société malade, d’une société qui a du mal à accepter globalement les comportements non conformes ? De plus, le dosage du traitement prescrit au patient n’est-il souvent relatif au malaise du soignant plutôt qu’au besoin thérapeutique réel du patient ?
La réflexion de Georges Federmann dérange, certes, mais elle est absolument fondamentale. Elle rejoint là celle de Carl Gustav Jung, ce médecin psychiatre qui est, à n’en pas douter, celui qui a été le plus loin dans l’exploration de l’âme humaine. Pour ce dernier, nombre de manifestations dont souffrent les patients dits malades seraient l’expression individuelle de pathologies archétypales, c’est-à-dire de manifestations de l’inconscient collectif.

Ce qui m’amène à évoquer un autre engagement de Georges Y. Federmann, notamment au sein du "Cercle Menachem-Taffel" qu’il a initié, à partir d’une question majeure pour l’histoire de la médecine et pour notre société : comment des êtres humains qui ont choisi ce merveilleux métier de médecin ont-ils pu décider de se mettre au service de l’ordre nazi ?
Jung lui-même, dès 1918, avait exprimé son appréhension des évènements graves qui allaient secouer l’Europe quelques années plus tard, lorsqu’il écrit que : la "bête blonde" s’achemine vers une psychose totalitaire. Il parle des "dieux de substitution", exprimant ainsi les débordements des fantasmes inconscients et collectifs.

De même, Georges Y. Federmann convoque l’Histoire pour nous interpeller.
Les menaces qui pèsent sur notre monde, sur chacun de nous, sont les effets de nos comportements, de nos conditionnements, de nos conformismes, une aliénation qu’il appelle à transcender. La vie doit être plus forte que la mort. Et il convoque l’Histoire tout en étant au cœur d’une grande modernité.

La physique quantique, fruit de la transcendance scientifique, dit, entre autres, qu’on ne peut qualifier une particule en soi, lui donner un nom. C’est la relation établie avec les autres particules qui permet de définir ce qu’elle est, et donc de la nommer. Plus encore, dit la physique quantique, deux particules qui ont été en contact restent indéfiniment liées : ce qui arrive à l’une interfère sur l’autre. Et tout être est le fruit de cette réalité.
Comment alors ne pas se référer à Einstein, un autre iconoclaste, qui enseigne que : "L’important est de ne jamais cesser de s’interroger. La curiosité a sa propre raison d’exister. On ne peut pas s’empêcher d’être en admiration quand on contemple les mystères de l’éternité, de la vie, de la merveilleuse structure de la réalité. Il suffit simplement d’essayer de comprendre un peu ce mystère chaque jour.
Ne perdez jamais votre sainte curiosité."
Ainsi Georges Y. Federmann perpétue cette lignée


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