Porte d'entrée de la partie israélite du cimetière de Schirmeck. Conformément à la proposition du sous-préfet de Molsheim en 1894, la partie israélite du cimetière de Schirmeck fut munie, comme d'ailleurs la partie réservée aux protestants, d'une entrée séparée. L'escalier fut encadré de deux piliers, décorés sur la face avant et arrière (ici sur la photo) d'un symbole caractéristique. Les piliers protestants présentent une croix latine. Les piliers israélites sont surmontés pour leur part des contours des Tables de la loi - © C. Jérôme, fév. 2001. |
Genèse de sa création
Le cimetière de Schirmeck présente deux particularités peu communes pour la région :
- il se trouve non sur le propre ban de la ville, mais sur celui d'une commune limitrophe, celle de Barembach ;
- il a comporté pendant près d'un siècle trois sections réservées respectivement aux catholiques, aux protestants et aux israélites, avec pour chacune une porte d'accès séparée.
Jusque vers la fin du 19ème siècle, il n'occupait que les deux tiers environ de sa surface actuelle. Son agrandissement était rendu nécessaire à la fois par l'augmentation de la population catholique, mais aussi par l'arrivée, après 1870, de nouvelles minorités socioreligieuses. Nous voulons parler des fonctionnaires venus d'Allemagne (douaniers, gendarmes, forestiers, employés du tribunal, de la poste etc.) en majorité protestants, et de l'accroissement rapide de la communauté israélite.
C'est pourquoi, dans sa séance du 19 novembre 1883, le conseil municipal prend la décision d'acheter les terrains nécessaires à cette extension, vu que leur propriétaire est prêt à les céder au prix de 100 marks l'are.
Le 21 janvier 1894, le maire donne lecture aux conseillers d'une lettre du Kaiserlichen Kreisdirektor de Molsheim (l'équivalent de l'actuel sous-préfet) qui prie la commune d'acheter les 20 ares nécessaires, à raison de 12 ares pour l'agrandissement de la partie catholique, 6 ares pour la création de la partie protestante et 2 ares pour celle réservée aux juifs.
Ces parties devront être desservies par des entrées distinctes et séparées entre elles soit par un muret, soit par une haie vive (1).
Les travaux furent entrepris rapidement et à partir de 1895 environ les juifs du haut de la vallée de la Bruche furent inhumés à Schirmeck au lieu de Rosenwiller, comme c'était le cas auparavant (2).
Les stèles
Le shofar de la stèle d'Isaac Weill. Chez les israélites, le Nouvel An, Rosh Hashanah, est le jour anniversaire de la création du monde par Dieu. Commence alors le temps des dix jours de Teshouvah (repentir), les «dix jours redoutables» destinés au repentir qui culminent au Yom Kippour, le grand pardon. En cette période, l'officiant procède à la sonnerie du shofar la corne de bélier, afin d'inciter Dieu à la clémence et les fidèles à l'examen de conscience - © C. Jérôme, 2001. |
Sommet de la pierre tombale de Michel Lévy. L'épitaphe de cette stèle ne comporte aucune date. On peut y lire : «Ici repose Michel Lévy décédé à l'âge de 65 ans - un brave homme regretté éternellement de son épouse et de ses enfants». Par contre, la petite sculpture qui orne son sommet est plus intéressante. Elle représente une aiguière, sorte de petite cruche, dont les Lévites se servent pour verser de l'eau purificatrice sur les mains des prêtres avant que ces derniers bénissent l'assistance. La présence de ce motif sur une pierre tombale indique que le défunt appartenait à l'une des tribus d'Israël, celle de Lévi, qui ne possédait pas de territoire propre, mais qui était chargée de certaines fonctions privilégiées dans le Temple et, de nos jours, dans les synagogues de stricte observance - © C. Jérôme, 1995. |
Nous n'avons relevé que deux pierres ornées d'un symbole propre aux israélites ; il s'agit de celle de la tombe de Michel Lévy sur laquelle figure une aiguière et de celle de la tombe d'Isaac Weill sur laquelle figure un shofar (voir photos). Deux autres stèles relèvent de la symbolique juive par leurs contours en forme de tables de la loi.
Les épitaphes font mention de vingt et un patronymes différents ; on peut y relever : Lang, Weil, Weill, Alexandre, Bloch, Mayer, Meyer, Dreyfuss, Grumbach, Simonin, Lévy, Bouillon, Hitzevvitsch, Bernheim, Bettmann, Ullmann, Lhemann (sic), ainsi que Cahn, Cahen, Kahn et Elikann. Ces quatre derniers sont les descendants d'Aaron, frère de Moïse et premier grand prêtre des Hébreux; ils n'ont pas le droit de pénétrer au cimetière de leur vivant car ils ne doivent pas entrer en contact avec la mort. Par contre ils ont le privilège de bénir le peuple de leur triple bénédiction, le visage caché par le châle de prière et les bras tendus.
La dernière inhumation à Schirmeck remonte à 1979.
Les funérailles chez les israélites
Tombe caractéristique de la partie israélite du cimetière de Schirmeck. Les époux Samuel et Ernestine Lang sont enterrés côte à côte; chacun a sa propre stèle : on ne superposait pas les cercueils. La tombe est orientée est-ouest, alors que dans la partie chrétienne du cimetière, à l'arrière plan, elles sont presque toutes orientées selon la pente du terrain, sans règle stricte. Les épitaphes sont rédigées en hébreu et en français. L'usage de cette dernière langue, à une époque où Schirmeck faisait partie, juridiquement du moins, de l'Allemagne, est révélatrice à la fois de la bienveillance des autorités politiques et du sentiment francophile des juifs de la région. Les deux premiers caractères hébraïques, au sommet de la stèle, se lisent de droite à gauche et signifient «ici repose» ou « ci-gît » - © C. Jérôme, 2001. |
Pour clore cette étude sans prétention, il nous a semblé être à la fois utile et intéressant de signaler les cérémonies accomplies par les israélites à l'occasion du décès d'un des leurs, car elles sont peu connues de la plupart de nos lecteur (3).
La mort ne fait pas scandale, car elle est l'œuvre de la volonté divine. Quand il semble que toute vie s'est éteinte, un membre de la famille place une plume légère sur les lèvres du moribond pour constater s'il reste encore la trace d'un souffle.
Puis l'on ferme les yeux de celui qui vient de quitter ce monde, on dépose son corps sur le sol, en plaçant un morceau de bois sous sa tête. On le lave sans le dénuder, puis on le revêt d'habits de lin blanc - une longue robe à larges manches, dépourvue de tout ornement - en prenant bien soin de ne pas faire de noeuds. On laisse sur lui tous les objets, même précieux, qu'il portait sur lui. On retourne les miroirs ou on les recouvre, on renverse les chaises et on allume une bougie.
Pour symboliser la séparation, l'on procède à une mince déchirure dans la veste des endeuillés de haut en bas, sur le côté gauche pour les parents, sur la droite pour les autres membres de la famille.
L'enterrement a lieu en principe le jour même, dans le plus grand silence : on ne se salue pas, on ne se parle pas. Le cercueil est constitué de quelques planches de bois brut.
Les participants n'y sont jamais "endimanchés". L'on s'arrête trois fois sur le trajet.
Pour combler la tombe, chacun y jette trois pelletées de terre, en plantant ensuite la pelle dans le sol, sans la passer au suivant. En quittant le cimetière, les assistants se lavent symboliquement les mains et arrachent quelques brins d'herbe munis d'un peu de terre qu'ils lancent derrière eux par-dessus l'épaule.
Plus tard, à l'occasion d'un passage sur les lieux, les juifs déposent sur les tombes de leurs proches ou de leurs amis un petit caillou, afin de laisser un signe visible de leur visite et d'honorer le défunt.
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