La communauté israélite de Sarreguemines
entre 1900 et 1939
souvenirs de M. René BLOCH (1891-1987)

M. Bloch était confiseur, spécialisé en dragées, "Dragées Bloch". Il tenait boutique au 10 de la rue de la Chapelle.
Ce témoignage a été recueilli en son temps par son fils, Claude BLOCH, actuel président de la communauté israélite de Sarreguemines.

 

L' ancienne synagogue de Sarreguemines
coll. © J. Cahn
Avant la seconde guerre mondiale, notre synagogue se trouvait rue de la Chapelle. C'était un bel édifice en grès des Vosges, datant de 1862 et construit en style "romano-byzantin" sur les plans de l'architecte Desgranges. Sur son côté droit, elle était dotée d'un pavillon qui servait de salle de prières pour les jours de semaine. Sur le flanc gauche, une construction à l'identique était consacrée aux réunions du comité
d'administration ; pour une partie, cette salle était à la disposition du rabbin, le Dr Dreyfus, qui l'utilisait comme vestiaire. C'était là qu'il revêtait sa soutane et son chapeau de rabbin pour le Shabath et les jours de fête.

A l'entrée de la synagogue, de part et d'autre de la porte, se trouvait un banc réservé aux non-juifs qui venaient assister à l'office du vendredi soir. Le 'hazan Albert Kahn, faisait résonner sa belle voix ; il était accompagné dans son chant par un orgue que tenait le directeur de l'école protestante. Celui-ci venait, accompagné d'un de ses élèves qui était chargé de pomper l'air nécessaire au fonctionnement de l'instrument. Sur l' "almemer" avaient pris place le rabbin, le'hazan et un délégué du comité. Le rabbin veillait à la bonne observation des rites, les "schmouss" et conversations particulières n'étaient pas tolérés !
Lors des "yontef ", des jours de fête, le hazan était accompagné par des choristes comme par exemple : M. Henri Moyse (ténor), employé chez Tissus Cahen, place du Marché ( "Hambacher Boutik" ! Les Cahen étaient originaires de Hambach), M. Max Coblentz, banquier de son état ou encore M. Albert Neher (baryton), commerçant en machines à tricoter et père du
professeur André Neher.

Plus tard, M. Albert Kahn forma une petite chorale de garçons, âgés de plus de 10 ans. Pour récompense de leur participation aux offices, les enfants avaient reçu des "ma'hzorim", livres de prières pour les fêtes, offerts par la communauté. La chorale prit une grande ampleur par la suite avec la participation de jeunes gens et de jeunes filles jusqu'à atteindre un effectif d'une trentaine de personnes. Les répétitions étaient menées par un musicien chef de choeur non-juif, sous la direction du 'hazan Albert
Kahn. La plupart des membres de la kehila, de la communauté, étaient membres payants de la chorale, membres passifs bien sûr. Avec les recettes de ces cotisations, la chorale organisait les soirées dansantes de Simhath Torah ou de Pourim, lesquelles étaient animées par diverses attractions.

Les Shabath et les jours de fête, les dons faits au moment de la lecture de la Torah étaient annoncés en francs français bien qu'à cette époque l'Alsace-Lorraine fût soumise au Reich allemand, jusqu'en 1918. Les fidèles versaient de fait 8 marks pour 10 francs "geschnodert", annoncés.

Sur le plan professionnel, il y avait dans la communauté un médecin, un avocat, des professeurs, un banquier, un artiste-peintre (M. Harmelin), des industriels, des commerçants, des artisans et six bouchers : MM. Camille Joseph, Paul Joseph, Léon Rheims, Simon Stern, Félix Ury et Mendel Ury. En ce temps, les bouchers allaient acheter les bêtes directement à la
campagne, chez les paysans ; ils s'y rendaient avec leurs chars à banc.

Deux hèvress, confréries, "Honim Dalim", présidée par M. Ernest Bloch et "Chomrê Emounoh", présidée par M. Julien Wolff, organisaient les lernen (soirées d'étude) de "Chone Rave" ("Hoshana Raba") et de "Schefouss " (Shavouoth). Ces
réunions avaient lieu au domicile d'un des membres de la hévra et se déroulaient dans une ambiance familiale. Après la lecture des psaumes par différents membres de ladite hévra, le rabbin faisait un exposé sur des thèmes bibliques et parfois sur des thèmes plus en prise sur l'actualité. Ensuite, le trésorier rendait compte de la situation financière avant que le président n'annonçât la distribution des subventions aux pauvres de la communauté : quelques sacs de pommes de terre, quelques quintaux de charbon.

Ainsi s'écoulait la vie de cette communauté dans la paix et la sérénité.
Du 17 au 19 septembre 1940, la synagogue fut détruite par les hordes nazies et leurs complices locaux.


Monument aux morts de la communauté juive de Sarreguemines.
La  plaque se  trouve devant  le  monument - © Bernard Michel



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