Lorsqu'on regarde de près les superbes planches du plan cadastral de 1838, à la mairie de Plaine, on repère plus d'une curiosité. Par exemple la mention "chemin des Juifs"...
Il y a plus de trente-cinq ans, elle nous avait beaucoup intrigués et nous avions interrogé à son sujet des personnes nées bien avant la première guerre mondiale : quel rapport entre les Juifs et un chemin rural ? Car ce nom ne s'expliquait évidemment pas de la même façon que les "rues des Juifs" qu'on rencontre à Strasbourg, Obernai et autres villes, et qui signalent le quartier où vivaient jadis les familles israélites. Pas de ghetto à Plaine... Alors quoi ?
Nous avons vite compris que, à la manière des greffiers de la Principauté qui écrivaient parfois "Suisse de religion" pour désigner un anabaptiste, nos vieux Piennerés auraient pu écrire "Juif de métier" pour un marchand de bestiaux. Ils n'achetaient pas leurs vaches au maquignon ou chez le maquignon, mais après le Juif . Lesdits marchands de bestiaux - effectivement juifs à ce qu'on nous a dit -circulaient donc fréquemment dans le secteur escortés d'une ou plusieurs têtes de bétail, sans doute plus rarement de chevaux, qui avaient fait ou devaient faire l'objet d'une transaction.
Or un des cauchemars de nos devanciers agriculteurs et éleveurs était le danger d'épizootie. Nos voisins âgés nous ont donc expliqué que tout le monde, maquignons et paysans, avait intérêt à éviter autant que possible le transit des bestiaux par les villages, afin de limiter les risques de contamination, aussi bien des animaux du lieu par ceux de passage que l'inverse, au cas où l'un d'eux aurait été porteur d'une maladie déclarée ou non. C'est pourquoi de vrais "itinéraires de contournement" étaient prévus et le trajet des maquignons a fini par en garder le nom de "chemin des Juifs".
Assurément, sur le plan cadastral, on a l'impression qu'il s'agit juste d'un petit tronçon. Mais nos informateurs soutenaient que, en réalité, ce que leurs pères et grands-pères avaient appelé "chemin des Juifs" traversait tout le territoire de la commune sans toucher les villages.
Maintenant, il serait utile que les lecteurs de l'Essor se penchent un peu sur la question.
Existe-t-il d'autres "chemins des Juifs" dans notre vallée, soit sur un plan, soit dans la tradition orale ? Que raconte-t-on à leur sujet ? Connaît-on des anecdotes qui s'y rattachent ? Ce ne serait certainement pas dépourvu d'intérêt, car ce nom qui nous garde la mémoire des marchands juifs de jadis réveille quelques échos de la vie sociale et économique du passé dans nos villages.
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