(Ce travail a bénéficié de l'aide précieuse et de l'expérience de Monsieur Hans Zumstein, conservateur du Musée de l'Œuvre Notre-Dame à Strasbourg. Nous lui exprimons notre très vive reconnaissance.)
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Maïmonide a mis l'accent sur la spiritualité du bain d'immersion, l'impureté relevant autant de la propreté morale, que de la propreté physique. Aussi, un bain pris sans y attacher une intention spéciale, ou ailleurs que dans un miqve, est considéré comme sans valeur. Le traité Miqvaot de la Mishna est consacré à l'étude des bains rituels, traité que nous n'avons pas la prétention de résumer ici. Les règles que doit suivre le constructeur d'un miqve peuvent être groupées en deux chapitres, celles qui se rapportent à la construction du bassin lui-même, et celles qui concernent l'eau qui le remplit.
Un miqve doit être construit sur place, et non préfabriqué, ce qui lui donnerait le caractère de “récipient” ; il peut être creusé dans le sol ou taillé dans le roc il doit être étanche sans colmatage, et contenir un minimum de quarante séa d'eau rituellement qualifiée, soit plus de cinq cents litres. Une eau provenant d'une source naturelle : eau de source, nappe phréatique, convient parfaitement, mais elle ne doit pas être amenée à l'aide d'un récipient ou par tout moyen que l'autorité rabbinique assimile à un récipient. Voici très imparfaitement et très incomplètement résumées les conditions que doit remplir un miqve. Il est remarquable que ces règles furent déjà appliquées à l'époque du second Temple, comme en témoignent les vestiges archéologiques de Masada, de Maon, de Herodion, et plus près de nous, les miqvaot du moyen âge à Spire (1200), à Cologne (1170), à Friedberg (1260), à Offenburg (1351), à Worms et à Mayence.
A Strasbourg, quand l'imprimeur Oscar Berger-Levrault fit démolir en 1868 un certain nombre de vieilles constructions à l'angle de la rue des Juifs et de la rue des Charpentiers, pour y construire une nouvelle imprimerie, on découvrit le bain rituel juif d'avant 1349. Malheureusement, à peine découvert, le bain fut détruit, sans que l'on se donnât la peine de faire des relevés, des dessins ou des photographies.
Il y a quelques années, l'attention des spécialistes fut attirée sur un bain rituel juif à Bischheim qui était censé dater de la fin du 18e siècle. Or l'étude que nous avons entreprise nous permet d'affirmer que ce miqve, sans remonter au moyen âge, est beaucoup plus ancien qu'on ne l'a cru. Il s'agit, en fait, d'un des plus anciens existant encore en Alsace.
Le miqve est situé au n° 17 de la rue Nationale à Bischheim. On y accède actuellement par une trappe s'ouvrant dans un hangar à l'arrière de la maison. La tradition rapporte que le rabbin David Sintzheim, président du Grand Sanhédrin et premier Grand Rabbin de France, beau-frère de Cerf Berr de Medelsheim, a habité cette maison. Mais, comme nous allons le voir, le miqve est bien antérieur à la présence de l'illustre rabbin dans cette maison.
Pour son étude, nous examinerons successivement les trois parties qui le constituent, à savoir :
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Trois marches, constituées chacune par une seule dalle de 140 cm de long sur 44 cm de large pour les deux inférieures, 37 cm pour la supérieure, descendent vers le bassin. Le bassin était pourvu, sur trois de ses côtés, d'un coffrage en bois d'épicéa, constitué de planches de largeur variable, d'environ 80 cm de haut, enfoncées d'environ trente centimètres dans le sable alluvionnaire.
Deux blocs de pierre, dans lesquels des niches ont été creusées, ont été scellés dans le mur, de part et d'autre des marches de descente. Ces niches étaient destinées à recevoir des sources de lumière. On trouvera les mêmes niches, de place en place, dans le mur de l'escalier.
La salle souterraine a une hauteur totale d'environ quatre mètres, mesure prise entre le sommet de la voûte en berceau et le sol actuel du bassin. Le berceau est légèrement surbaissé, et percé de deux ouvertures. Ces ouvertures sont actuellement bouchées et il ne nous a pas été possible, vu la hauteur, de voir où elles aboutissaient. On peut supposer qu'elles étaient destinées à permettre de verser de l'eau chaude dans le bassin pour élever légèrement la température du bain rituel. D'une manière générale, l'addition d'eau est admise à la condition que le bassin contienne les quarante séa d'eau rituellement qualifiée dont il a été question plus haut. Les relevés que nous avons faits et les mesures notées nous ont permis de conclure que le miqve communiquait par les deux ouvertures avec la salle supérieure dont il sera question plus tard. Signalons enfin un bloc de pierre reposant au fond du bassin, à proximité de la première marche de l'escalier, et qui constitue en quelque sorte une marche supplémentaire, permettant d'y descendre plus commodément. Il s'agit d'une pierre de remploi.
Il existe donc de fortes présomptions pour que l'escalier, et par conséquent le miqve, aient été construits dans le dernier quart du 16e siècle.
A la hauteur de la 24e marche de l'escalier hélicoïdal, qui en comporte 48 au total, s'ouvrait une porte actuellement murée à encadrement de pierre, donnant accès à une salle située au-dessus du bain rituel. Le linteau est légèrement cintré. La porte avait 80 cm de large sur 2 mètres de haut. On accède actuellement à cette salle par un escalier de construction moderne, partant d'un autre endroit du hangar, comportant 17 marches en béton, sur une hauteur de 3,33 mètres, et par une brèche ouverte dans le mur opposé à l'ancienne porte.
Escalier hélicoïdal menant au miqveh |
Autre vue de l'escalier |
La salle supérieure Cliquez sur l'image pour l'agrandir © Michel Rothé
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Cette salle supérieure avait différentes fonctions. Elle servait de vestiaire : on venait s'y déshabiller. Par deux ouvertures situées dans le sol, on pouvait verser de l'eau froide ou chaude dans le miqve situé au-dessous. Cette façon de faire était autorisée à la condition que la quantité d'eau provenant de la nappe phréatique dépasse les quarante séa dont nous avons parlé précédemment. Il devait certainement y avoir eu dans cette salle supérieure un moyen de chauffer de l'eau, et, en même temps, d'élever la température de la salle. La présence de deux ouvertures dans le plafond de la salle supérieure n'a pas d'autre explication : évacuation de la fumée, aération, amenée d'eau.
Bischheim-am-Saum appartenait au moyen âge à l'évêque de Strasbourg, qui en inféoda successivement Dietrich von Wasselnheim et, en 1411, Bernhard Böckel, de la famille des Böcklin von Böcklinsau. Les archives de cette famille ne font que très tardivement état de la présence de Juifs à Bischheim. C'est une source juive, les Mémoires de Ascher Lévy de Reichshoffen, qui nous apporte les premières informations à leur sujet. Asher Lévy mentionne un Rabbi Aberlin de Bischheim, dont la petite-fille Blimele avait épousé Leyser, fils de Simha ha-Kohen de Haguenau, beau-père de Asher Lévy. Ceci nous place dans les dernières années du 16e siècle. Il est encore fait mention des Juifs de Bischheim dans un état de l'Evêché de Strasbourg du début du 17e siècle ainsi que dans les registres de la Douane de Bergheim. Ce serait donc aux origines de la communauté juive de Bischheim, au dernier quart du 16e siècle, que remonterait le miqve de Bischheim.
Après les vestiges de la synagogue de Rouffach, datant de la fin du 18e siècle, le miqve de Bischheim serait ainsi le plus ancien monument juif existant encore en Alsace, et dans un état de conservation relativement satisfaisant.
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