SCHIRRHOFFEN


La Synagogue de Schirrhoffen sur une carte postale ancienne
Collection © M. & A. Rothé
Synagogue de Schirrhoffen

La Synagogue

La communauté juive de Schirrhoffen obtient l'autorisation de construire une synagogue en 1817. Elle est construite au n°7 de l'actuelle rue des Huttes, une propriété qui appartient aujourd'hui à Claude Voltzenlogel.

L'inauguration a lieu le samedi précédant la nouvelle année juive en 1818. Cette cérémonie provoque un incident assez grave qui a agite toute la population juive du village. Quelques jours auparavant, un individu nommé Frohny déclare à Alexandre Weill : "Alexandre, je désire te sauver, parce que je t'aime, mais ont va coupe la gorge à tous les juifs. Samedi, quand vous vous rendrez à la nouvelle synagogue, tous les catholiques de Sufflen [heim] et de Schirein viendront occuper votre temple pour en faire une église."
Le jeune Alexandre, ne se le fait pas dire deux fois. Il rentre chez lui en courant pour raconter les faits à son père. Celui-ci en informe aussitôt M. Lévy, l'instituteur et le maire, Michel Heisserer. La population juive, se réunit immédiatement, non pas pour organiser sa défense, mais pour demander à Dieu de détourner cette calamité.
Le maire informe le préfet de la menace. Aussi, le vendredi soir, pendant l'office les juifs ont la joie d'entendre le son du tambour et peu après, ils assistent à l'arrivée d'une compagnie de grenadiers envoyée par le préfet. Le vendredi soir, la compagnie entière, tambour en tête, bannière au vent le vent, précède le cortège qui vient inaugurer la nouvelle synagogue. Le rabbin vient au devant des soldats pour les la bénir. Quelques grenadiers et des vieillards versent des larmes.
à peine la compagnie de grenadiers est-elle parvenue à gauche au village, que l'émissaire de mauvaises nouvelles prend la fuite. Le coup a été évité. Pour montrer que l'alarme était fausse, toute la jeunesse catholique de Sufflen prend part aux danses qui se poursuivent jusqu'à la nuit de lundi. On n'a jamais vue une fête de village plus joyeuse.

En 1930, on envisage de vendre la synagogue parce qu'elle n'est plus en fonction. Une offre est émise et M. Dolt se porte acquéreur. L'autorisation préfectorale nécessaire est accordée, mais M. Dolt ne peut verser les 80.000 francs demandés. La vente est ainsi reportée.

En 1945, lors des combats de la Libération, la synagogue est bombardée et incendiée. Il n'en reste plus que les murs calcinés, et il n'est pas question de la reconstruire. Le premier ministre Michel Debré fermera ce lieu de culte par le décret de 10 octobre 1959. Il sera mis en vente et acheté par René Fohr. Aujourd'hui, la maison construite sur l'emplacement de la synagogue appartient à Claude Voltzenlogel.

L'école juive

Alexandre Weill
A la fin du 18ème siècle, une école juive fonctionne à Schirrhoffen. Elle est dirigée par le rabbin, Samuel Goetschel. C'est une école privée, et les élèves étudient dans la maison du maître, parce que les juifs n'ont pas encore le droit d'avoir une école d'Etat.
Le maître leur enseigne principalement l'hébreu. À l'âge de trois ans et demi, Alexandre Weill est mené par sa mère chez Rabbin Samuel, qui lui dit : "Mon enfant, pour chaque lettre que vous apprendrez, un ange du ciel vous accordera une grande récompense". Alexandre apprend l'hébreu en une semaine.
Pendant la journée les enfants nourrissent les vaches et les chèvres de leurs parents dans les prés, et se rendent le soir chez le maître où ils étudient tard dans la nuit.

Plus tard, quand à peine âgé de sept ans, le jeune Alexandre est confié à un autre instituteur, Raphaël Lévy, dont le salaire est payé par ses parents et par cinq autres familles juives du village. Alexandre Weill l'a admiré et se souvient de lui avec reconnaissance.

L'école juive de Schirrhoffen construite en 1844
- © M. Rothé
Il raconte également que dans sa jeunesse, un saint rabbin nommé Aron Lazarus, a quitté l'école de Lauterbourg pour ouvrir une yeshiva, une petite école talmudique à Schirrhoffen. Ce rabbin était un juif hassidique. Il passait deux heures chaque matin à prier en portant ses phylactères. Ensuite après avoir pris son café, il enseignait le Talmud à ses élèves jusqu'à midi. Après le déjeuner, il a marchait pendant une heure, un livre hébraïque à la main. Il ne sut jamais lire l'allemand ou le français. L'étude du Talmud, alternée avec celle de la Bible ou d'autres auteurs hébraïques pour certains élèves, recommençait à deux heures l'après-midi et durait jusqu'à l'heure de la prière du soir à la synagogue. Le maître continuait à enseigner pendant la nuit et ses élèves l'écoutaient avec attention, répétant les leçons du jour pour pouvoir les réciter le lendemain.

En 1844, la communauté d'israélite construit une école parce que le nombre d'enfants juifs avec Schirrhoffen a beaucoup augmenté. Celle-ci comporte deux salles de classe au rez-de-chaussée et deux résidences au dessus. Cet établissement sera transformé en école de filles après la deuxième guerre mondiale. Plus tard, une cour sera ajoutée, pour accueillir les enfants de l'école maternelle. Aujourd'hui, ce bâtiment a été transformé par la commune en maison d'habitation.


Les notables

Instituteurs de Schirrhoffen :
Raphaël Lévy
(1814), Ephraïme Joachim et Samson Bamberger (1836), Loeb Dreyfuss et Samuel Kahn (1841).

Schirrhoffen a été administré à partir de 1844 par une majorité de maires juifs qui ont été fortement établis dans la commune, et ceci pendant plus d'un demi-siècle :
  • De 1844 à 1864 par Raphaël Levy, instituteur, devenu commerçant, né le 16 août 1797 à Wingersheim. Il épouse May Cotton, de Schirrhoffen. Ils ont quatre enfants dont Achille, arrière-grand-père de Brice Lalonde, ancien ministre de l'environnement, ainsi que Léopold, arrière-grand-père d'André Maurois (né d'Émile Herzog) écrivain académicien.
  • De 1865 à 1871 par Léon Weill, commerçant, né à Hatten en 1821. Il épouse Caroline Liebschutz, de Schirrhoffen ; décédé le 23 juin 1909 à Schirrhoffen.
  • De 1872 à 1881 par Abraham Weill, commerçant, né le 15 mars 1833 à Schirrhoffen. Il épouse Pauline Wolff, de Herrlisheim.
  • De 1882 à 1905 par Simon Heymann, négociant en grain, né le 25 février 1825 à Schirrhoffen. Il a épouse Sara Kahn de Schirrhoffen ; décédé le 27 février 1905 à Schirrhoffen.
  • De 1905 à 1907 par Solomon Kahn, brocanteur, né le 21 décembre 1832 à Schirrhoffen. Il épouse Sara Sommer, de Schirrhoffen ; décédé le 20 janvier 1907 à Schirrhoffen.

Le Rabbinat de Schirrhoffen

Ce rabbinat a été créé autour de 1815 et existé jusqu'en 1905. Les rabbins : Aron Lazarus, Zacharie Lazarus, Simon Lévy, et Sylvain Lehmann. En 1905, la communauté juive de Schirrhoffen ne compte pas plus de 188 âmes. Par conséquent le rabbinat sera transféré à Bischwiller en 1910. Le rabbin de Bischwiller viendra chaque semaine à Schirrhoffen pour donner un enseignement religieux aux enfants juifs de la commune, qui lui verse une allocation annuelle de 175 francs.
Par la suite, le culte prend fin à la synagogue de Schirrhoffen. Rappelons que pour célébrer un rituel juif, on a besoin d'un mynian, c'est-à-dire un quorum de dix hommes adultes. Aussi, une communauté qui rassemble moins de quarante adultes ne peut plus fonctionner.

LE CIMETIÈRE JUIF

Au milieu du 18ème siècle, les juifs de Schirrhoffen enterrent leurs morts dans le cimetière israélite de Haguenau. Ils versent une allocation de dix schillings par corps aux autorités municipales. Cette allocation est supprimée après la révolution, mais la communauté juive de Haguenau, qui assume tous les frais d'achats des lieux de sépultures, reçoit un tribut annuel de le part des villages concernés.
Le 21 octobre 1881 un cimetière juif est établi à Schirrhoffen, et il existe encore aujourd'hui, bien qu'il n'y ait plus de juifs dans la commune. Il est entretenu grâce au volontariat de quelques villageois. Ce fait constitue un témoignage éloquent de l'attachement des habitants de Schirrhoffen à leur passé et à la mémoire des juifs qui ont vécu avec eux pendant plus de deux siècles.
Voir les tombes du cimetière en ligne.


Source : Rose-Marie Vetter, À La Lisière de la Forêt: Schirrhein/Schirrhoffen, Strasbourg, Editions Coprur (1995).


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