"Dans tes portes Jérusalem" :
André Neher s'entretient avec Francine Kaufmann
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Les Neher s'installent à Strasbourg en 1927. André, inspiré par son père, s'oriente vers des études d'allemand et vers la musique. Reçu premier à un CAPES, il enseigne l'allemand dès l'âge de 22 ans au collège de Sarrebourg, à de jeunes Alsaciens, tous nés après 1918 et donc, citoyens français des la naissance. Parallèlement, il fait des études hébraïques beaucoup moins linguistiques que bibliques et talmudiques dans le cadre de la synagogue orthodoxe de Strasbourg et à la yéchiva de Montreux.
Mais les menaces de guerre se précisent en Europe. En
septembre 1939, il
est mobilisé. Réformé, il rejoint sa famille repliée sur la région de Mulhouse
qu'ils quittent en juin 1940 pour le Sud-Est de la France.
d'abord à Brive-la-Gaillarde, où il est nommé
professeur d'allemand au collège, ensuite à Lanteuil en
Corrèze.
L'irréparable survient alors : l'écrasement de la
République française et la création d'un Etat français
dirigé par le Maréchal Pétain. Dès le 20 décembre 1940, le
statut des juifs
chasse André Neher de l'enseignement où il s'était investi
corps et âme. La
quasi totalité de ses collègues français assistent à sa
destitution dans la plus
parfaite indifférence. Voilà l'homme, dans son exil, à
Lanteuil, confronté à
lui-même et à sa vraie condition de juif persécuté, comme
le sont tous ses
coreligionaires pourchassés dans les pays contrôlés par
l'Allemagne
hitlérienne.
L'Alsacien, le Français, le professeur
d'allemand, est rendu
par l'adversité à sa vraie nature d'Hébreu et à sa
véritable condition de Juif.
L'écrivain André Neher vient de naître : on peut dater sa
mutation de la conférence qu'il donne à Lyon, en 1946,
sur le thème Transcendance et Immanence où il répond
magistralement aux questions que se posaient les survivants
de la Shoah. Un an plus tard, en 1947, il s'unit à Renée
Bernheim, la compagne et la collaboratrice de sa vie.
Rendu à ses études, André Neher abandonne un travail
consacré à la littérature allemande et se tourne vers ses
racines bibliques. Sa conversion produira, en 1950, le
livre intitulé Amos, contribution à l'étude du
prophétisme.
Deux iront-ils ensemble sans s'être concertés ?Les survivants de la Shoah sont eux aussi ensanglantés dans le piège de l'exil, Ils espèrent le miracle qui les rendra à la vie. De ses déchirements naîtront les oeuvres bibliques de Neher : L'essence du prophétisme (1955), Moïse et la vocation juive (1956), Jérémie, publié en 1960 et récemment réédité en 1998. L'histoire biblique du peuple d'Israël est écrit en 1962, en collaboration avec Renée Neher.
Le lion rugit-il dans la forêt sans avoir de proie ?
L'oiseau tombe-t-il dans une trappe sur terre sans qu'il y ait de piège ? (Amos 3:3-4).
La venue à l'Université de Strasbourg de Joseph Agnon, qui venait de recevoir à Stockholm le prix Nobel, avait contribué à concrétiser la présence d'Israël auprès d'André et de Renée Neher. Depuis l948, le couple était conscient de ce que la résurrection d'Israël, de son peuple, de son Etat, de sa langue et de sa culture, était l'événement d'essence messianique attendu par l'histoire.
En 1967, la Guerre des Six Jours poussa les auteurs de l'Histoire biblique
du peuple d'Israël, de plusieurs autres livres sur le
Maharal de Prague et
d'un chef d'oeuvre, Le puits de l'Exil, à s'arracher à
leurs attaches
françaises, pour devenir des habitants de Jérusalem. Cette alyah fut
ressentie en France et en Israël, comme un symbole, Les
juifs de France,
depuis l'époque de Théodore Herzl, étaient le plus souvent indifférents, sinon
hostiles, au sionisme. Mais les positions prises par le
général De Gaulle aux
lendemains de la guerre des Six jours, les affectèrent
douloureusement, et plus particulièrement sans doute.
André et Renée Neher.
Leur réponse tint en un mot : la Alyah !
Leur présence au
sein de leur peuple,
dans la lumière de Jérusalem, marquait leur oeuvre au
sceau de leur
authenticité en Israël.