Pierre VILLON (Roger Ginsburger)
1901 - 1980
par Charles REICH


Né le 27 août 1901 à Soultz (Haut-Rhin), Pierre Villon de son nom d'origine Roger Ginsburger est un important dirigeant de la Résistance qui sera député communiste à l'Assemblée nationale de 1945 à 1978 pratiquement sans interruption.

Son père Moïse Ginsburger est rabbin, originaire de Hattstatt, il était le fils de Meyer Ginsburger marchand de bestiaux et de Sophie Kahn. Il commencera sa carrière comme rabbin de Soultz puis son poste est transféré à Guebwiller. Il fondera dans les années 1900 un hebdomadaire Die Straßburger israelitische Wochenschrift et terminera sa carrière comme chercheur et enseignant à Strasbourg. En effet, il est apparemment jugé "trop libéral" comme rabbin par ses collègues. Il a laissé de nombreux articles et monographies sur l'histoire des juifs d'Alsace.

Pierre Villon, enfant, et sa soeur Anne, qui fut la première femme pédiatre d'Alsace

A la maison, Roger Ginsburger parle l'alsacien et le français. Il passe le baccalauréat en novembre 1918 en pleine débâcle allemande. A école et au lycée, il rencontre l'antisémitisme. Peu tenté par les sentiments religieux ou par le sionisme, il devient athée vers ses 15-16 ans (1).
Il se sent aussi alsacien que ses amis non juifs et très différent des émigrés fuyant les pogromes des pays de l'est. Le sionisme ne pouvait avoir, selon lui à cette époque, que peu d'influence en Alsace, compte-tenu du climat de bonne entente qui régnait selon lui entre les citoyens de confession différente.

Roger Ginsburger, après des études d'architecte à l'Ecole des Beaux-arts, s'installe à Paris après avoir effectué plusieurs stages à Munich et à Stuttgart. Il se tourne vers la politique au début des années trente. Il se sent d'une sensibilité de gauche et il est conduit au communisme par les exigences de son métier d'architecte. En 1932 il adhère au Parti Communiste et après quelques semaines devient secrétaire de sa section.
En 1934, il s'installe à Anvers ou il est envoyé pour travailler comme rédacteur et traducteur de l'Internationale des marins et dockers.
En 1938 il revient en France et prend ses fonctions dans le secteur "éditions" du P.C.F.

En 1940, lors de l'arrivée des Allemands à Paris, cloué au lit par la fièvre: "j'étais au lit lorsque j'ai failli m'étrangler en lisant en tête dans l'Humanité un appel à fraterniser avec les soldats allemands" (page 50). Il apprend également avec une certaine stupéfaction la demande de reparution légale de l'Humanité.

Pierre Villon jeune
Il est arrêté en octobre 1940, transféré comme "dangereux" à la prison de Rambouillet, puis au camp de Gaillon (château dans l'Eure). Il s'en évade le 17 janvier 1942, avec l'aide, entre autres, de sa compagne Marie-Claude Vaillant-Couturier. Il rentre à nouveau dans la clandestinité et poursuit ses efforts en vue de la constitution d'un "Front national pour l'indépendance de la France" ; c'est alors qu'il prend le nom de "Pierre Villon".
Peu de temps après, il prend la tête du groupe de résistance appelé "Front national" de la zone nord. En 1942, il participe aux pourparlers visant à unifier les différents mouvements de Résistance ce qui se réalise peu après sous l'autorité de Jean Moulin : les huit principaux mouvements fusionnent pour former le "Conseil national de la Résistance". La réunion constitutive de ce mouvement se tient le 27 mai 1943. En 1944, il devient Président du Comité d'action militaire du CNR et participe aux préparatifs en vue de la libération de Paris.

Quelques jours après la libération de Paris, De Gaulle reçoit l'état-major de la Résistance et leur fait part de sa volonté de dissoudre toutes les organisations qui lui sont liées et de les intégrer dans les forces militaires relevant du ministère de la Guerre, ce qui décidé le jour même par décret (2).

Pierre Villon débute sa carrière politique en 1945.Il devient membre de l'Assemblée consultative dont il préside sa commission de la Défense nationale jusqu'en juin 1945. La même année, il est élu député de l'Allier : la région parisienne débordant de "vedettes" issues de la Résistance, il est envoyé dans ce département comme "locomotive" pour tirer la liste communiste.
En 1947 peu après l'exclusion des ministres du gouvernement par Paul Ramadier, il est tenu de faire "son autocritique" pour avoir avec les autres résistants "trop ouvert" le CNR aux organisations non-communistes . Maurice Thorez qui a passé la guerre à Moscou, après avoir abandonné l'armée française dans des conditions bien connues, mène la critique contre lui et tous ceux qui avaient eu cette attitude de trop grande ouverture pendant la guerre.
Pierre Villon et Marie-Claude Vaillant-Couturier
Il combat le "réarmement" de l'Allemagne au début des années cinquante, comme il se doit. En 1952, il est désigné comme le secrétaire général de l'Association nationale des Combattants de la résistance, organisation "satellite " du Parti Communiste et continuera tout au long des années cinquante son combat contre le réarmement allemand.

Sur le plan privé, il se marie en 1949 avec Marie-Claude Vaillant-Couturier qui était sa compagne depuis plusieurs années, fille d'un éditeur et créateur de journal d'origine allemande Lucien Vogel elle échange avec Roger Ginsburger durant son incarcération entre octobre 1940 et décembre 1941 de nombreuses lettres; elle sera élue également député communiste au lendemain de la guerre à son retour d'Auschwitz où elle a été déportée en 1942. Elle apportera un témoignage saisissant au procès de Nuremberg.

Après une vie engagée pendant quarante ans dans la politique française, Pierre Villon ne sollicite plus le renouvellement de son mandat de député en 1978 et reste apparemment fidèle à son parti.
Quant à ses relations avec le judaïsme et Israël elles restent d'une discrétion exemplaire. Il s'éteint à Vallauris le 6 novembre 1980.

Notes :
  1. Pierre Villon "Résistant de la première heure" Entretiens avec Claude Willard. Editions sociales Paris 1983    Retour au texte
  2. Voir à titre de comparaison, l'attitude identique de Ben-Gourion en 1948 vis à vis de Menahem Begin et celle opposée de Yasser Arafat en 1994 ou de Mahmoud Abbas en 2005 vis à vis des groupes radicaux du Hamas ou du Djihad Islamique.    Retour au texte
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