117. à Hélène et Nathan SAMUEL, Paris

Jérusalem, dimanche 20 novembre 1977

Deuxième soir de la visite historique de Sadate à Jérusalem


Mes biens chers,


Pendant que tout est encore tout chaud, tout bouleversant, je veux un peu vous raconter l’atmosphère ici (gardez-moi cette lettre s’il vous plaît, et rapportez-la nous comme document ! !). Car pour les cérémonies elles-mêmes et les discours, vous les avez eus aussi bien que nous par la télévision de Paris – peut-être même mieux puisqu’il paraît que c’était en couleur.

Mais peut-être n’avez-vous pas vu ce matin à 6h40 (heure d’Israël) et jusqu’à 7h10 Sadate entrer et prier à la mosquée El-Aksa : grâce à notre nouveau poste (excellent), on a pu regarder cela même à cette heure matinale.


Mais dans la rue, que dire ? ! Vendredi soir, en venant dîner avec nous, Francine Kaufmann a passé par le théâtre – aménagé en vingt-quatre heures en Centre de presse, téléphone, télex, etc. Elle est arrivée chez nous le souffle coupé d’avoir vu deux mâts : l’un avec notre drapeau, l’autre avec celui de l’Égypte.

Hier matin, nous sommes allés après l’office (trop routinier – hélas) voir les drapeaux. Tout de suite à la fin de Chabbat, en quelques minutes, les piliers électriques éclairant [la rue] Jabotinsky ont été pourvus de drapeaux : un israélien, un égyptien, etc., de haut en bas. Un égyptien est devant la Metivta (1) – j’espère pouvoir prendre des photos demain. Aujourd’hui, on était trop meboulbalim pour aller en acheter – d’ailleurs la circulation était assez perturbée […], le chemin a été par [les rues] Tchernikovsky, Palmah, Jabotinsky et David Hamelekh jusqu’à l’hôtel.


Tout le monde se sent en train de rêver – de devenir demi-fou. Aujourd’hui, cet après-midi, les cours de l’Université à Guivat Ram ont été annulés (on passe par la Knesset pour y arriver) […]. Mais les écoles et presque tout a marché normalement – mais chacun se sent un peu dingue ! !

L’organisation de tout cela en cinquante-deux heures – y compris un Chabbat qui a été grosso modo respecté –, c’est absolument incroyable, cela aussi !


Les gosses de 4 ans avec des petits drapeaux israéliens et égyptiens, et la foule très libre sur le parcours – j’en étais soufflé. Moi-même, samedi soir, j’ai été voir le cortège des voitures passer dans [la rue] Jabotinsky. Tous les gosses de Motsa, la maison d’enfants (2), couraient avec moi pour arriver au coin de Jabotinsky quand on a entendu à la télé que c’était sa route. Quelques choterim empêchaient gentiment qu’on n’envahisse la chaussée, c’est tout ! ! Ce matin, sur l’exemple d’Aya (3), j’ai acheté des cigarettes que j’ai distribuées à plusieurs groupes.


Suite à la prochaine lettre. On est tellement "enivré" qu’on ne peut pas tout écrire à la fois. Nous préférons faire partir ce premier message (à conserver et à ramener s’il vous plaît !) et rédiger et expédier la suite demain. La séance à la Knesset était – à notre avis – parfaite et le dialogue va continuer.

Nous vous embrassons de tout notre cœur ému.

André et Rina

Notes :
  1. Synagogue séfarade située dans la rue Jabotinsky, tout près de chez André Neher et où il aimait prier.
  2. Maison d’enfants située dans la maison voisine de celle des Neher.
  3. Diminutif affectueux d’Hélène Samuel.
Lexique :


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