118. à Hélène et Nathan SAMUEL, Paris

Jérusalem, mardi soir 22 novembre 1977
Lettre à conserver et à ramener S.V.P.

Mes biens chers, votre téléphone de ce matin nous a fait très plaisir – mais comme toujours, on aurait voulu se dire davantage.


J’avais récité tous ces jours-ci, Nathi (1), moi aussi, le Psaume 85 [verset 10]. Mais outre toutes les allusions au Chalom qu’il contient, un passage illustre un aspect spécial de ces journées qui viennent de s’écouler : Lichkon kavod be-artsénou.

Nous, qui avons vibré, au cœur de l’événement, avec tous les Yerouchalmim, nous avons ressenti avec tout Israël – et sûrement avec vous aussi – qu’Israël a été aussi fort, digne, rayonnant de kavod dans la recherche de la Paix que dans les crises graves des heures de guerre.


Organisation fantastique, en un laps de temps mini-minimal, de tout : réceptions, protocole, sécurité, transmissions, drapeaux, hymnes nationaux, etc., etc. Le tout, avec un minimum de déploiement tapageur. Une montagne élevée en quelques minutes par des forces invisibles.


Et puis l’unité profonde du Peuple tout entier. L’admirable présence de nos chefs – pas seulement Begin (extraordinaire de calme) (2) : tous les Shimon Pérès, Allon, Rabin, Abba Eban, qui nous excédaient et irritaient ces derniers temps, ont été, eux aussi, extraordinaires – soudés à Begin – mais chacun avec sa personnalité. Peut-être la T.V. française n’a-t-elle pas diffusé la rencontre, lundi matin, de Sadate avec, successivement, tous les partis. Golda [Meïr], quoique n’étant plus députée à la Knesset, assise à côté de Sadate, comme invitée, a parlé au niveau le plus élevé. C’était bouleversant, tout en restant simple et détendu.

Gueoula Cohen, Moshé Shamir et même Zerah Wahrhaftig ont admirablement présenté la perspective religieuse de notre attachement à Erets Israël, et à Jérusalem. Un Arabe israélien (député) a présenté, en arabe, ce qu’il a appelé hizdamnout ha-'hayim ledaber. Itzhak Navon (3) a également parlé en arabe.


Avant son départ, Sadate a été reçu chez Katsir (4) – et là aussi, c’était un moment de réelle émotion, simple, amicale (il n’y a pas d’autre mot), le sommet de la hitragchout, que tous nos journalistes (T.V. et radio), même ceux qui sont réputés être les plus endurcis, ont avoué avoir éprouvé au plus profond de leur âme juive – dans le kavod absolu.


Espérons maintenant que se réalise aussi le début du passouk : Akh karov liréav yiche'o, la yechou'a ne pouvant venir que de Lui – mais la chekhina [la ] a enveloppé notre Peuple durant ces heures. Si seulement la Diaspora voulait enfin – au lieu de nous donner des conseils et d’attendre "nos gestes" (Arthur Hertzberg, des U.S.A., dixit), lancer un mouvement de masse d’alya, afin que Begin puisse vraiment parler, comme il l’a fait, non seulement de l’État d’Israël mais du Peuple juif.


Rina parle ce soir à la Commémoration de Jules Isaac à la Maison de France, et moi je regarde la T.V. (comme un vieux de la vieille !), et je vous écris, et je vous embrasse de tout mon cœur.


André

Notes :
  1. Nathan Samuel.
  2. À l’époque, Menahem Begin est le premier ministre d'Israël.
  3. Itzhak Navon, président de l’État d’Israël de 1978 à 1983, était connu pour parler aussi bien arabe qu’hébreu.
  4. Ephraïm Katsir, président de l'Etat d'Israël au moment de la visite de Sadate.
Lexique :


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