Saint-Dié-des-Vosges, sous-préfecture du département des
Vosges, située dans la haute vallée de la Meurthe, compte actuellement
près de 25 000 habitants. Des juifs y ont vécu au moyen âge
et y vivent de nouveau depuis la fin du 18ème siècle.
Les chanoines ont accepté à contrecœur cet accord qui renforce la présence ducale à Saint-Dié et s'efforcent de le remettre en cause. L'hostilité entre juifs et chrétiens à cette époque sert leur projet. Elle est à l'origine de deux incidents graves. Dans le premier d'entre eux, un juif est accusé d'avoir drogué sa jeune servante chrétienne pour lui enlever la matrice. Des chrétiens affirment que ce juif est un sorcier, qui avait besoin d'un utérus pour préparer des potions magiques. Le juif est condamné à mort. Il est mené au supplice, attaché à la queue d'un cheval. Une explication rationalisante de l'événement laisserait penser à une tentative d'avortement, qui a mal tourné. Un second incident se produit quelques années plus tard. A proximité de la fête de Pâques, des Déodatiens accusent le rabbin de la ville d'avoir corrompu un chrétien afin qu'il lui rapporte l'hostie reçue à la messe.
A la suite de cette affaire, le duc de Lorraine chasse les juifs de Saint-Dié, dont les maisons sont désormais occupées par des chrétiens. Celui qui habite la maison du rabbin doit fournir chaque année un millier d'hosties lors de l'office du Vendredi saint. Cette coutume a duré jusqu'à la Révolution de 1789. L'expulsion des juifs de Saint-Dié, qui ne peut être datée exactement, s'inscrit dans la cadre des expulsions des juifs des pays d'Europe occidentale à la fin du moyen âge : en 1290, expulsion d'Angleterre, en 1394 du royaume de France, en 1477 dans l'ensemble du duché de Lorraine et 1492 de l'Espagne. Les juifs continuent à vivre en Europe principalement dans l'Empire, qui correspond approximativement à l'actuelle Allemagne, et en Pologne.
Les deux incidents antisémites de Saint-Dié sont représentés dans les médaillons d'un vitrail qui n'ont pas disparu dans la destruction à la dynamite de la cathédrale en novembre 1944 par l'armée allemande battant en retraite.
Une vie communautaire juive se met en place. Une salle est louée pour célébrer le culte et un chantre embauché. La communauté n'aura jamais de rabbin. Elle dépend du rabbin d'Epinal. En 1860, elle achète l'oratoire, de l'impasse des Capucins, que les protestants n'utilisaient plus depuis 1856, année de l'inauguration de leur temple, dans l'actuelle rue Foch. Cet oratoire devient la synagogue de la communauté en 1863 et le reste jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Les juifs de Saint-Dié, comme les juifs des autres villes vosgiennes, connaissent tout au long du dix-neuvième siècle une remarquable ascension sociale. Au départ, ils sont marchands de bestiaux, colporteurs ou fripiers. Par la suite, leur activité dominante reste le commerce, en particulier celui des produits textiles ou des bestiaux, mais les colporteurs sont devenus rares. La plupart des commerçants juifs sont désormais établis à demeure et profitent d'une honnête aisance.
Les juifs peuvent fréquenter les institutions d'enseignement secondaire et supérieur et l'intérêt marqué par la tradition juive pour l'étude favorise leur réussite universitaire. Ils deviennent nombreux dans les milieux intellectuels. Ainsi le fils d'Abraham Lang (1851-1897), un représentant en tissus, originaire de Ribeauvillé, Isaac Lang, né à Saint-Dié en 1891, décédé en 1950, devient un poète célèbre sous le nom d'Ivan Goll.
Yvan (ou Ivan) GOLL Né à Saint-Dié-des-Vosges le 29 mars 1891, mort à Neuilly-sur-Seine le 27 février 1950, c'est un poète proche des Surréalistes. Son épouse Claire Goll, décédée en 1977, a légué à la ville de Saint-Dié-des-Vosges leurs manuscrits français, leur bibliothèque, leurs œuvres d'art et leur mobilier. L'ensemble est désormais exposé au Musée Pierre-Noël. Lire la biographie d'Yvan Goll sur le site de Wikipedia. |
Dans cette fin du dix-neuvième siècle, la population juive de Saint-Dié, comme celle des autres villes vosgiennes, commence à décliner. Elle passe de près de 300 fidèles à la fin des années 1880 à 250 environ au début du vingtième siècle. Ce déclin continue jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, où la population juive compte moins d'une centaine de personnes. Il est dû à de nombreux départs vers Nancy et Paris, généralement liés à l'ascension sociale.
Le 1er septembre 1939, la seconde guerre mondiale commence. Les autorités françaises font évacuer l'ensemble de la population des communes d'Alsace-Moselle limitrophes de l'Allemagne, dont celle de Strasbourg. Certains de ces Alsaciens-Mosellans évacués s'établissent à Saint-Dié. Parmi eux se trouvent des juifs. De ce fait la population juive de la ville grossit fortement.
En mai-juin 1940, les Allemands envahissent la France. Saint-Dié est occupé. Avant l'invasion de la ville, un certain nombre de juifs ont eu la prudence de partir. A partir de l'automne 1940, des mesures antisémites sont prises par le gouvernement de Vichy et les autorités allemandes. Les juifs sont recensés, exclus de toute fonction d'autorité et progressivement dépouillés de leurs biens. A partir de 1942, les nazis entreprennent d'exterminer les juifs. Ceux qui sont restés à Saint-Dié doivent, à partir du 29 mai 1942, porter l'étoile jaune et sont progressivement déportés. Près d'une centaine de juifs sont arrêtés à Saint-Dié entre juillet 1942 et juillet 1944. La rafle la plus importante a lieu le 13 mars 1944 et touche une cinquantaine de personnes, la dernière, le 13 juillet 1944, concerne les personnes âgées et les malades. Après cette date, Saint-Dié ne compte plus de juifs. Les juifs arrêtés à Saint-Dié ont d'abord été emprisonnés au camp d'Ecrouves, près de Toul, puis à celui de Drancy, dans la région parisienne, avant d'être pour la quasi-totalité assassinés à Auschwitz, en Pologne.
Du 13 au 18 novembre 1944, avant de quitter Saint-Dié, les Allemands incendient la plus grande partie de la sous-préfecture. La synagogue disparaît dans cet incendie, A la Libération, sur les 15 000 habitants de la ville, 10 000 n'ont plus de logements. La reconstruction de la ville est longue. Sur la centaine de juifs vivant à Saint-Dié avant la guerre, une vingtaine sont morts en déportation arrêtés, soit à Saint-Dié, soit dans les communes, où ils avaient espéré trouver refuge. Une quarantaine de juifs reviennent vivre à Saint-Dié et participent à la reconstruction de la ville. Une nouvelle synagogue est bâtie, rue de l'Evêché. Ses plans sont dessinés par Claude Meyer-Lévy, l'architecte parisien de la synagogue de la Paix à Strasbourg, qui est aussi un des architectes chargés de la reconstruction de Saint-Dié. Dans cette synagogue, inaugurée le 9 septembre 1963 par le grand rabbin de France, Jacob Kaplan, sont organisés des offices pour les grandes fêtes.
La population juive est restée assez stable depuis la seconde guerre mondiale. Elle compte environ une quarantaine de fidèles. Les départs ont été compensés par des arrivées, en particulier dans les années 1960 de quelques juifs originaires d'Afrique du Nord.
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