Nos amis Richard et André NEHER ont traité magistralement, au cours de notre récent camp d'études, le sujet aride et passionnant de "TRANSCENDANCE et IMMANENCE" YECHOUROUN est heureux de pouvoir présenter, grâce à l'obligeance des auteurs, le texte intégral de cette conférence et de contribuer ainsi à l'éclaircissement d'un problème capital du Judaïsme traditionnel, |
Le texte de cette conférence est le premier écrit
publié de Richard
et André Neher. Il a été repris par la suite dans l’ouvrage
d’A. Neher, L’existence juive. Il a pour axe le concept
d’ "inchronisme", un néologisme qu’ils
ont forgé pour désigner l’insertion dans un temps intemporel,
qui se réalise lorsque le temps "vécu" est mis en relation avec
le temps "absolu", révélé dans la Bible. L’ "inchronisme"
ouvre la voie à une lecture actualisée de la Bible, une lecture
existentielle, qui permet à toute conscience juive de parvenir à
une identification avec le texte sacré.
Les mots en caractères gras ont été soulignés
par les auteurs.
Cette conférence est le fruit d'une méditation commune dont l'origine remonte à quelques années. C'est en pleine guerre que nous l'avons entreprise, dans ce Ma'hanayim en Corrèze, alors que notre père y poursuivait ses travaux et commentaires sur la Bible. Entraînés par son lumineux et rayonnant exemple, nous nous consacrions à l'étude sacrée qui donnait un sens, au tragique des événements. Maintenant que notre père nous a quittés, il nous reste de ces heures l'émouvant souvenir et l'éternelle bénédiction. Il nous reste aussi l'œuvre de notre père : c'est elle qui trace notre voie spirituelle, elle qui conduit nos idées, elle qui nous prête ses images. Il appartiendra à d'autres de la juger quand elle aura paru : nous ne pouvons pour notre part chercher école qu'en elle ; nous avons conscience de maintenir ainsi la tradition de nos Maîtres, dont notre père lui-même s'inspirait toujours. Puissions-nous - c'est là notre prière - rester dignes d'eux et de leur enseignement.
Il est un moment de parler, un moment de taire ; en est-il de philosopher ? Non, si la philosophie nous invite à la seule évasion, à l'oubli de l'angoisse actuelle ; elle ne réussira jamais aussi bien que la poésie, l'art : philosopher serait alors pis-aller dans le refus. Oui, si la philosophie est sollicitée par des esprits soucieux, si elle est consultée pour donner des moyens d'agir : philosopher, c'est dès lors espoir dans l'acceptation. C'est un moment propice à la philosophie que celui que nous vivons. Israël et avec lui, l'humanité se réveillent en plein centre d'un carrefour. Il est intéressant de connaître comment ils y sont arrivés : mais l'intérêt fera d'opinions des partis-pris. Il est désirable de concevoir comment ils pourront en sortir : mais l'illusion du souhait les transportera en un point qui ne sera qu'un nouveau carrefour. Il est urgent de prendre conscience qu'ils doivent trouver la voie qui les en sortira : ici, plus de "mais" ; car, ce que l'on demande c'est immédiatement un effort, un libre choix.
Nous n'aurions point proposé l'exposé d'un sujet de philosophie
dans une Réunion d'Etudes Juives, si nous n'avions été
sollicités de le faire. Dans la demande, nous avons cru sentir le besoin
non pas de savoir, mais de s'orienter. Quiconque espère découvrir
sur le chemin de la dialectique que nous allons entreprendre un système
définitif "soustrait aux remaniements et aux retouches",
et, à l'aboutissement, un dogme taillé d'un bloc, sera déçu.
Nous amorçons une enquête. Il s'agit de situer le problème,
d'éclairer les données méthodologiques et alors seulement
d'essayer de rapprocher la réponse.
I
Un problème n'est situé que si l'on sait où. Pour situer le problème "Transcendance et Immanence" on pourrait se cantonner dans les leçons d'école. Savoir comment il a été posé par Philon, Juda Halévi, Maïmonide, Na'hmanide, Luzzatto, Hirsch, discuté par Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Cohen, Durkheim, Kierkegaard, James, Poincaré, Bergson, Le Roy, Butgelin, Fondane, est de prix. C'est éviter gaspillage et perte de temps, Les vieilles querelles du théisme et du panthéisme, de l'idéalisme et du réalisme, du dogmatisme et de l'empirisme ; les éléments nouveaux lancés dans le débat par le pragmatisme, la sociologie, l'épistémologie, l'intuitionnisme, autant de schèmes, souvent présentés, commodes et d'abord facile. Ces notions d'école serviront de fondement, non de fond.
A ce stade, le principe d'immanence est l'affirmation d'une impossibilité scientifique, d'une impuissance naturelle de l'homme à sortir de soi. A toute hypothèse de Création et de Révélation du Dieu transcendant, il oppose une fin de non-recevoir. Le problème se scinde alors en trois négations principales qui renvoient au domaine de l'inintelligible, d'abord la rencontre de l'Infini dans le Fini, ensuite celle de l'Eternel dans l'Instant, enfin le morcellement de la Pensée Divine et Indivise en Parole discursive et articulée. Nous sommes ramenés, on le voit, aux problèmes de l'Espace, du Temps et du Logos.
Nous ne nous attarderons pas longtemps à soumettre aux critères de l'analyse les concepts qu'on nous oppose, quoique nous eussions motif de critiquer. Car, si l'on nous objecte la "nature", nous demanderons d'abord qu'on nous la définisse, pareillement que l'espace et le temps. N'acceptant sur ce point aucun concept vulgaire qui ne tire son enrobement que d'une connaissance moyenne, nous interrogerons les épistémologues et les relativistes, ceux qui font la physique et les mathématiques d'aujourd'hui. Ils nous diront que l'univers cosmique naturel est cet immense "peut être", réalité qui rompt les cadres rationnels, où les frontières s'effacent, qui est "sur-naturelle" alors qu'elle ne cesse pas d'être elle-même, où des actes tels que la projection sonore du langage, la représentation de l'espace, et l'abstraction de la durée, que la raison sépare, sont simultanés dans l'essence, où, en un mot, est résolu, dans le domaine de la seule science, le problème de la possibilité du passage à limite.
Si séduisante que paraisse cette perspective, nous ne nous y arrêterons que pour information. Il faut nous défier d'une prétention trop commune : celle d'épuiser le problème. Il faut nous garder d'établir un système qui ne soit brodé qu'en fonction des vues scientifiques ou philosophiques actuelles. Pour actuelles qu'elles soient, ces vues ne sont point dernières, et rien ne peut empêcher que dans quelques années, demain, avant même que cette phrase s'achève, elles ne soient frappées d'erreur. Nous eussions alors discuté en vain. Est-ce à dire qu'il ne nous servira à rien de nous y être arrêtés un court instant ? Du moins cet instant nous a-t-il fait entrevoir l'uniformité du problème la contiguïté du langage et de l'espace dans et avec le temps et en conséquence le point d'où nous avons à partir, où nous avons à revenir.
Situer le problème dans le moment, ce serait s'adonner à l'emprise de l'angoisse. La tendance est légitime de philosopher ainsi puisque ce serait répondre à la sollicitation, au choix entre le désespoir et l'espoir. Mais trop de dons de ce genre deviennent des abandons, et ne sont autre chose encore à la fin que des évasions, des renoncements.
Il est dangereux de gager sur les solutions mystiques. Elles semblent tout livrer d'un coup et nous circonviennent par les attraits de la promesse. Mais pour accélérer notre adhésion, elles nous obligent à jeter du lest, à nous débarrasser de tout ce qui pourrait freiner la course à l'effréné. Ce dynamisme hautain se rit des mots autant que des rites, qu'il estime enveloppes et retards : négligemment il en laisse la besogne objective à l'histoire et à la sociologie, et se croit, s'étant réservé le grand rôle de la subjectivité, assuré d'assez. Ce sont là solutions pour qui n'est pas appelé à agir, mais à patienter ; pour qui la vie n'est point Loi, mais attente seulement. Bref, ce sont solutions chrétiennes, non juives. Le principe d'immanence est absolument nié, mais le prix en est une passion.
Encore faut-il que la légitimité de l'absolu soit elle-même débattue. S'il doit se résoudre à un substrat sublimé où le quotidien n'a rien à voir, il n'est qu'un mirage, et l'ambition de l'embrasser qu'une dédaigneuse superbe de "saints" ou d'illuminés. Nous ne saurions admettre que l'homme puisse dépasser sa tâche humaine par quoi que ce soit, foi, grâce, miracle, vocation, intuition ou quelque possibilité extraordinaire analogue. Il est inadmissible de se comporter en tant qu'être raisonnable et de nier en même temps le pouvoir rationnel de connaître l'absolu où pourtant se doit trouver la légalité de ce comportement. Il y a dans cette façon de procéder division de substance.
Convenons bien que ce qui nous intéresse précisément en philosophie, c'est l'ordre général, valable - et surtout obligatoire - pour tous et en tout. Ce qui est hors de cet ordre, est hors de problème, hors de mission. Au contraire la mission d'enfants d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, d'élèves de Moïse et des Prophètes, est de rechercher l'absolu dans le contingent, l'extraordinaire dans l'ordinaire, le Divin dans le terrestre, point donc de dépasser le physique mais de le rendre métaphysique, de telle sorte qu'apparaisse non l'identité des deux termes - ce qui est facile à concevoir, mais impossible - mais bien leur contiguïté - ce qui est difficile à concevoir, mais possible. Possible, parce que la condition au lieu qu'elle soit une passion, est un effort. Or, où il y a effort, il faut Loi, équilibre, constance.
Il nous semble donc que pour être bien situé, le problème ne le serait que dans la constance, la fidélité du semblable au semblable. Abandonné à lui-même entre les deux pôles de sa soumission à la diversité et de son besoin autonome d'unité, l'esprit ne serait que balancement. C'est avec l'Écriture Sainte qu'il a appris de marcher dans une certaine direction à quoi il revient toujours parce qu'il en est parti, par relativité au mouvement qui dure toujours. L'esprit participe à la constance quand il est d'accord avec son mouvement, et il ne peut l'être que lorsqu'il est d'accord avec le témoignage de ce mouvement : c'est cela la Bible. Si l'on nous objecte qu'il y a pétition de principe, nous répondrons que là où il y a indivisibilité de substance, il ne peut plus être question de pétition. Or, la Bible et l'esprit humain sont en relation de substance indissoluble.
A supposer que la Bible ne soit qu'un document, et qu'on fasse abstraction du chemin par quoi elle nous est parvenue, ce document s'impose logiquement dans toute conclusion en vertu du "relativisme" qui est un fait. Toute discussion, tout examen, toute affirmation s'effectuent, aujourd'hui, en fonction de ce fait. Mais, pour le Juif, la Bible n'est pas qu'un document. Avant d'être devenue un texte discursif rédigé, la Bible a été vécue. L'histoire d'Israël que nous connaissons depuis la rédaction de la Bible en dehors de la Bible, est identique avec celle que nous donne la Bible. Il y a unité de l'existence actuelle d'Israël, nous sommes Israël dans la Bible ; notre existence explique la Bible et la Bible explique notre existence ; aucune hypothèse d'ordre historique ou sociologique ne saurait infirmer l'impérieuse et quasi biologique nécessité d'expliquer la Bible par notre existence et notre existence par la Bible, car il ne s'agit point là d'un concept postulé, mais du substrat idéologique qui s'impose par suite du déroulement de la vie en Israël.
Notre entrée dans la vie et notre entrée dans la Bible sont synchrones. Plus : la Bible est là, le signe de son alliance est dans notre chair, le Shabath de son Temps passe dans notre temps, les stipulations de son contrat s'exécutent dans notre destin, avant même que nous prenions conscience d'être. "Chaque père en Israël donnant nom à son enfant nouveau-né l'a par là-même scellé à la tâche" biblique. Toute prise de conscience d'un individu juif est prise de conscience de sa relation avec la Bible. Toute conscience juive aspire à l'identification avec la Bible, car toute conscience juive sent et sait qu'en elle se réalise la connexion du semblable au semblable, qu'en elle se dégagent les indices de constance et d'équilibre.
Elle sent et sait, c'est alors seulement qu'elle peut et doit : la Bible et Israël sont témoin et témoignage à condition que non seulement parties de nos facultés - foi, raison, sentiment - soient sollicitées, mais que toute notre existence soit engagée dans le problème. Mais alors, le "relativisme" est davantage que logiquement universel, il l'est en métaphysique aussi. "Vouloir justifier l'injustifiable" peut sembler téméraire et ridicule à quiconque n'est point Juif. Pour le Juif, pareille entreprise est tragiquement nécessaire. Tout Juif est dès lors témoin, pour lui d'abord, mais également pour tous les hommes. Et toute rencontre avec un Juif rend, pour le non-Juif, tragiquement nécessaire sa rencontre avec la Bible.
II
L'origine du problème, c'est notre notion du temps, qui est sphère indéniable d'immanence. En lui s'effectuent toutes nos rencontres, Même celle de l'éternel. Suivez donc le sceptique dans ses dénégations. Il peut nier le ciel et l'enfer, l'Univers et la Loi ; il peut même nier Dieu, son Créateur. Mais peut-il nier le Temps ? A l'instant qu'il nie - ou bien même à l'instant qu'il aurait découvert qu'il n'y a point de temps - l'instant aurait-il cessé de couler, le moment de se séparer du suivant ?
Origine de problème, le temps est également origine de mal. Notre existence nécessairement se déroule en lui, et nécessairement en lui se désunit, se morcelle, se désagrège, et, par là même, nous échappe. Notre désir de vivre nous impose la nécessité de faire nôtre notre temps, et, dès la naissance du désir, notre temps dissocie les éléments de notre vie et les vide de leur contenu.
Il faut bien reconnaître que ce mal est en nous, dans notre moi, et qu'il est également dans tous les autres "moi". Le conflit de chaque "moi" avec son temps amène à reconnaître non pas un temps, mais des temps (temps de l'historien, du savant, du mystique, du philosophe, etc.). Tout le drame de la vie provient de ce que notre temps est devenu contenant d'existence dissemblable, alors qu'il était et doit être contenant de semblable. Au stade individuel comme - dans la pluralité des "moi" - au stade collectif, le désir de vivre est donc constamment aux prises avec la conscience de s'échapper constamment dans le temps ; d'où, individuellement comme collectivement (pour la majorité des individus ce n'est d'ailleurs que dans la tragédie collective que le drame se joue passivement) naissance du besoin de s'efforcer à résoudre le conflit par une solution d'unité entre vie et temps, de façon que l'existence morcelée se reconstitue, se réagrège, redevienne toute semblable du contenu à son contenant. C'est ce que nous appellerons besoin d'inchronisme. "La soif de savoir" et le "nominalisme" du savant, "l'amour du vrai" et le "doute" du philosophe, le "don d'amour" et "l'angoisse" de l'existentialiste, la "nostalgie" et "l'évasion" du poète et de l'artiste, ne sont pas autre chose que l'acceptation ou le refus de ce besoin d'inchronisme, de constance du contenu-existence avec le contenant, temps. Or, par définition même, la constance inchronique ne se peut réaliser qu'à la condition que le temps vécu soit mis en relation avec un temps absolu. La relation ne se peut en effet faire que du semblable au semblable. Et où le Temps est-il absolu ? Là où il est simultanéité, là où le présent est à la fois passé et avenir, où il est non pas moment, mais fusion, coexistence, enracinement, prolongement, chaîne. C'est le Temps Biblique.
Consultez le temps de l'histoire : il est fragment, et il nous faut tourner le dos à l'avenir pour ne le trouver que dans le passé. Et même là, il est hiéroglyphe, tissu de palimpsestes. Mais dans le Temps biblique, l'histoire est chaîne. Point de passé, mais alliance, contrat. Point de présent, mais engagement, effort. Point d'avenir, mais mission. Et cela, en chaque point de la chaîne.
Consultez le temps de l'existence : dans le présent il est angoisse, conscience de non-possession ; dans le passé et l'avenir, il est destin et mystère. Mais dans le Temps biblique, l'existence est chaîne. Point de destin, mais Volonté. Point d'angoisse, mais Réalisation. Point de mystère, mais Révélation. Et cela, en chaque point de la chaîne.
Consultez le temps de la science et de la philosophie : il est "découpage artificiel dans la continuité du devenir" , "jeu purement formel d'écriture sans signification intrinsèque". Dans le passé, il n'est qu'une recette ; dans l'avenir, qu'une hypothèque ; au présent, qu'une théorie, qu'une efficacité "d'un arbitraire absolu". Ni le fait physique, ni le fait moral n'y sont vrais, au propre sens du mot. Mais dans le Temps Biblique, la Loi et l'Ethique sont chaîne. Point de possible, mais Essence. Point de jeu, mais Substance. Point d'impératif, mais participe. Et cela, en chaque point de la chaîne.
La Bible est, avec sa notion révélée de Temps absolu, simultané, le but vers quoi le besoin d'inchronisme tend en fait et vers lequel il doit vouloir tendre.
Comprenez-vous maintenant pourquoi nous vous invitons à ne chercher solution ni dans l'histoire et la sociologie, ni dans l'existence, ni dans la science et la philosophie, mais dans la seule Bible ? pourquoi nous vous proposons comme méthode ni l'herméneutique, ni l'introspection, ni l'expérimentation, ni la spéculation, mais la seule exégèse ? pourquoi c'est dans la connaissance de l'Ecriture Sainte que nous vous convions d'apercevoir la réalité par rapport à quoi les concepts philosophiques doivent cesser d'être des hypothèses audacieuses ou des catégories autonomes et ne sauraient plus que figurer les modalités de l'acceptation ou du refus d'un effort qui nous est imposé ? pourquoi nous vous conseillons, pour approcher limite du transcendant et de l'immanent, de faire abstraction complète des vieilles querelles sur le dualisme de la matière et de l'esprit, l'irréductibilité du langage et de l'idée, l'interdépendance de l'espace et de la durée, mais de considérer, là où elle est accessible, la notion du Temps, dont nous pouvons être ou les jouets ou le serviteur ?
Serviteurs ? L'homme et le tragique de son destin, la vie et son dénouement, la parcelle et le Cosmos, le Temps qui les contient et réunit leurs fragments dans le rayonnement de l'Eternel, ne sont-ils pas que des Serviteurs, Serviteurs de Celui qui les a créés, qui leur a donné la propriété de diverger, et qui tous et ensemble les rappelle à Lui ? La Genèse, l'Élection Prophétique, l'Histoire d'Israël, et dans son sillage, celle de l'Humanité, ne sont-elles pas qu'un départ vers des fins différentes et le retour, dans le Temps Biblique, vers le Père Créateur ?
Cette notion du Temps Biblique n'est pas une clé ouvrant toutes les portes. Il s'agit de méthode, nous vous le disons bien. Si vous voulez nous suivre encore, nous allons l'employer dans la terminologie proposée par, le Texte ; Création, Prophétie, Révélation, Israël.
III
La Création (1).
Le Temps Biblique est d'essence absolue, il est prolongement de la Parole Divine. L'éclat de la première lumière jaillit dans Le Temps, dont le cloisonnement n'était relatif à rien, mais restait absolument "moment de l'Etre Un" "Yôm e'had" [jour Un] et non "Yôm richôn" [premier jour]. Cette lumière-temps précède le ciel et la terre. Elle est réservée pour des Infinis qui nous dépassent. Mais notre propre Infini est également reflet de son rayonnement. A mesure que prend forme la matière, les temps relatifs â chaque forme de matière surgissent, sans perdre relation avec le Temps absolu à quoi les relient des lois d'ordre. L'apparition de l'homme coïncide avec le maximum de pluralité de la matière. Le sixième jour, l'Infini apparaît dans un morcellement infini de finitude : le Temps absolu est comme un rêve parmi les temps relatifs qui, autour de lui, gravitent. Et c'est dans ce morcellement que naît l'homme. Dans l'aperception, et sur quelque parcelle que se porte son attention, il retire l'angoissante conscience d'être dans son temps et non dans le Temps, dont il ne lui reste que la nostalgie.
C'est alors que finit la sixième journée et que commence le Shabath. Le Cosmos est arrivé à son terme. Chaque atome de poussière poursuit sa course limitée ; la loi qui le dirige, le relie à l'absolu dont il est le reflet. Quant à l'homme, son existence se déroule relativement au Temps de ce Shabath. Le Shabath de la Création ne s'est pas achevé, et nous n'avons pas recommencé de compter un nouveau jour. Nous sommes encore, et nous resterons toujours, dans le Shabath. Le Temps Biblique, c'est le Temps du Shabath. S'inchroniser dans la Bible, c'est s'inchroniser dans le Shabath. S'inchroniser dans le Shabath, c'est vivre, agir ; penser avec l'indice de constance que révèle la Bible. En périodicité régulière, le Shabath passe devant nous, foyer de simultanéité, noyau d'absolu. Au flux morcelé de notre existence, sa loi impose arrêt, concentration de toutes nos tendances sur un point qui les réunisse en faisceau absolu, réagrégation de toutes nos forces à la source dans l'éternité : équilibre, de semblable à semblable, entre le contenu-existence et le contenant-temps. Nos six jours de peine gravitent autour du Shabath comme des planètes autour d'un soleil. Sans même que nous le voulions, la nostalgie du Shabath est en nous : forme primitive, sans doute, de toute angoisse, besoin d'inchronisme.
Comprise ainsi seulement, la Bible, serait mirage, idéal insaisissable. Mais le Temps biblique est Loi chaque Shabath est invite. Il faut vouloir s'inchroniser, Il faut obéir au Shabath, adhérer à la substance, à la chaîne de l'absolu dans laquelle notre existence est équilibrée. Alors notre existence s'aimante, et nos six jours, non plus de peine mais d'effort, ne gravitent plus seulement, mais sont attirés par le Shabath comme des poussières d'atomes par un irradiant magnétique.
La Prophétie.
Le besoin d'inchronisme est la tendance fondamentale, mais il n'est que tendance, tension. Il y a un premier effort à réaliser qui est celui de reconnaître cette tendance comme nôtre, de suivre le mouvement. Puis il y a un deuxième effort, plus grand, plus décisif que le premier : celui d'atteindre le but, d'achever l'intégration réelle dans le Temps absolu, d'aboutir à l'existence inchronisée. L'effort qui nous fait sortir de notre temps pour nous faire entrer dans le Temps risque, non point de dévier, mais de rester en-deçà du but, ou alors de passer au-delà et par là-même de revenir en-deçà. Il y a un point précis où l'inchronisme se fait. Ce point est accessible à tous, mais accédé par quelques-uns seulement.
Dans le Temps biblique, l'inchronisation réalisée est représentée par la Prophétie. Le Prophète est celui dont l'existence est toute semblable du contenu à son contenant. Il participe à l'absolu sans qu'il y ait un reste. Son intégration à la chaîne est parfaite, au moins dans ce sens que le mouvement d'intégration a parfaitement abouti. La Voix du Prophète, dans le Temps biblique, est prolongement de la Voix Divine, à la chaîne de quoi elle participe en tant que chaînon.
Cette prophétie est accessible à tous, mais accédée par quelques-uns seulement. Accessibles à tous : il n'est pas de parole biblique exprimant cette vérité avec plus de force que le verset 13 du 18ème chapitre de Devarim [Deutéronome] : "Tamim tihyé im Hachem Eloqekha", "la perfection tu l'atteindras avec L'Eternel, ton Dieu". La courbe de l'existence juive ne saurait atteindre la perfection qu'en s'intégrant à l'Emanation Divine, en faisant chaîne avec elle ; ni "liphnei" [avant], ni "a'harei" [après], ni "eth" [de] : "im" [avec]. Mais cette perfection n'est accédée que par quelques-uns : cette vérité encore, le contexte de ce verset l'établit avec évidence. Ce contexte laisse entière la possibilité d'une Prophétie pour tout Israël, mais il précise qu'en fait, elle n'est promesse que d'une élite.
C'est maintenant que nous touchons le point le plus difficile du problème.
Suivons le texte (2), il nous y amène lui-même.
Verset 21 :
"Que si tu dis dans ton coeur : comment pourrons-nous connaître la Parole
que Dieu n'a point parlée ?"
Oui, comment pouvons-nous connaître la Parole que Dieu a parlée
et celle qu'Il n'a point parlée ? Comment pouvons-nous distinguer le
Prophète de celui qui ne l'est point, le vrai Prophète du faux
?
La réponse de la Torah est contenue dans le verset 22 qu'il faut joindre
aux versets 1-6 du chapitre 13 de Devarim également. Elle
nous impose une double attention, notre jugement discriminatif doit porter
et sur la Prophétie et sur le Prophète. Sur des données
métaphysiques, notre jugement humain doit être et cosmologique
et moral.
Cosmologiquement nous voyons dans la Prophétie le mouvement d'inchronisation accompli dans sa perfection. Dans le Temps prophétique, nul morcellement, nulle fragmentation, nulle discontinuité. Si, dans la Prophétie, le Présent n'apparaissait point comme étant simultanément Passé et Avenir, cette prophétie n'en serait point, elle serait certainement fausse. Et c'est bien cela que nous dit le Texte. Chapitre 13, verset 6 : "Si la Prophétie tend à te détourner du chemin sur lequel l'Eternel, ton Dieu, t'a prescrit d'aller", - si elle est en contradiction avec la Loi, si elle fait dévier d'elle sans intention d'y ramener - elle est fausse : la Prophétie n'est point enracinée dans le Temps biblique que par morcellement nous appelons Passé. Et chapitre 18, verset 22 : "Si la Parole prétendue prophétique ne sera point devenir, ne se rencontrera point dans l'existence" - si elle est en contradiction avec la Réalité, si elle fait dévier d'elle sans intention d'y ramener - elle est fausse : la Prophétie ne concorde point par l'achèvement dans le Temps Biblique que par morcellement nous appelons Avenir. Ce sont là les critères cosmologiques de la fausse prophétie.
Quant aux critères moraux, c'est dans ce même verset 22 qu'il nous faut les trouver. Il y est dit du faux-prophète : "bezadôn dibrô ha-nabi", "c'est par audace que le Prophète aura émis sa prophétie", d'où il résulte que le critère de la vraie Prophétie est qu'elle doit être dite "lô bezadôn", "sans audace" - avec modestie. "Zadôn", c'est le refus d'intégration dans l'absolu : il est péché. "Shegaga", c'est l'hésitation, l'attente : elles sont erreur, mais contiennent la possibilité du retour, "Anava", la modestie, c'est l'élan d'acceptation ; grâce à elle, l'homme atteint la plénitude, l'inchronisation parfaite dans le Temps absolu. L'homme dont la personnalité s'achève entièrement dans l'Anava atteint le degré suprême de Prophétie. Ce degré, Moïse l'atteint. Il est "anav meôd", chez lui, "la modestie est absolue". Les autres prophètes sont à des degrés inférieurs, parce que leur personnalité ne s'achève point entièrement dans l'Anava. Leur mouvement d'inchronisation aboutit parfaitement, mais il est moins rayonnant, tout de même que, dans une chaîne, il y a des chaînons de patine, d'or, d'argent, reliés à des chaînons de cuivre seulement.
Quant à définir l'Anava dans sa substance, et non plus seulement dans ses effets, il faut y renoncer. I1 résulte clairement du Texte encore, qu'elle est une qualité négative. Positivement, on ne saurait la définir; négativement, par éliminations successives et incessantes, on peut essayer de l'approcher. Elle n'est point extase, art, poésie, musique, car la Prophétie n'est point cela (Ezéchiel 33 :32-33). Elle n'est point suggestion collective, car la Prophétie n'est point cela (Jérémie 29 :8-9). Toute Prophétie réduite à une exaltation artistique ou à une rêverie collective, quelque métaphysique que soit leur expression - serait fausse. Mais alors, qu'est l'Anava ? A supposer que notre volonté d'inchronisation dans l'absolu soit sincère, débarrassée de tout ce qui la ternit, à quel moment pourrons-nous dire que nous sommes Prophète ? Le Prophète peut connaître seulement qu'il doit être "sans audace", connaissance de qualité négative. Il n'est pas dit qu'il doive connaître être Anav [modeste]. La connaissance de qualité positive n'est pas requise. Plus, existerait-elle, que le Prophète cesserait inversement d'être "sans audace". Il est un point où l'Anav doit rester inconscient de son Anava. C'est Dieu qui est juge d'accorder la Prophétie ou de la refuser.
La Révélation du Sinaï.
La Révélation du Sinaï participe aux caractères généraux de la Prophétie. Mêmes principes, mêmes critères. Il est évident cependant - le Texte l'affirme - que la Révélation sinaïtique présente un aspect tout à fait particulier qui l'élève au-dessus de toutes les autres révélations prophétiques. Cette particularité lui vient du fait qu'au Sinaï, ce ne fut plus un homme isolé qui reçut Révélation, mais tout un peuple. L'effort d'inchronisation fut alors consenti - et entièrement réalisé - non pas par un individu, mais par une collectivité. A quel élément décisif - et peut-être non encore aperçu dans l'examen du prophétisme - attribuer l'unicité de la Révélation Sinaïtique ? C'est, il nous semble, à l'unicité de la Prophétie de Moïse. Nous l'évoquions tout à l'heure : dans l'Anava même, Moïse atteignait l'absolu (Meôd). A cette Anava, Moïse ajoute une qualité par cela qu'il porte un titre tellement ample, que la réapparition de ce titre, ou que cela soit, n'est que la faible reproduction du sien. Ce titre, c'est "Eved Hachem", Serviteur de l'Éternel. Il faut dégager cette notion pour comprendre l'unicité de la Prophétie de Moïse, et, par elle, de la Révélation du Sinaï. L'intégration des Prophètes dans la chaîne est source d'activité. Les Prophètes pensent, parlent, agissent dans l'absolu, Par là même, évidemment, ils servent Dieu ; mais pour acquérir la conscience du service, i1 leur faut déployer un nouvel effort. Chez Moïse, Serviteur de Dieu, l'effort est achevé dès l'inchronisme. Moïse pense, parle, agit dans l'absolu, et cette pensée, cette parole, cette action sont service conscient, désiré, voulu, atteint.
La Prophétie de Moïse est "rayonnement" (Exode 34 : Ki qaran ôr panav). Comme vers le Shabath, vers elle convergent tous les efforts qui en sont témoins ; efforts des individus israélites ; efforts des peuples, de l'Égypte ; efforts de la nature même. La mission de Moïse n'a point été seulement de proclamer Dieu, mais d'aider à s'intégrer dans l'absolu - dans la participation au Temps Divin - tous ceux qui, - consciemment ou inconsciemment - y tendent. Tel est le "Service Divin" de Moïse. N'ayant point cessé d'être homme, il est l'homme qui a le plus parfaitement atteint la limite, et, dans son mouvement, il a entraîné tous les autres. Moïse prophète, tout Israël l'est devenu avec lui et a perçu au Sinaï la Voix de Dieu ; l'Égypte tout entière a, également, entendu la voix de Dieu, ou du moins, elle a vu Son Doigt et Sa Main, elle a suivi Moïse dans son mouvement ; il faut admettre que, par-delà Israël et l'Égypte, l'Humanité tout entière s'est intégrée au mouvement, et a entendu le Décalogue au Sinaï. La nature, elle aussi, ce jour-là, et tant que Moïse fut au service de Dieu, redevint manifestement, en évidence, surnaturelle, gravita à la limite des lois qui la lient à l'absolu, les dépassa, et, en dehors de l'ordre, réapparut dans le miracle, dans l'Instant-Éternel. Cet Instant-Éternel rayonne dans le Code de la Torah tout de même que la Création rayonne dans le Shabath, l'Alliance d'Abraham dans la Mila [circoncision], la lutte de Jacob dans la Mitsva du Guid hanaché (3).
Nous parlions tout à l'heure des solutions mystiques. Nous leur reprochions de procéder à une division de substance. La réalité du Temps légitime la nécessité du reproche toutes les fois - comme c'est le cas - qu'on s'ingénie à diviser cette réalité, en somme, à faire passer pour vertu ce qui est insuffisance d’effort.
Nous parlions plus loin d'histoire. Ni la Création, ni l'Alliance d'Abraham, ni la lutte de Jacob, ni le 6 Sivan (4) ne sont moments d'histoire. C'est les ignorer toujours que de les chercher dans un temps. Mais les chercher dans le témoignage qu'en donne le Temps qui les contient, témoignage dont nous sommes témoins nous-mêmes, c'est les connaître vraiment et seulement.
L'Histoire d'Israël.
L'histoire d'Israël est celle de Jacob.
L'histoire de Jacob commence à Beth-El par une Révélation,
dont les éléments sont exprimés avec une netteté
exceptionnelle dans des images et des symboles dont nous avons tâché
d'employer jusqu'ici les parallèles.
L'homme n'est relié à Dieu, disions-nous, que lorsqu'il adhère à la chaîne. Ici, la chaîne s'appelle Soulam, Échelle (5). Echelle reliant le ciel à la terre, le Divin à l'Humain, aussi solidement ancrée dans l'un que dans l'autre (Moutsav - Nitsav). Dans cette chaîne, sur cette échelle, disions-nous encore, il n'y a ni origine, ni fin, point d'écoulement dans un certain sens, mais fusion, simultanéité. Or, dit le Texte, sur l'Échelle se meuvent les Anges Divins, les intermédiaires, les chaînons. "Olim ve-yordim", ils montent et descendent. Faut-il comprendre que d'abord ils montent, puis descendent ? Mais alors, tout l'effort viendrait de l'homme, et la réponse de Dieu ne serait qu'à la mesure de cet effort. Faut-il comprendre dès lors que, tandis qu'un groupe montait, un autre descendait ? Mais alors il y aurait différence de période entre la volonté de Dieu et celle de l'homme, et la jonction ne s'en ferait qu'après intervalle. Ne faut-il pas comprendre que les Anges "montaient et descendaient à la fois" en parfaite simultanéité, dans un mouvement où la connexion et l'interférence sont complètes, achevées, sans aucun morcellement ? Concept difficilement intelligible, plus difficile encore à exprimer par le langage, mais existant dans la métaphysique de l'absolu.
Le rêve de Jacob serait donc la représentation de l'inchronisme réalisé dans sa perfection. Cette nuit-là, Jacob était prophète : il entendait la Voix Divine, qui par relation à ce que nous appelons "passé" contient ce que nous appelons "avenir". Mais ce n'était qu'un rêve. Tout s'était fait sans effort de la part de Jacob. Au réveil, Jacob est de nouveau dans son temps, et, se souvenant du Temps Absolu qu'il vient de frôler en rêve, il éprouve "l'angoisse" (verset 17 : "Vayyira") ; l'angoisse qui, nous l'avons dit aussi, n'est autre chose qu'une forme du besoin d'inchronisme. C'est alors que naît en Jacob le désir de retrouver ce Temps absolu, de porter tous ses efforts vers la reconquête de ce Beth-El entrevu et puis évanoui, d'intégrer son existence dans l'équilibre constant de la Loi ("Ve-hayya Hachem li 1eÉloqim" - "et D. fut un D. pour moi").
La suite de l'histoire de Jacob : l'histoire de la reconquête de Beth-El. Le Beth-Jacob, la maison de Jacob : c'est le temps contingent de Jacob ; il fonde pierre par pierre, à la sueur de son front, n'épargnant ni peine, ni fatigue. Mais cette fondation est épanouissement, cette peine est effort. Ses femmes, ses enfants, sa maison : il veut en faire non le Beth-Jacob [la maison de Jacob], mais le Beth-El [la maison de Dieu], il veut les inchroniser dans le Temps. La tâche, la poursuite de l'achèvement, Jacob les accomplit malgré tous les obstacles, toutes les difficultés, tous les déboires, jusqu'à Mahanayim (6). Ici, ayant à peine échappé à Laban et voyant avancer Esaü - Jacob a un instant de défaillance. Il fait passer le Yabboq à ses femmes, ses enfants, sa maisonnée. Il va les suivre. Dans quelle intention ? Maïmonide explique : Il voulait prendre un chemin détourné, éviter la rencontre avec Esaü. En d'autres termes, en cette nuit, Jacob refusait l'effort, refusait la tension vers le Temps absolu, et cherchait refuge dans son temps, voulait rester dans son destin, désirait sa vie propre, reculait devant la mission Divine, pour ne penser qu’à soi. Mais, en cette même nuit, alors qu'il allait faire le dernier pas, franchir ce Yabboq et rester sourd à l'appel - malgré lui, l'Ange surgit et l'obligea à la lutte (7). Lutte tragique de l'existence, qui voudrait se refuser à rentrer dans l'absolu, qui est obligée à y rentrer, qui ne peut jamais plus se trouver satisfaite si la lutte s'arrête avant le triomphe de l'absolu, la bénédiction. De cette lutte Jacob sortait brisé, vaincu dans son désir d'une vie à soi, mais vainqueur dans sa mission Divine ; boitant à la rencontre d'Esaü, mais Israël, chaînon de l'absolu.
Ah ! Voilà l'histoire d'Israël. Elle est celle de notre peuple. Elle est celle de chacun d'entre nous. Il suffit d'obéir à l'humble défense du Guid hanaché (3) pour nous mettre en relation avec cette nuit biblique de Peniël. Si nous refusons d'établir cette relation, si nous essayons de vivre dans notre propre temps - nous serons ramenés malgré nous, mais alors, dans notre histoire, nous sentirons passer le souffle de l'ange, nous subirons son corps-à-corps.
Il n'est d'immanence que biblique. Dieu est dans notre nom, dans notre alliance, dans notre histoire. Notre nom, notre alliance, notre histoire sont dans la Bible. La notion de transcendance nous vient de la Bible. D'elle seulement peut venir la solution du problème. Solution constante, d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Solution de collaboration consciente à un achèvement, inconsciente parfois, toujours nécessaire. Solution d'historicité juive et de prophétisme, et, dans l'immédiat, d'adhésion à la chaîne qui, à la limite du transcendant et de l'immanent, relie Dieu, la Torah et Israël.