Deuxième soir de la visite historique de Sadate à Jérusalem
Mes biens chers,
Pendant que tout est encore tout chaud, tout bouleversant, je veux un peu vous raconter l’atmosphère ici (gardez-moi cette lettre s’il vous plaît, et rapportez-la nous comme document ! !). Car pour les cérémonies elles-mêmes et les discours, vous les avez eus aussi bien que nous par la télévision de Paris – peut-être même mieux puisqu’il paraît que c’était en couleur.
Mais peut-être n’avez-vous pas vu ce matin à 6h40 (heure d’Israël) et jusqu’à 7h10 Sadate entrer et prier à la mosquée El-Aksa : grâce à notre nouveau poste (excellent), on a pu regarder cela même à cette heure matinale.
Mais dans la rue, que dire ? ! Vendredi soir, en venant dîner avec nous, Francine Kaufmann a passé par le théâtre – aménagé en vingt-quatre heures en Centre de presse, téléphone, télex, etc. Elle est arrivée chez nous le souffle coupé d’avoir vu deux mâts : l’un avec notre drapeau, l’autre avec celui de l’Égypte.
Hier matin, nous sommes allés après l’office (trop routinier – hélas) voir les drapeaux. Tout de suite à la fin de Chabbat, en quelques minutes, les piliers électriques éclairant [la rue] Jabotinsky ont été pourvus de drapeaux : un israélien, un égyptien, etc., de haut en bas. Un égyptien est devant la Metivta (1) – j’espère pouvoir prendre des photos demain. Aujourd’hui, on était trop meboulbalim pour aller en acheter – d’ailleurs la circulation était assez perturbée […], le chemin a été par [les rues] Tchernikovsky, Palmah, Jabotinsky et David Hamelekh jusqu’à l’hôtel.
Tout le monde se sent en train de rêver – de devenir demi-fou. Aujourd’hui, cet après-midi, les cours de l’Université à Guivat Ram ont été annulés (on passe par la Knesset pour y arriver) […]. Mais les écoles et presque tout a marché normalement – mais chacun se sent un peu dingue ! !
L’organisation de tout cela en cinquante-deux heures – y compris un Chabbat qui a été grosso modo respecté –, c’est absolument incroyable, cela aussi !
Les gosses de 4 ans avec des petits drapeaux israéliens et égyptiens, et la foule très libre sur le parcours – j’en étais soufflé. Moi-même, samedi soir, j’ai été voir le cortège des voitures passer dans [la rue] Jabotinsky. Tous les gosses de Motsa, la maison d’enfants (2), couraient avec moi pour arriver au coin de Jabotinsky quand on a entendu à la télé que c’était sa route. Quelques choterim empêchaient gentiment qu’on n’envahisse la chaussée, c’est tout ! ! Ce matin, sur l’exemple d’Aya (3), j’ai acheté des cigarettes que j’ai distribuées à plusieurs groupes.
Suite à la prochaine lettre. On est tellement "enivré" qu’on ne peut pas tout écrire à la fois. Nous préférons faire partir ce premier message (à conserver et à ramener s’il vous plaît !) et rédiger et expédier la suite demain. La séance à la Knesset était – à notre avis – parfaite et le dialogue va continuer.
Nous vous embrassons de tout notre cœur ému.
© : A . S . I . J . A. |