L'étude du cadastre nous indique que la plupart n'ont d'autres biens
qu'une modeste maison d'habitation avec une petite cour, parfois avec un petit
jardin et éventuellement des écuries.
Aucun ne possède de terres, ni pour la culture, ni, comme quelques années
plus tard, pour la revente.
Sur la liste électorale, qui ne concerne donc que la population masculine majeure, nous relevons 64 électeurs juifs dont 18 DREYFUS, 17 ULMANN, 9 REIN, 7 LANG, 4 ULMO, 4 WOOG, 3 SCHRAMECK...
Les autres - les bouchers Matthias DREYFUS et Marc ULMANN, le boulanger Abraham DREYFUS, dont le pain se reconnaissait au chiffre 4, qu'il était tenu d'y aposer, l'instituteur Auguste DREYFUS, le cabaretier Isaac SCHRAMECK, le chantre Emmanuel DREYFUS - assuraient à la communauté une certaine indépendance et liberté d'action.
On constate tout de même, au cours de cette première moitié
du siècle, une certaine évolution. A côté d'une majorité
de colporteurs, qui continuent à battre la campagne avec leur mercerie,
bougies, savon et autres colifichets, un certain nombre se spécialisent
dans la vente : - des tissus : Isaac DREYFUS, Samuel - de la farine : Xavier
DREYFUS - du cuir : Raphaël LANG - des grains : Louis DREYFUS - des planches
: Salomon REIN - du fromage : Nathan BLOCH - du fer : Isaac REIN - du vin :
Isaac LANG.
Même dans le commerce des animaux, des spécialisations apparaîssent
comme la famille PICKART (ovins), Bernard GINTZBURGER (chevaux)
On relève aussi l'apparition de métiers qui restent certes exceptionnels comme : - cordonnier : Sébastien DREYFUS - tailleur d'habits : Elie BING et même sculpteur : Martin ULMANN.
Autre réussite qui mérite d'être signalée, celle de Baruch WAHL qui le 25 juin 1841, obtient le brevet de Maître de Poste du relais de Sierentz pour la route Strasbourg-Basle.
Le premier juif qui figure parmi les contribuables les plus imposés de la commune, invités par le conseil municipal lors des votes du budget ou de grands projets, est Raphaël LANG en 1839.
En 1859, ce sont Baruch WAHL, le maître de poste de relais, Salomon DREYFUS, marchand de bétail et Louis DREYFUS, blatier (marchand de blé), qui font partie de ces privilégiés.
Au niveau des patronymes, on constate la venue, outre les grandes familles déjà citées comme les SCHRAMECK, qui s'installent pour de longues périodes à Sierentz, des séjours éphémères de SEE, ADLER, SPIRA, BERNHEIM, GUTH, JACOB ... tandis que les AARON abandonnent leur nom pour celui de REIN.
Le mariage constitue une étape très importante dans la vie d'un Juif . L'autorisation du seigneur n'est plus nécessaire comme avant l'émancipation mais l'époque n'est pas lointaine, où d'aucuns, comme le clergé de Colmar, préconisaient "que pour arrêter leur étonnante pullulation, il ne puisse plus être contracté mariage qu'au fils aîné de chaque famille juive".
En consultant, nos registres de mariages du 19e siècle, on chercherait
en vain une union entre juif et chrétien mais, dès le 5 décembre
1809, Madeleine BLOCH et Abraham ULMO avaient comme témoins des non juifs
: le cordonnier Joseph SINNIGER (40 ans) et Paul WESPISER, menuisier (23 ans).
Ce phénomène, interdit encore quelques années auparavant,
se retrouve l'une ou l'autre fois, mais demeure très marginal.
21 juillet 1869 : Après le mariage civil, présidé par
le maire Bernard BIENTZ en présence des témoins David Hirsch MAYER,
Léopold BOLLACK, Abraham SCHRAMECK et Pierre LANG, tous bons amis des
nouveaux mariés, Moïse BOLLACK et Claire PICARD se rendent à
la synagogue. La cérémonie nuptiale est célébrée
par le rabbin KIRSCH, devant une vingtaine de Juifs adultes, ce qui dépasse
le minimum d'usage d'un "minyân" (quorum de dix hommes).
Le couple et le rabbin se tiennent sous la "(houpa", le dais
reposant sur quatre supports décorés. Après les lectures
et l'énumération des devoirs conjugaux, Moïse passe l'anneau
de mariage à l'index de la main droite de Claire en prononçant
la formule consacrée : "Vois, tu deviens mon épouse par cet
anneau, selon la loi de Moïse et d'Israël".
Les chants de bénédiction achevés, le marié brise
un verre contre la "pierre de mariage", pierre située à
hauteur d'homme à l'extérieur de la synagogue et ornée
d'une étoile de David. Ce geste symbolique rappelle à chacun combien
sont voisines, dans toute vie humaine, les joies et les peines.
La vitalité de la communauté juive de Sierentz se lit dans le
nombre de mariages contractés :
1821 - 1830 : | 29 mariages | Cliquez ici pour voir l'inventaire des mariages juifs entre un membre de la communauté de Sierentz et un conjoint originaire d'une autre communauté |
1831 - 1840 : | 34 mariages | |
1841 - 1850 : | 23 mariages | |
1851 - 1860 : | 20 mariages | |
1861 - 1870 : | 20 mariages |
Si le choix du lieu de mariage se portait aussi souvent sur Sierentz, que ce soit le fiancé ou sa promise qui y habite, provient certainement du fait que les relations avec le reste de la population y étaient moins tendues que dans d'autres villages.
Le
tableau nous montre qu'on cherchait sa fiancé ou son futur, non seulement
dans les principales communautés du département, mais aussi en
Suisse, dans le Grand Duché de Bade et jusqu'en Bavière.
Il est vrai que nos Juifs continuent en cette première moitié
du 19e siècle de parler habituellement le judéo-alsacien,
une branche à part du yiddish et tendent par là à appartenir
à cette vaste entité qui s'étend du nord de la Suisse à
la Hollande : le Judaïsme rhénan.
Ce n'est que vers le milieu du siècle que leurs regards se tournent vers la Haute-Saône et la Côte-d'Or, d'où résultent des mariages comme : Lazare DREYFUSS et Caroline LEVY (Vauvillers) - Salomon PICARD et Sarah BONEFF (Foussemagne) - Fanny ULMO et Jules BLOCH (Dijon).
Fin juillet 1849 : Dans la chambre de Jacobé REIN, née Dreyfus,
qui attend un heureux événement, sont accrochés des morceaux
de parchemin, couverts de textes. Ces amulettes sont destinées à
préserver la future maman et le nourrisson des maladies et dangers de
toutes sortes.
Le 3 Août, huitième jour après sa naissance, Lehmann REIN
est emmené à la synagogue, où le "mohel"
procédera à la circoncision, à l'aide d'un couteau tranchant
uniquement réservé à cette opération. Dix hommes
juifs assistent à la cérémonie. La mère et les autres
femmes se tiennent dehors. Le parrain, tenant le petit Lehmann sur ses genoux
prend place sur la "banquette d'Elie", siège à deux
places, dont l'une est réservée au prophète, car l'enfant
doit grandir sous sa protection, dans l'attente du Messie. Ce n'est qu'à
l'issue de la cérémonie, "qu'on prononcera pour la première"
fois le nom hébraïque du petit garçon.
Trois ans plus tard, le petit Lehmann accompagnera pour le première
fois son père Abraham REIN à la synagogue. Il apportera avec lui
"sa"
toile, sur laquelle il était couché lors de sa circoncision
et dont les femmes de sa famille ont confectionné une "Mappah",
banderole de plus de 2 m de long, qui enveloppera un jour le rouleau de la Torah,
que le jeune garçon lira lors de sa "BarMitsvah".
Par cette cérémonie, qui tombe le Shabath après le 13ème
anniversaire de sa naissance, Lethmann REIN prendra rang parmi les adultes.
La petite Claire SCHRAMECK est présentée le lendemain de sa naissance, le 22 juin 1856, par son père Isaac, cabaretier, au maire Jean-Pierre MATTER, en présence des témoins Jean HABY et Pierre HIERUNDIER, appariteurs, pour l'inscription au registre d'état-civil. Elle recevra son prénom hébraïque le jour du Shabath. Son père sera appelé à la Torah et fera bénir sa fille en faisant un don aux oeuvres de bienfaisance.
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