Vendredi 9 août 2019 : Sur les traces de la communauté juive de Bruyères (Vosges)
Avec l’Office du tourisme de Bruyères Vallon des Vosges, Gilles Grivel, agrégé et docteur en histoire, président de l’association Daniel Osiris, propose le vendredi 9 août de 15 à 17 heures une visite guidée sur les traces de la communauté juive de Bruyères. Cette visite permettra de voir en particulier l’ancienne synagogue de la ville et le cimetière juif. Rendez-vous à 15 heures à l’office du tourisme, 50 Avenue du Cameroun, 88600 Bruyères, Tél. : 03.29.50.51.33, www.tourisme-bruyeres.com. Tarif : 3 euros. |
Bruyères est une petite ville vosgienne de 3500 habitants située entre Epinal et Saint-Dié, à mi-chemin des deux villes. Au début du 20ème siècle, elle comptait une communauté juive d'une
centaine de membres, qui a pu, grâce à la générosité
d'un banquier parisien, Daniel Osiris (1825-1908), édifier une synagogue
inaugurée en septembre 1903. Cette synagogue possède une belle
et originale façade de grès rose inspirée de l'architecture
industrielle. Elle a servi de culte jusqu'en 1939. Durant la Seconde Guerre
mondiale, elle a été utilisée par l'Armée allemande
comme dépôt. A la Libération, seules quelques familles juives
sont revenues vivre à Bruyères. Trop peu nombreuses pour organiser
des offices, elles ont dû se résigner à la vendre.
La synagogue est devenue un atelier et s'est beaucoup dégradée.
Elle a été redécouverte dans le cadre de ses travaux sur
les synagogues françaises du 19ème par M. Dominique Jarrassé,
qui a fait prendre conscience aux Bruyérois de sa valeur. En 1990, la
municipalité l'a acquise et une association, l'association Daniel Osiris,
s'est créée pour aider à sa réhabilitation. Grâce
à la générosité d'un collectionneur bruyérois,
Henri Mathieu (1913-1994), la synagogue est devenue en 1993 un musée
qui organise chaque année depuis 1998 une remarquable exposition d'arts
et traditions populaires.
Le musée Henri Mathieu, un musée d'arts et traditions populaires, situé dans l'ancienne synagogue de Bruyères (Vosges), est ouvert |
Le don d'un généreux mécène
L'histoire de cette synagogue est étroitement liée à l'histoire de la communauté juive locale. Comme dans le reste du département des Vosges, les premiers israélites s'installèrent à Bruyères en 1791 après leur émancipation. Celle-ci leur permit de résider dans une région qui leur était jusqu'alors interdite. Ces israélites venaient d'Alsace ou du nord de la Lorraine. De la fin du 18ème aux années 1860, ils furent moins d'une vingtaine dans la ville. La situation changea au lendemain de la guerre de 1870 avec l'arrivée d'Alsaciens qui refusaient de devenir allemands. Le nombre des israélites à Bruyères approcha la centaine. Une communauté se mit en place. Elle organisa des offices dans une salle qu'elle loua et acheta un terrain pour y établir un cimetière.
En 1891, elle acquit une maison pour servir de résidence à son ministre-officiant et une grange qu'elle voulait transformer en synagogue. Elle fit pour cela établir un plan par un architecte d'Épinal. Le devis de ce projet se monta à 10 000 francs, une somme beaucoup trop élevée pour les ressources de la petite communauté, qui semblait ne jamais pouvoir posséder de synagogue. Mais grâce à l'intervention du grand rabbin d'Épinal, Moïse Schuhl, son sort émut Daniel Osiris Iffla (1825-1908), un personnage haut en couleur.
Une synagogue originale
Lorsqu'il décida de financer la construction de la synagogue de Bruyères, Osiris ne reprit pas le plan élaboré par l'architecte vosgien. Il fit établir un nouveau plan par l'architecte du consistoire de Paris, Lucien Hesse, et offrit les 15 000 francs nécessaires à sa réalisation. L'édifice fut inauguré le 17 septembre 1903, un peu avant les fêtes d'automne.
Il est original dans son dessin. Il présente une belle façade de grès rose, dont l'étroitesse est compensée par un système de baies très ouvertes et ornées de vitraux. Une grande arcade englobe les deux niveaux du portail et de la baie, dont les meneaux dessinent de petits arcs et une étoile de David. Deux colonnes massives occupent l'ébrasement de la porte et évoquent les deux colonnes qui ornaient le Temple de Jérusalem. Lucien Hesse s'est inspiré de l'architecture industrielle et s'est dégagé des plans traditionnels des synagogues de l'époque calqués sur ceux des églises. Cela est tout à fait exceptionnel. C'est le seul exemple de ce type en France avec la synagogue de la rue Pavée, dans le quartier du Marais, à Paris, dont l'architecte est Hector Guimard.
De l'abandon à la restauration
La synagogue bruyéroise a servi de lieu de culte jusqu'à l'invasion allemande de 1940. Profanée, elle est devenue un dépôt de l'armée occupante. La communauté israélite de la ville a été dispersée et décimée par les persécutions (une dizaine de fidèles sont morts en déportation). A la Libération, les quelques rares familles qui sont revenues n'étaient plus assez nombreuses pour organiser des offices et elles ont dû se résigner à vendre leur synagogue, qui a été transformée en atelier et s'est dégradée fortement.
L'intérieur de la synagogue en 1990 |
Travaux de restauration |
Et de nouveau un mécène est intervenu en la personne d'Henri Mathieu (1913-1994), dont la générosité a permis la transformation de l'ancienne synagogue en musée. Ce directeur d'entreprise bruyérois, auquel Yad Vashem a attribué la médaille des Justes parce qu'il a caché, alors qu'il était réfugié dans le Sud-Ouest, deux enfants juifs strasbourgeois, Fanny et Jacques Tenenbaum, dont la mère venait d'être arrêtée, a en effet légué en 1993 à la ville sa collection de faïences des 18ème et 19ème siècles et l'argent nécessaire à l'aménagement de l'intérieur de l'ancien lieu de culte en musée.
Depuis le musée s'est agrandi. La remarquable collection de pots à pharmacie de l'hôpital de la ville ainsi que le meuble qui les abritait y ont été déposés. Un espace consacré à Jean Lurçat (1892-1966), l'artiste bruyérois qui a rénové l'art de la tapisserie, a été ouvert. L'aménagement de nouvelles salles permet grâce à l'aide de collectionneurs passionnés l'organisation d'une très intéressante exposition chaque été. En 1999, elle était consacrée aux divers moyens de chauffage à travers les âges. Cette année, elle traitera du linge de maison.
Un futur musée du judaïsme vosgien ?
Le musée possède dans ses collections permanentes quelques objets se rapportant à l'histoire du judaïsme vosgien, en particulier les tables de la Loi des anciennes synagogues de Charmes et de Remiremont. Il voudrait en effet présenter l'histoire du judaïsme des Vosges très vivant au 19ème. Le département comptait à la fin de ce siècle 2 000 juifs, originaires d'Alsace, et une douzaine de synagogues, alors qu'aujourd'hui il en compte moins de 500 et seulement trois synagogues : Épinal, Saint-Dié et Vittel.
La communauté juive vosgienne a donné naissance à des personnalités remarquables comme le fondateur de la sociologie, Émile Durkheim (1858-1917), fils du rabbin d'Épinal, ou le poète surréaliste Yvan Goll (1891-1950).
La collection concernant l'histoire des juifs vosgiens judaïsme est pour l'instant très modeste, c'est pourquoi le musée désirerait la compléter. Il est à la recherche d'objets permettant aux visiteurs de mieux connaître le judaïsme, en particulier de rouleaux de la Loi.
L'Association Daniel-Osiris
Pour aider la municipalité dans ses efforts en faveur de la sauvegarde de cet ancien lieu de culte, s'est constituée l'Association Daniel-Osiris, présidée par M. Gilles Grivel, un professeur d'histoire du Lycée Jean-Lurçat de Bruyères. Cette association veut faire connaître au public l'histoire de l'ancienne synagogue de Bruyères, ainsi que celle du judaïsme vosgien, par l'organisation de visites guidées, de conférences et d'expositions : ainsi en 1993, elle a organisé une exposition pour le 90ème anniversaire de la synagogue de Bruyères et en 1996 un ensemble de manifestations pour le 100ème anniversaire de la synagogue de Senones, devenue temple protestant depuis 1949. De plus, l'association Daniel-Osiris s'efforce de collecter des fonds pour l'achèvement de la restauration de la maison voisine qui a été acquise pour permettre une meilleure présentation des collections du musée. Elle a obtenu l'appui de la Fondation du judaïsme français.
Son adresse est la suivante :
Juifs des Vosges |
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