MACKENHEIM
Une première synagogue datait du début du 18ème siècle. Une nouvelle sera construite en 1866. Celle-ci, désaffectée, a été acquise par la commune en 1981, et aménagée en centre culturel.

MARCKOLSHEIM
Une synagogue a été construite en 1838. Elle fut réaménagée après la guerre, mais elle n'est plus utilisée par suite de la disparition de la communauté.

Sur les traces du judaïsme dans le Ried :
quelques éléments sur les communautés de Mackenheim et Marckolsheim
Anne Sophie STOCKBAUER
Article paru dans l’Annuaire de la Société d’histoire de la Hardt et du Ried, n°28, 2016.

En 2016, l’actualité de la Hardt et du Ried aura été marquée par la révélation de la Genizah à la synagogue d’Horbourg-Wihr.
Dans la lignée de cette découverte qui met en lumière un pan de l’histoire du judaïsme alsacien, l’article suivant s’attache d’une part à compléter l’article de Günter Boll et Denis Ingold intitulé "Nouvelles données sur l’histoire des juifs du baillage épiscopal de Marckolsheim 1578-1652" et paru dans l’Annuaire de la société d’histoire de la Hardt et du Ried en 1999, ainsi qu'à mettre à jour les données historiques connues sur les communautés israélites de Marckolsheim et Mackenheim.

I. Historique des communautés de la fin du 16ème siècle à nos jours…

A. De la fin du 16ème siècle aux années 1580

La première mention concernant les juifs de la communauté de Mackenheim a été faite, à l’instar de Marckolsheim, en 1578. La présence de juifs dans la commune était probablement récente. A Marckolsheim, plusieurs d’entre eux furent placés sous la protection de l’évêque et cités comme habitants du baillage dans les années 1578-1583. En revanche, à Mackenheim, les israélites étaient impopulaires, et la volonté de les chasser fut constatée dès 1580, suite à une plainte contre un boucher juif accusé de recel. L’expulsion semble avoir eu lieu, car plus aucun juif n’est mentionné dans la correspondance de l’évêque, qui possédait une partie du village, et de ses officiers après 1580.

B. De la Guerre de Trente Ans à la fin de l’Ancien Régime

Il semblerait que la communauté israélite de Mackenheim se soit reformée pendant la Guerre de Trente Ans : la présence d’un marchand de chevaux à Mackenheim est citée au début du conflit. Cependant le village fut pillé en 1622, entraînant la dispersion du groupe.
En 1637, la ville de Marckolsheim tomba entre les mains des Suédois, entraînant la dispersion de la communauté juive. Ce n’est que vers 1680 que celle-ci se reforma. La fin du conflit amena à nouveau des familles juives à Mackenheim, qui en compte 6 en 1649. La communauté augmenta progressivement au cours des années, atteignant 17 familles en 1784. A Marckolsheim, on comptait environ cinquante personnes juives à la fin de l’Ancien Régime. La population israélite augmenta au long du siècle, allant jusqu’à doubler sa population de 1784 à 1807.

Evolution des populations juives de Mackenheim et Marckolsheim de 1578 à 1807

1578 1649 1689 1716 1725 1744 1751 1754 1766 1780 1781 1784 1807
MACKENHEIM Mention 6 f. 4 f. 6 f. 7 f. 9 f. 11 f. 9 f. 14 f. 18 f. 87 p. 17 f. / 92 p. 95 p.
MARCKOLSHEIM Mention ? 1 f. 6 f. ? ? 6 f. ? 9 f. 7 f. 38 p. 8f. / 47 p. 90 p.
f. = Familles - p. = Personnes

C. Du début du 19ème siècle jusqu’à nos jours

l'ancienne synagogue de Marckolsheim
A Marckolsheim, la communauté israélite semblait bien intégrée depuis le 19ème siècle et continua d’augmenter, atteignant 120 personnes dans les années 1830.
En 1808, Mackenheim comptait de son côté environ 95 israélites, dont 3 bouchers, 7 merciers, un marchand d’huile et de sucre, 6 marchands de bestiaux, un marchand de cuir et un ferrailleur. La communauté continua à s’épanouir tout au long du siècle, atteignant environ 160 personnes dans les années 1850.

Au lendemain de la défaite de 1870, beaucoup de juifs quittèrent l’Alsace, le rythme s’accentuant après 1918, amorçant ainsi le déclin de ces deux communautés. Depuis 1915, il n’y a plus de rabbin officiant à Marckolsheim. Cependant, le ministre rattaché à Sélestat assurait une présence au moins deux fois par an et lors des mariages, enterrements et fêtes. Avant la seconde guerre mondiale, la communauté israélite de Marckolsheim était assez importante et comptait environ 150 personnes. Celle-ci cohabitait pacifiquement avec la communauté catholique. Les israélites exerçaient divers métiers, dans des domaines tels que la boulangerie, la boucherie, la quincaillerie, la vente de bestiaux, de chaussures, de tissus ainsi que de grains.

La seconde guerre mondiale fut à l’origine de la dispersion définitive des communautés israélites de Marckolsheim et Mackenheim. Un certain nombre de déportés ainsi que des familles ayant fui ne revinrent jamais : à Mackenheim, il ne restait que 4 israélites en 1953 et le départ des dernières familles a eu lieu en 1982-1983. A Marckolsheim, le culte resta célébré jusqu’en 1976, date à laquelle la synagogue fut abandonnée. Il ne reste actuellement que deux familles juives résidant à Marckolsheim.

II. Quelques édifices notables

Même si les communautés juives de Marckolsheim et Mackenheim ont été dispersées, certains bâtiments encore existants témoignent de leur présence passée en ces deux communes.

A. Les synagogues des deux communautés

La synagogue constituait le centre de la vie communautaire juive. Elle demeura jusqu’au milieu du 19ème siècle un édifice d’une grande sobriété qui exprimait de manière symbolique la pauvreté forcée de la communauté israélite.

La première mention d’une synagogue à Marckolsheim, située dans la Judengass, derrière ce qui deviendra bien plus tard le tribunal cantonal, a été faite en 1752. Il semblerait que celle-ci fut devenue trop petite pour les besoins de la communauté, étant donné que cette dernière fit en 1823 une demande d’achat à la commune d’un terrain plus grand pour construire une nouvelle synagogue, l’ancienne ne pouvant pas être agrandie sur un terrain voisin.

En mai 1834, suite à une demande de secours de la part de la communauté pour des réparations à la synagogue, on demanda à l’architecte de l’arrondissement, Antoine Ringeisen, de rédiger un compte-rendu de la situation de la synagogue, en prenant en compte les réparations à faire ainsi que les besoins de la communauté. En 1836, la municipalité accorda une subvention de 4000 Francs pour reconstruire la synagogue, dont les travaux furent achevés en 1838. Dans un courrier daté du 11 avril 1867 adressé au sous-préfet par la communauté israélite de Marckolsheim, on apprend que la synagogue de la ville exigeait des travaux d’entretien ainsi que de réparations.

l'ancienne synagogue de Mackenheim
Trois projets d’agrandissement furent présentés en 1869. Dans un devis daté du 19 mai, l’architecte mit en évidence l’insuffisance et le mauvais état de la synagogue, évoquant le sol "humide et malsain" ainsi que la charpente "affaissée". Les modifications souhaitées par la communauté israélite furent les suivantes : la démolition de la cloison intérieure de l’entrée ainsi que le recul des tribunes des femmes. Par ailleurs, il était demandé que ces tribunes soient suspendues à la charpente et non pas soutenues par des colonnes.

La synagogue ainsi réparée et agrandie servit au culte jusqu’en 1940, date à laquelle elle fut bombardée, en même temps que la majeure partie de la ville. Il fallut attendre 1961 pour voir la construction d’une nouvelle synagogue à Marckolsheim, au même emplacement de celle qui fut bombardée vingt ans plus tôt. En 1976, la communauté cessa d’y célébrer le culte. Les objets de culte furent rapatriés vers d’autres endroits de célébration, et le bâtiment fut abandonné. Il est devenu depuis une maison d’habitation.

Mackenheim comptait quant à elle une synagogue dès le 18ème siècle. Cependant, celle-ci était en fort mauvais état au milieu du siècle suivant. Elle fut présentée en 1856 dans une note de l’architecte Ringeisen comme un bâtiment de petit bois et de torchis, délabré, mal placé et insuffisant pour les besoins de la communauté.

Dans l’avant-projet de construction de la synagogue daté du 5 mai 1856, la communauté, qui a rassemblé un an auparavant une somme de 4000 Francs, se propose d’aliéner le bâtiment et de prendre à sa place la propriété voisine de David Ach.
L’avant-projet décrit la future synagogue de la manière suivante : l’aspect du bâtiment est assez semblable à la synagogue de Marckolsheim. De forme rectangulaire, il a une longueur de 11.80 mètres sur 8.80 mètres de large pour une hauteur de 7.50 mètres. Trois portes sont prévues sur la façade Ouest, la principale au milieu donnant dans le vestibule, celle de gauche menant à l’escalier de la tribune des femmes et celle de droite donnant dans une pièce d’archives, l’ensemble des travaux étant estimé à 15000 Francs.

En 1863, la communauté israélite donna son accord pour le projet sous réserve d’un agrandissement de 5 mètres de long pour un mètre de large, estimant que ces nouvelles dimensions étaient nécessaires à cause de l’accroissement de la population et en prévision pour l’avenir. Le coût des travaux fut alors estimé entre 22000 et 25000 Francs. Le projet de construction définitif de la synagogue fut établi le 20 septembre 1864. Les dimensions prévues pour l’édifice étaient de 17 mètres en longueur, 11 mètres en largeur pour 8 mètres de haut. Le projet fut estimé à 20000 Francs, la communauté israélite et la commune de Mackenheim se partageant les frais. Les travaux furent achevés en 1867.

La synagogue eut également à souffrir lors de la seconde guerre mondiale. Si elle eut la chance de ne pas avoir été bombardée comme celle de Marckolsheim, l’intérieur fut saccagé par les Nazis en 1940. Afin d’éviter son dynamitage, un membre de la commission de sauvegarde aurait proposé à l’occupant de transformer le bâtiment en gymnase pour les Jeunesses hitlériennes. A la fin de la guerre, la communauté juive de Mackenheim s’étiola et le bâtiment cessa de servir de lieu de culte dans les années 1960. Racheté par la municipalité en 1981, la synagogue a été depuis transformée en maison des jeunes et en bibliothèque.

B. Le cimetière israélite de Mackenheim

La première mention faite au sujet du cimetière date de 1608, cependant, il est fort probable que celui-ci soit plus ancien. Il fut agrandi à plusieurs reprises : en 1629, après une inondation du Rhin, 1685 et 1775. On tenta encore de l’agrandir en 1819 mais sans succès.

Le cimetière est divisé en trois secteurs. Le plus ancien couvre la période entre 1669 et 1753, le second comprend la période entre 1753 et 1850 et enfin la dernière de 1850 à nos jours. Il ne reste par ailleurs que peu de pierres tombales d’avant 1685, la plus ancienne datant de 1669. Ces trois secteurs se divisent en deux parties. La partie Nord-Est est la plus récente et est encore en usage. Elle dispose d’ailleurs d’une maison funéraire, appelée Tahara Hiesel, servant autrefois à la purification du défunt avant son inhumation. La partie Ouest qui est la plus ancienne faisait office de cimetière intercommunal où l’on enterrait les israélites originaires de diverses communautés.

Le cimetière israélite de Mackenheim
En Alsace, on abandonnait souvent aux communautés juives des terres incultes dans la forêt pour leurs cimetières, ce qui est le cas à Mackenheim. Toutes les communautés d’Alsace n’avaient pas de cimetière, et beaucoup dépendaient de celui de Mackenheim jusqu’au 19ème siècle.

C. Les anciennes boucheries des deux communautés

Il reste quelques bâtiments à Marckolsheim qui témoignent de la présence d’une communauté juive dans la ville. Ainsi, une ancienne boucherie est toujours située au 4, rue du Château. Ses propriétaires furent déportés durant la seconde guerre mondiale. Une autre boucherie était située à l’actuel pressing et enfin, une quincaillerie était localisée non loin de l’ancien pavillon des Rohan.

Mackenheim compte encore une ancienne boucherie juive, construite dans les années 1900. Ce commerce ferma après la première guerre mondiale et fut remplacé par un autre magasin.

Depuis le 16ème siècle jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les communautés juives de Mackenheim et Marckolsheim ont marqué leur empreinte dans le Ried alsacien. On pourra encore mentionner la présence d’une communauté juive très importante à Muttersholtz ainsi que la présence d’israélites à Artolsheim, Boesenbiesen, Diebolsheim et Hilsenheim.

Sources :

Bibliographie :

1.Sur le judaïsme en Alsace :
  • Daltroff Jean, La route du judaïsme en Alsace, Rosheim, I.D L’Edition, 2006
  • Raphaël Freddy (dir.), Le Judaïsme alsacien, Histoire, patrimoine, traditions, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1999
  • Raphaël Freddy, Weyl, Robert, Juifs en Alsace: Culture, société, histoire, Toulouse, Editions Privat, 1977
  • Rothé Michel, Warschawski Max, Les synagogues d’Alsace et leur histoire, Jérusalem, Editions Chalom Bisamme, 1992
  • Vincler Jeanne, Communautés juives en péril, Alsace-Lorraine, 1933-1939, Metz, Editions Serpenoise, 2010

  • 2.Sur les communautés juives de Marckolsheim et Mackenheim :
  • Boll Günter, « Le cimetière israélite de Mackenheim (Bas Rhin) » dans Annuairede la société d’histoire de la Hardt et du Ried, 2003, n°16, p.51
  • BollGünter, Ingold Denis, « Nouvelles données sur l’histoire des juifs du baillage épiscopal de Marckolsheim 1578-1652 » dans Annuaire de la société d’histoire de la Hardt et du Ried, 1999, n°12, pp.61-66
  • Commune de Marckolsheim, Marckolsheim, un siècle d’histoire, Strasbourg, Carré Blanc, 2006
  • Knittel Michel, Marckolsheim, fragments d’histoire, Société d’Histoire de la Hardt et du Ried, 1994
  • Mathis Marcel, "Les communautés juives sous l'ancien régime jusqu'en 1808 entre Strasbourg, Sélestat et Marckolsheim" dans Annuaire des amis de la bibliothèque humaniste de Sélestat, 1995, pp. 81-89
  • . http://www.mackenheim.fr/Decouvrir/Patrimoine/Cimetiere-juif.html

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