I
Edouard BAMBERGER
M . Henry Salomon, professeur au lycée Henri IV à Paris, a fait le 26 mai 1920, au Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départements, qui s'est tenu à Strasbourg, une très intéressante communication sur Edouard Bamberger (1825-1910) : Un Alsacien et une famille lorraine au XIXe siècle. Le Congrès a émis le voeu que le Mémoire de M. Salomon fût publié et répandu. A défaut du travail du savant professeur, qui n'a pas encore paru, nous reproduisons ici l'essentiel de l'analyse qui en a été donnée par le Journal Officiel (31 mai) et qui campe la personnalité si curieuse et si attachante d'Edouard Bamberger.
Le 1er mars 1871, l'Assemblée nationale discutait à Bordeaux le rapport de M. Victor Lefranc sur le projet de loi portant ratification des préliminaires de paix dictés à Versailles par Bismarck victorieux à Thiers et à Jules Favre, représentants de la France vaincue. Un député de la Moselle, Edouard Bamberger, parlant contre la ratification du traité, s'écria : "Un seul homme devait signer ce traité qui constitue, selon moi, une des plus grandes iniquités de l'histoire : cet homme, c'est Napoléon III." Quelques députés bonapartistes protestent contre ces paroles vengeresses, soulevant une contre-protestation presque unanime de l'Assemblée, qui, obligée de voter ce traité douloureux, en rejetait la responsabilité sur les hommes qui avaient pris celle de déclarer la guerre. Pour mettre fin au tumulte qui suivit cette séance, l'Assemblée prononça la déchéance de Napoléon III et de sa dynastie.
Edouard Bamberger, qui l'avait provoquée sans le vouloir, était, la veille, inconnu du grand public ; il était très estimé à Metz, où il exerçait la profession médicale. Il était né à Strasbourg en 1825, dans une famille israélite ; spiritualiste convaincu, sa vie morale, très riche et très belle, fut toujours un exemple pour tous. En 1852, il entrait, par son mariage, dans la famille Terquem, originaire de Metz, où l'affection mutuelle et la pratique des vertus du pays et des vertus civiques unissaient d'honnêtes gens de toutes confessions. Entre temps, il faisait et terminait ses études de médecine à la faculté de Strasbourg ; il était reçu docteur en 1849.
A Metz, où il s'établit après son mariage, il fut un praticien très occupé, mais il trouvait du temps à consacrer à la protection des apprentis, aux bibliothèques populaires, au cercle messin de la Ligue de l'enseignement. Les fautes de la diplomatie impériale l'inquiétaient, il les signalait à ses concitoyens et contribua au vote négatif de la ville de Metz, qui ne donna qu'une majorité de huit cents voix au plébiscite de mai 1870. La guerre l'affligea sans le surprendre, il eut beau se dépenser dans les ambulances, il lui restait du temps pour s'affliger de l'inaction de Bazaine ; il souffrit beaucoup avec ses compatriotes avant et après la capitulation de Metz. Ses concitoyens portèrent spontanément sa candidature aux élections générales et l'envoyèrent à Bordeaux, où il joua le rôle qui a été dit.
A Versailles, quand l'Assemblée s'y transporta, il réclama et obtint, malgré Thiers la mise en jugement du maréchal de France qui n'avait pas défendu Metz. Il était de ceux qui défendaient Thiers, sans toujours approuver sa politique ; vieux républicain, il vota les lois constitutionnelles de 1875. Des amis s'employèrent à lui préparer une candidature dans la circonscription de Boulogne-Neuilly en 1876, il en fut député de 1876 jusqu'en 1877, et de 1877 à 1881. Il ne fut pas réélu aux élections générales de 1881.
Bamberger n'avait manqué ni une séance de commissions, ni une séance générale. Il avait négligé de se faire l'agent et le commissionnaire de ses électeurs. Chassé par les Prussiens de sa ville natale et de sa ville d'adoption, il s'était employé sans compter pour ses compatriotes du Bas-Rhin et de la Moselle ; il avait veillé sur les intérêts matériels et moraux des commerçants déroutés par le nouveau régime, des fonctionnaires dépossédés, de tous les déracinés qui cherchaient un établissement, à Paris ou en province et y trouvaient à coup sûr la sympathie et le respect, sans se consoler cependant de la perte de la petite patrie.
Lui aussi pensait toujours à la cathédrale, aux quais de l'Ill, à la "petite France" ; il revoyait l'esplanade de Metz, les coteaux de la Moselle ; il entendait la Mute sonner douloureusement lors de la capitulation de Metz.
Dans le modeste emploi d'aide-bibliothécaire au Muséum, aux appointements de 3.000 fr., qui suffisait à ce modeste, il ne regrettait ni le mandat législatif ni le bruit qui s'était fait autour de son nom ; il ne regrettait que son pays, il regardait du côté de l'Est et du côté de l'Orient balkanique. Le spiritualiste convaincu ne désespéra jamais ; mais il est mort en 1910, sans avoir vu les grandes réparations.
II
L'Adieu
à l'Alsace du grand rabbin Isaac LÉVY
Du beau, du courageux sermon que, sous l'oeil des Barbares, le grand-rabbin Isaac Lévy prononça à la synagogue de Colmar, le 6 juillet 1872, au moment de se séparer des israélites du Haut-Rhin, nous détachons les quelques passages qui suivent :
Voir l'intégralité du sermon d'Isaac Lévy sur la page qui lui est consacrée.
III
La destitution du juge Alfred WEIL, de Metz (1915) (1)
Au nom de l'Empereur :
Dans l'affaire disciplinaire
contre le juge Gerson-Alfred Weil, né à Strasbourg le 21 août
1876, domicilié à Metz,
pour délit professionnel
le sénat disciplinaire du tribunal régional supérieur
de Colmar, en audience publique du 10 avril 1915, à laquelle ont pris
part : 1° le président de chambre, Paffrath, comme président,
- 2° le conseiller Leuchert, - 3°le conseiller Knaudt,- 4° le
conseiller Korrmann, -5° le conseiller Dr Koch comme assesseurs,
Le procureur général Schaefer, comme représentant du
ministère public,
Le secrétaire du tribunal supérieur Grabler, comme greffier,
a prononcé :
L'inculpé est condamné à la destitution pour violation
de ses obligations professionnelles (article 1er de la loi du 13 février
1899).
L'inculpé est tenu de rembourser les débours effectifs résultant
de la procédure.
Motifs,
L'inculpé fut assermenté en qualité de référendaire
le 26 mai 1899 et nommé juge au tribunal de baillage de Metz par décret
souverain du 18 juillet 1908. Le 1er juin 1912, il fut transféré
au tribunal régional de la même ville en qualité de membre
dudit tribunal. Depuis le 31 mars 1910, il est marié à Lilly
B..., de Paris.
Vers le milieu du mois de juillet 1914, il partait en vacances et se rendit
avec sa famille en France, dans la ville d'eaux de Saint-Palais-sur-Mer. Depuis,
il n'est pas revenu à Metz et n'a fait parvenir à ses chefs
hiérarchiques aucune excuse pour se justifier d'être resté
éloigné de ses fonctions.
En ce qui concerne l'attitude qu'il eut à Metz en dehors de son service
jusqu'au moment de son voyage en France, il a été établi
ce qui suit :
Dans la famille de l'inculpé on ne parlait que le français,
et lui-même employait de préférence la langue française,
même en dehors de sa famille et manie en présence de ses collègues
allemands. Il lisait régulièrement des journaux antiallemands,
tels que le Journal d'Alsace-Lorraine, et manifestait dans sa conversation,
non seulement de fortes sympathies françaises, mais même des
sentiments antiallemands. Ses relations ordinaires étaient conformes
à cette attitude. Non pas qu'il évitât absolument la société
allemande, mais il fréquentait principalement des indigènes
et notamment des personnes qui passaient pour nationalistes
(2) tels que les avocats Béna et Braun, l'ingénieur Rinkenback
et le notaire Hahn. Il était en bonnes relations aussi avec le nationaliste
Blumenthal. Membre du club des étudiants alsaciens-lorrains et du cercle
des anciens étudiants alsaciens-lorrains, il s'est rendu à Strasbourg
à différentes reprises pour prendre part au banquet annuel dudit
cercle. Les deux sociétés, cela est notoire, furent toujours
le point de ralliement d'une grande partie des éléments antiallemands
appartenant aux milieux cultivés du pays.
Il était, en outre, membre du Souvenir Alsacien-Lorrain et ce, ainsi
qu'en témoigne l'avocat Béba, depuis le début jusqu'à
ce qu'intervînt sa dissolution, le 23 janvier 1913. Il a aussi assisté
à l'assemblée constitutive du 17 mars 1912. Or, le Souvenir
Alsacien-Lorrain, cela est également notoire, et cela a été
notamment constaté par jugement du Conseil Impérial, du 24 janvier
1914, n'avait d'autre mission que de continuer l'ancien Souvenir Français
d'Alsace-Lorraine, section du Souvenir Français de France, qui, sous
le masque du culte des morts, poursuivait le but, par une glorification systématique
de la France et de la gloire française, d'éveiller parmi les
populations d'Alsace-Lorraine une sympathie exclusive pour la France, ainsi
que de propager et de maintenir dans les pays d'Empire l'idée de la
revanche. Aucun homme raisonnable ne pouvait se faire, quant à ce but,
la moindre illusion, et, de la part de l'inculpé, cela est d'autant
moins douteux qu'il était en bonnes relations avec Jean, qui, tant
au Souvenir Français qu'au Souvenir Alsacien-Lorrain, était
un des principaux meneurs.
Il n'a pas pu être établi si l'inculpé était déjà
membre du Souvenir Français lui-même.
Ces sentiments politiques et la manière dont l'inculpé les manifestait
dès avant la guerre suffisent en eux-mêmes à expliquer
pourquoi l'inculpé, quand a éclaté la guerre, n'est pas
rentré dans la patrie allemande pour y exercer ses fonctions. Au reste
il a expliqué lui-même, d'une manière indubitable, les
motifs de son absence dans une lettre adressée le 6 août 1914
à sa sœur Aline Lévy, à Bruxelles. Il dit dans cette
lettre :
"J'avais d'abord l'intention de rester chez moi pour mettre mes affaires en
ordre. Heureusement que Lily m'a retenu. Le sort qui atteint un grand nombre
d'Alsaciens-Lorrains, parmi lesquels se trouvent beaucoup de mes amis et connaissances,
a montré du reste ce qui m'attendait, d'autant plus que mes sentiments
étaient connus et que je ne les ai jamais cachés. Quoi qu'il
arrive, je suis bien décidé à ne retourner à Metz
que si l'Alsace-Lorraine redevient française. Je suis d'ailleurs sûr
que cela se produira bientôt. Je me suis, de plus, accoutumé
à la pensée que, chez nous, tout a été pillé
et abîmé, car, sans aucun doute, on a dû faire une perquisition
à notre domicile. Mais tout cela est sans importance si nous devons
redevenir Français..."
Il résulte clairement de cette lettre que l'inculpé est resté
volontairement en France au début de la guerre, et il résulte
d'une autre lettre, adressée à la même sœur le 2
novembre 1914, que dans la suite non plus, les autorités françaises
ne portèrent aucune entrave à sa liberté de mouvement.
Or son absence et la liberté de mouvement dont il jouit en France s'expliquent
par ses sentiments antiallemands et par le fait qu'à l'étranger
aussi il était considéré comme un ennemi de l'Allemagne.
En conséquence, l'inculpé est convaincu d'avoir quitté
son poste sans motif légal et depuis la fin de son congé, commencé
vers la mi-juillet 1914, et en outre, d'avoir manifesté pendant qu'il
exerçait ses fonctions à Metz et après cette époque,
des sentiments nettement hostiles à l'Allemagne. Par ce fait, il a
systématiquement et d'une manière continue, violé les
obligations qui lui incombaient en qualité de fonctionnaire allemand
(3) et notamment envers l'Empereur allemand à raison
d'un serment prêté par lui (4), violation
tellement grave qu'elle devait comporter la destitution aux termes de l'article
4, N° 2 de la loi disciplinaire du 13 février 1899, l'accusé
ayant été régulièrement convoqué à
l'audience publique et les formalités de l'article 20, alinéa
I de ladite loi ayant été observées.
En vertu de l'article 22, alinéa 3 de la même loi, en corrélation
avec l'article 124 de la loi d'Empire sur les fonctionnaires, l'inculpé
a été déclaré tenu au remboursement des débours
effectifs.
(Signé) : Paffrath, Leuchert, Knaudt, Korrmann, Dr. Koch-, Pour copie
conforme
Le Greffier (signé) GRABLER.
IV
Rapport adressé par M. Arthur FRANCFORT de Metz
(1) à M. le préfet
de la Moselle
"Je fus arrêté le 31 juillet 1914 dans le courant
de l'après-midi et dirigé dès le lendemain sur la forteresse
d'Ehrenbreitstein.
Libéré le 15 février 1915, après 200 jours de
captivité, je fus incorporé par ordre spécial au 66e
régiment d'infanterie à Magdebourg.
J'affirme que c'est par ordre spécial que je fus incorporé,
car pendant mon séjour à Ehrenbreitstein, je reçus, en
date du 24 novembre 1914, du Gouvernement militaire de Metz, notification
d'avoir à quitter la ville dans les 24 heures, ce qui prouve que mon
incorporation ne devait pas avoir -lieu. Il est aussi possible que la visite
du Commissaire de poliee Obst, de Metz, ne soit pas étrangère
à ce traitement, car ce dernier, pendant un court séjour qu'il
fit à la forteresse, a interrogé plusieurs incarcérés,
au nombre desquels je metrouvais. Cet ignoble individu m'offrait la liberté
et le retour à si je voulais consentir à lui indiquer des compatriotes
ayant des sentiments français. Je crois qu'il est superflu de reproduire
la réponse qu'il reçut de ma part. Ma femme eut aussi à
souffrir de ma réponse, car, ayant demandé un passeport pour
venir me voir, ce même individu lui répondit : "Votre mari
ne veut pas être libéré, par conséquent vous n'avez
pas besoin de lui rendre visite." Plus tard elle eut encore à
subir les affres du conseil de guerre pour une futilité.
A Magdebourg je fis un séjour assez court au 66e régiment ;
où, du reste, j'étais constamment gardé à vue
et où je fus soumis au même contrôle qu'à la forteresse.
Défense me fut faite de correspondre avec ma femme en langue française,
si bien que celle-ci, étant fille de fonctionnaire français
et ne comprenant pas l'allemand, était tenue d'avoir recours à
l'obligeance de personnes étrangères.
Environ six semaines après mon arrivée, je fus versé
dans un bataillon de territoriale et, dès le 10 mai 1915, dirigé
sur le front russe, quoique n'étant reconnu par le médecin du
bataillon que "bon pour le service de garnison". Après un
séjour d'environ trois mois au front, comme j'étais terrassé
par la maladie et considéré comme élément dangereux,
on me fit reprendre le chemin de Magdebourg. Je fus affecté à
mon ancien bataillon, où un nouvel ordre m'envoya pour la seconde fois
en Russie. Ceci se passait au mois de février 1917.
Mon second séjour en Russie ne fut pas de longue durée, car
au bout de quelques jours, je reçus l'ordre de rejoindre un bataillon
d'ouvriers à Glogau, en Silésie. J'y demeurai jusqu'au jour
heureux, où, dès la première heure de la révolution
en Allemagne, je pus m'enfuir et regagner sans encombre mon foyer."
V
M. Camille SIMONIN, Député du Bas-Rhin
M. Camille Simonin est né le 5 octobre 1865 à Schirmeck. Il fit ses études en partie à Mulhouse, en partie au collège d'Epinal. A sa sortie du collège, il entra dans la maison de commerce de son père.
Il ne s'était jamais beaucoup occupé de politique, jusqu'au
moment de la création de l'Union Nationale en 1911. Il combattit ainsi
la germanisation en Alsace et fit partie du comité de l'Union Nationale
avec MM. Preiss, Wetterlé, Laugel, Blumenthal,
En 1912, il fonda le "Cercle de la Vallée de la Bruche" à Schirmeck,
dont il fut le président. Ce Cercle ne comprenait que les industriels
et les personnes notoires de la vallée ; les éléments
allemands n'en firent pas partie.
Le 2 août 1914, premier jour de la mobilisation, avant même que
le décret de mobilisation fût affiché, il fut arrêté
et incarcéré à la prison départementale de Strasbourg.
A l'approche des troupes françaises, il fut transféré
à la prison de Cannstatt, près de Stuttgart, et enfermé
en cellule pendant deux mois. Sérieusement malade, il fut envoyé
aux eaux à Baden Baden, et ensuite expulsé du Wurtemberg
et dirigé sur Giessen, dans le grand-duché de Hesse.
Comme tous les Alsaciens chassés de leur pays, il fut traduit devant
le Tribunat militaire d'Empire. Le jugement suivant fut prononcé contre
lui :
"Simonin est un ennemi notoire de la germanisation en Alsace-Lorraine.
Il a fait partie de l'Union Nationale avec Blumentlial Laugel et Wetterlé.
Il a fondé le Cercle de la vallée de la Bruche, qui était
foncièrement antiallemand, et où il propageait les idées
et l'influence françaises ; les Allemands n'étaient pas admis
dans ce cercle. Il est Président de la Société musicale
"Fanfare de la Bruche s, qui est également une Société
profondément française ; il l'a même dotée en 1914
d'un uniforme français, au point qu'on eût pu la prendre pour
une Société française. En 1909, il a. fondé à
Saint-Dié une usine de fulmi-coton ; il était fournisseur du
gouvernement français. Il avait ses entrées au ministère
de la guerre français.
Aux élections municipales de 1914, il a lutté avec acharnement
contre le maire allemand. Il est, en outre, notoire que Simonin a une influence
énorme sur la population indigène de la vallée et que
s'il rentrait à Schirmeck, elle lui ferait un accueil enthousiaste
et le regarderait comme un martyr. Il, ne peut pas être autorisé
à rentrer chez lui, parce que sa présence dans la zone des opérations
constituerait un danger pour la sécurité de l'armée et
de l'Empire. Il ne peut pas non plus lui être accordé une indemnité,
car il est prouvé par les arguments ci-dessus que Simonin est germanophobe
et que sa déportation s'imposait."
En avril 1917, les mesures d'exception prises contre lui furent rapportées.
Mais l'expulsion fut maintenue. Il pouvait circuler à l'intérieur
de l'Allemagne, mais pas en Alsace-Lorraine. Il alla se fixer à Baden-Baden
avec un grand nombre d'Alsaciens qui étaient dans la même situation
que lui.
Le 11 novembre 1918, il passait le Rhin et arrivait à Strasbourg. Il
rentra aussitôt à Schirmeck, où il reçut les premières
troupes françaises, et fut nommé maire.
Ce ne fut que sur les instances de ses amis da Strasbourg qu'il se présenta
aux élections législatives.
VI
Une belle figure de soldat alsacien
Le Général
Camille LÉVI
[...] Le 11 novembre I920, jour anniversaire de l'armistice et consacré au cinquantenaire de la fondation de la République, à l'occasion de la remise au général Lévi de la cravate de commandeur de la Légion d'honneur, la municipalité de Dunkerque, désireuse de rendre un particulier hommage au glorieux chef, a dénommé une rue de la ville : rue du 110e, le régiment à la tête duquel il était parti en campagne.
Le général Lévi n'est pas seulement un soldat dans la pleine acception du mot et avec toutes les vertus que ce terme comporte ; c'est un homme d'une très haute culture, un historien et un écrivain militaire très apprécié. Il a publié plus de quarante volumes, consacrés les uns à sa petite patrie (Histoire du bombardement de Lichtenberg, près d'Ingwiller) ; d'autres, à de grands faits de l'histoire du Nord, d'autres encore, à des problèmes de critique et de technique militaire. A côté de ces travaux, il a donné des œuvres plus importantes : Une Histoire de la Défense Nationale dans le Nord (trois volumes en ont paru ; la publication du quatrième a été retardée par la guerre); Neutralité belge et invasion allemande, en collaboration Avec M. le sénateur Maxime Lecomte, ouvrage publié quelques mois avant la guerre et où il avait fait preuve d'un véritable don prophétique. Le général Lévi prépare actuellement une étude d'ensemble sur les faits de la grande guerre auxquels il a pris part - il a été de tous les grands coups et sur tous les points du front - et un travail sur les événements de Lille et de Maubeuge en 1914. [...]
Le texte intégral de Sylvain Halff se trouve sur la page consacrée au Général Camille Lévi
VII
Les dernières lettres de David
BLOCH
Chers, parents, frères et sœur,
J'ai été très heureux de vous voir avant de mourir, mes
chers parents, et j'ai eu grande joie que vous m'apportiez les photographies
de mes frères et de ma sœur ; je les aurai devant moi jusqu'à
l'heure suprême. M. le rabbin Bloch est très bon pour moi ; il
a bien voulu se charger de vous transmettre tout ce que je ne puis confier
à ce papier. Ne dites rien à mon fière Arthur : il est
inutile qu'il se fasse du souci à mon sujet. Restez en parfaite santé,
mes très chers, et soyez heureux.
Votre DAVID.
Chers parents, chère sœur et chers frères,
Ces quelques mots sont les derniers que vous recevrez de moi avant le grand
départ. Ne pensez plus à moi ; je serai aussi heureux dans l'autre
monde que je l'ai été ici-bas. Ne vous rendez pas malades à
mon sujet. Les choses sont ce qu'elles sont, on n'y peut rien changer. Je
vous souhaite beaucoup de bonheur. J'ai plaisir à savoir que vous avez
ma photographie, dernier souvenir de moi. J'ai demandé à M.
le rabbin d'être inhumé à côté de ma grand'mère.
Priez bien pour moi. C'est le suprême adieu de votre aimant fils et
frère.
DAVID.
Tout commentaire affaiblirait la simple et stoïque grandeur de ces lignes. Par ce qu'elles disent et surtout par ce que le geôlier les oblige à taire, elles complètent ce que nous avons dit plus haut de la physionomie morale du jeune martyr.