L'Ecole privée israélite de Sierentz (suite et fin)
Méthode d'écriture et de lecture hébreu-allemande
Mais ses recherches ne se limitent pas au domaine agricole. Il rédige
en effet, une méthode d'écriture et de lecture, qui, faute de
souscriptions suffisantes pour couvrir une partie des frais d'impression, ne
fut pas éditée. Voici toutefois in extenso le tract destiné
à trouver d'éventuels acquéreurs :
Pour paraître dès que les souscriptions auront couvert
une partie des frais d'impression
NOUVELLE MÉTHODE
D'ECRITURE ET DE LECTURE
HEBREU-ALLEMANDE
PROMPTE ET FACILE
Contenant une suite de maximes, de lettres familères,
de noms propres, de mots hébreux les plus usuels, avec un
tableau de comparaison des diverses sortes de caractères
hébraïques
A l'usage des
ECOLES PRIMAIRES ISRAÉLITES DE FRANCE
Par
JACQUES WEILL
instituteur
Lauréat agricole, Médaille de bronze, le 8 Octobre
1866, Auteur des Leçons protectrices des animaux domestiques,
à Sierentz (Haut-Rhin).
PRIX : 4 fr. 25 c.
On souscrit chez l'auteur à Sierentz (Haut-Rhin).
M
S'il est vrai, comme quelques-uns disent,
que l'écriture est une imitation, il n'en est pas de même
quand il s'agit de l'enseigner aux enfants d'une école
: Là, Instituteurs et institutrices comprennent parfaitement
qu'il faut commencer par un début facile à la portée
de la jeune main qui a besoin d'exercices nombreux pour arriver
à tracer la première lettre de l'alphabet. L'enfant,
une fois initié au tracé de la lettre par laquelle
il a commencé, va sans peine à la seconde, qui n'est
pour ainsi dire, de la première, que la reproductlon avec
une légère addition de trait ou de rondeur. De la
seconde il va à la troisième par le même procédé,
et l'enfant apprend ainsi à écrire, en peu de temps,
tout l'alpbabet. On procède ensuite au tracé des
assemblages, (des voyelles) des diphthongues, des mots et enfin
à celui des phrases.
Voici la marche généralement
adoptée pour l'enseigne-ment de l'écriture tranpalse
et allemande, Mais en est-iI de même peur l'écriture
hébraïque ? - A-t-on une méthode pour l'enseigner?
- Et si l'on en possède une, est-elle graduée, est-elle
facile, simple, à la portée du jeune âge ?
Toutes les personnes auxquelles J'ai l'honneur
de m'a-dresser peuvent me répondre qu'il n'existe aucune
méthode pour enseigner dans nos écoles l'écriture
hébraïque, à laquelle l'Alsace et la Lorraine
attachent encore un si haut prix que presque toutes les lettres
familières y sont écrites en hébreu.
Mais malheureusement cette écriture
est tombée en désuétude, et nous avons peine
à trouver dans nos écoles ce soin et cette attention,
qu'on devrait donner à ce genre d'exercice : pourquoi cela
? - La raison en est fort simple ; parce que le programme est
trop restreint et les instituteurs ne peuvent pas devier de l'ordre,
du règlement qui est devenu uniforme aux écoles,
de sorte qu'ils n'ont pas le temps de rectifier, de juger assez
des devoirs hébreux.
Quant à la méthode suivie
per eux, elle est aussi difficile qu'ennuyante. On fait commencer
l'entent par un aleph, ensuite on procède au beth etc,
sans se soucier de leurs formes différentes, de la difficulté
pour l'enflant à faire des rondeurs et des courbes, sans
avoir jamais fait un point. De là, ennui, langueur,
barbouillage et souvent même des larmes. Mais les plus grandes
peines sont pour l'instituteur qui voudrait voir avancer son élève.
Pour remédier à cet état
de choses aussi fâcheux en luimême, que nuisible
à nos progrès, je me suis donné la peine
de faire connaître à mes honorables collègues
et à tous les amis de l'instruction une méthode
d'écriture hébraïque prompte et facile, destinée
à la fois aux instituteurs et aux élèves. Dans cette méthode
tout est disposé graduellement, tout y va du simple au
composé, du facile au difficile. |
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"Les méthodes d'écriture doivent conduire
les enfants à écrire facilement et lisiblement."
J'ai bien réfléchi sur le principe, et je me suis
borné à indiquer la longueur et la hauteur de chaque
lettre, de sorte que l'enfant est obligé de rester entre
deux lignes jusqu'à plus tard, où on ne lui permet
qu'une seule qu'on finit également par supprimer. Mais
l'instituteur, dans ses leçons d'écriture, doit
faire observer aux élèves, d'une manière
convenable, la largeur, la pente, la distance, les proportions
entre la tête, la queue et le corps des lignes, Ia distance
entre les mots et les lignes.
Je n'ai pas choisi la petite écriture
pour commencement, parce qu'il convient mieux de débuter
par une grande, afin que l'oeil et la main aient des exercices,
et que les enfants puissent mieux se faire une Idée de
Ia forme des lettres
"Toute écriture qui admet
des hauteurs, des traits inutiles, qui multiplie les rondeurs,
ne répondra pas parfaitement au but". Aussi ai-je
rendu les lettres très simples dans leur forme, sans y
avoir ajouté de ces traits bizarres qui n'ont aucun rapport
avec l'utilité d'une écriture, et qui ne servent
le plus souvent qu'à barbouiller le papier et à
faire perdre le temps aux élèves.
Aucun ne contestera que tous ont besoin,
non seulement de savoir tracer des Iettres et des mots, mais encore
de savoir écrire les mots au moyen desquels ils rendent
leurs idées, et encore de savoir exprimer convenablement,
lisiblement et correctement ces idées.
J'ai donc cru pouvoir atteindre mon but,
en indiquant :
1. Le tracé régulier et
facile des lettres et des mots, accompagné de l'explication
française.
2. L'acquisitien de l'orthographe des
mots et des phrases dont l'emploi est reconnu nécessaire
aux enfants.
3. La rédaction simple mais corrrete
des idées que peut avoir un enfant de sept, dix ou douze
ans, et de plus l'appicatlion de l'écriture aux lettres
familières que l'on peut avoir à écrire,
quelles que soient les occupations auxquelles on se livre après
avoir quitté l'école.
Autrefois le vieux maître d'école
écrivait une ligne qui présentait un sens quelconque
et souvent incomplet , en tête de chaque page. Les enfants
copiaient cette ligne à satiété et sans y
rien comprendre le plus souvent. Ces défectuosités
doivent disparaître aujourd'hui, c'est pour cela que j'ai
fait mon possible pour offrir à ma méthode les conditions
suivantes.
1. Principes simples, peu nombreux, faciles
à comprendre.
2. Exercices proportionnés aux
petits doigts des enfants et les préparant à ce
qui est rigoureusement néessaire pour tracer l'éciture
ordinaire. C' est-d-dire sans ornements.
3. Modèles bien gradués,
présentent des mpts usuels, des phrases simples, exprimant
des notions utiles ou des idées qu'il importe de graver
dans l'esprit des enfants.
L'écriture et la lecture doivent
marcher de front : j'ai établi pour cela après le
tracé des lettres une petite méthode de Iecture
par laquelle I'enfant puisse apprendre à lire ce qu'il
écrit. Les modèles ont été traduits
en français, afin que cet ouvrage puisse trouver accueil
dans toutes les écoles primaires israélites de France.
Telle est la méthode que je crois
pouvoir, en toute conscience, recommander à mes collègues.
Nous avons, nous autres, à remplir une tâche difficile
entre toutes : nous avons une languie de plus à enseigner
et par conséquent une écriture de plus à
perfectionner. Cette circonstance nous met dans une position exceptionnelle
el il nous faut des livres spéciaux !... Les ouvrages de
ce genre manquent complètement, et on n'a gardé
les types de cette écriture que par le passage de main
en main, comme la loi orale qui passait de bouche en bouche.
Faciliter à nos enfants l'étude
de cette ecriture, et alléger le fardeau des maîtres,
voilà mon unique ambition, je dirai plus, voilà
ce que je considère comme un devoir, non pas seulement
pour moi, mais pour tous ceux que le Seigneur a placés
dans le noble champ de l'instruction.
Sierentz (Haut-Rhin), le 25 janvier 1867.
יום ו יט שבט תרכו לפק
L'auteur : J. Weill
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Jacques Weill n'a pas pu récolter le nombre de souscriptions
nécessaires à la publication de cet ouvrage.
De déception en déception
Quelle n'est pas sa surprise, quand, en janvier 1867, il lit dans le bulletin
académique que le député au corps législatif JOSSEAU
recommande à son Excellence le ministre de l'instruction publique une
méthode toute nouvelle, suivie par l'instituteur de Sourdun (Seine et
Marne), pour éveiller le goût de l'agriculture aux élèves
de son école.
Or cette méthode Weill la pratique depuis trois ans dans sa classe du
jour et dans ses cours du soir, et il revendique pour son département,
le Haut-Rhin, l'honneur d'avoir introduit cette nouvelle manière d'étudier
cette discipline.
Il est vrai , qu'en plus des traditionnelles leçons orales et écrites, il enseigne
à ses élèves la comptabilité agricole : comment rédiger un livre-journal, un
inventaire...
I1 précise en outre :
"Ce qui importe le plus à la jeune génération,
ce sont les promenades que je fais en été et pendant les jours de congé. Je
conduis les élèves dans un champ où je puis leur expliquer tout d'après nature,
le lendemain ils sont obligés de m'apporter, sous forme de rédaction tout ce
qu'ils ont vu et entendu, en y ajoutant surtout leurs propres idées et leurs
réflexions".
Malgré ses démarches, la paternité de cette méthode
ne lui sera pas reconnue.
Dans un précédent article (annuaire 1985), l'instituteur
juif BLUM nous décrivait les raisons de la précarité du maître d'une école
privée juive. D'où le désir de tous ses homologues d'enseigner dans une école
publique juive. Seulement il n'en existe dans le département qu'un nombre très
réduit, et toutes situées dans l'arrondissement de Colmar. Aussi peut-on imaginer
le "profond chagrin" de Weill, quand il n'obtient pas la place convoitée
à Grussenheim en
mars 1869, suite à une décision du Consistoire.
Mais sa déception la plus grande aura sans conteste été
causée par l'attribution des prix pour les cours d'adultes. En août
1866, son confrère SCHMITT, instituteur catholique à Sierentz,
obtient un premier prix de circonscription, alors que lui, Weill, non seulement
ne figure pas au palmarès, mais n'est même pas invité à
la réception de remise des distinctions.
Il s'en plaint à son inspecteur :
"Ma classe d'adultes est fréquentée
par 56 élèves, tant catholiques qu'israélites, de 15 à
40 ans et souvent il s'y mêle des hommes mariés dont je ne rends
aucun compte. Je paie moi-même de ma propre bourse les fournitures, l'éclairage
et j'ai dépensé 30 frs pour le bois, 35 frs pour le papier, encre,
plumes, crayons, bougies, etc...
J'ai donné chaque soir 2 heures d'instruction, chaque fois de 7 h à
9 h, cela fait un total de 240 heures employées au bien de la commune.
Plusieurs d'entre mes collègues, qui n'ont aucune classe d'adultes ont
reçu une lettre d'invitation et mon collègue Schmitt a obtenu
un prix, lui qui ne dépense rien pour la classe du soir, qui assure à
peine 3 heures par semaine et qui n'a que peu d'élèves, tandis
que moi je me donne tant de peine et fais tant de sacrifices".
En réalité, une enquête avait révélé que Weill avait tendance à "gonfler"
ses chiffres et qu'à ses cours n'assistaient sûrement pas plus de 20 élèves.
Il quittera Sierentz pour un poste d'instituteur communal à Durmenach en 1869.
Il faut préciser que, dans la commune, il jouissait de l'estime unanime de la
population, aussi bien israélite que catholique. II s'est consacré corps et
âme à sa tâche et nous terminerons sur cette formule, tirée d'une de ses lettres
:
"chaque instituteur devrait
travailler pour le bien de sa commune sans en recevoir, mais mu par le désir
de se rendre utile à sa patrie et de faire des jeunes gens sinon instruits,
mais de moins sachant lire, écrire et calculer".
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Liste des livres de la Bibliothèque scolaire
de l'école libre israélite
Titres des livres :
- La Grande Ursule par Mme la Vve de Saint-P**
- Soirées amusantes et instructives par Mme De ***
- Norbert ou le Danger des mauvaises plaisanteries par Ory
- Lectures pratiques par Heintz et Roth instituteurs
- La Ferme ou Notions d'Agriculture ... par Dunand
- Isaïe
ou le travail par S. Lévy rabbin à Lunéville
- Histoire de France racontée aux enfants par... |
Plaidoyer en faveur d'une école théologique
Une lettre des notables israélites de la circonscription de Wintzenheim, adressée
au ministre des cultes, comte de l'Empire, datée du 30 juillet 1812 nous apprend
qu'ils estiment que l'école théologique destinée à former des rabbins, devrait
être placée à Sierentz, où il existe un bâtiment dépendant de la synagogue, propre
à cet usage.
Le Consistoire israélite propose au contraire de placer cette école à Wintzenheim
dans l'intention de confier l'instruction au nommé Moïse BLOCH, ancien Rabbin
de la commune.
Pour les notables, le principal motif de créer une école théologique, ainsi
que de bonnes écoles primaires, est de
"retirer les israélites de l'ignorance
crasse dans laquelle ils croupissent, ainsi que de leur attachement à certaines
traditions talmudiques peu connues des juifs établis dans l'intérieur de la
France".
Ce but ne peut être atteint si l'on confie l'enseignement uniquement aux rabbins
du pays. Outre qu'aucun d'eux ne connaît la langue française, ils borneront toute
leur instruction à enseigner la langue hébraïque et les gloses du Pentateuque
; les autres parties de l'enseignement, usités dans les écoles des cultes catholique
et protestant seraient bannies de ces établissements.
D'où la proposition d'installer à Sierentz une école théologique israélite
et d'y placer un rabbin possédant bien la langue française avec un traitement
annuel de 1 200 frs, qui sera compris au budget de la circonscription.
Ce rabbin serait choisi par le ministre parmi les rabbins de "l'intérieur
de la France". Il aurait la surveillance sur les écoles primaires attachées
aux diverses synagogues du département et il serait chargé de rendre un compte
exact de leur situation à l'université impériale, d'où il doit dépendre quant
au mode de l'enseignement.