Hanouka : une trouée dans la nuit
par le Grand rabbin Claude Lederer


Peinture murale de la synagogue de Doura Europos (Syrie), 3ème s. a.c.n.
'Hanouka rappelle au monde juif sa confrontation avec le monde grec. Cette confrontation nous poursuit encore aujourd'hui dans la mesure où l'Occident est largement tributaire de l'univers grec de pensée. La révolution que ce dernier introduisit avec la découverte de la philosophie, n'allait pas tarder à envahir la société juive et à provoquer un choc identique à celui de l'assimilation, conséquence de ce que, de façon étonnamment parallèle, on a appelé, "l'ère des lumières". Les rabbins, parlant des Grecs et de leur culture, évoquent "l'obscurcissement du monde juif". Notre Maître Monsieur Fraenckel nous enseignait qu'il y a des obscurcissements dus à l'éblouissement, à trop de lumière.

La Menora, trace du Beit Hamikdache

La Menora que nous allumons pendant huit jours constitue l'une des traces du Beit Hamikdache, du Temple de Jérusalem. Placée dans le parvis (le Hé'hal), elle était séparée par une tenture du Saint des Saints, du Kodèche Hakodachime. Là, dans l'endroit le plus saint, se trouvait l'Arche de l'Alliance avec les Tables de la Loi, la Torah donnée à travers l'image de la lumière. Nos commentateurs font dériver le terme de "arone", l'arche. du terme "or", la lumière.

Le parvis, par contre, constitue le point de jonction entre le réel et le divin, représenté entre autres, par la Menora et ses lumières. La flamme est à la lumière ce que la mitsva est à la Torah, un support du divin.

La Torah atteinte dans sa transmission

En disant que les Grecs «ont souillé l'huile des lumières", la tradition a voulu souligner qu'en fait, ils ne sont pas parvenus jusqu'à la Torah elle-même. Ils n'ont atteint que le niveau du Hé'hal, le lieu où se fait la jonction entre l'humain et le divin, mais non la Torah elle-même. Les Grecs ont cherché à faire oublier la Torah, à atteindrele judaïsme dans sa transmission. Ils en ont interdit la pratique et la communication. La flamme grecque a voulu remplacer, et elle y a réussi partiellement, à éteindre la flamme juive. D'où l'importance pour la mémoire juive de retrouver son mode de communication. Alors que la mezouza est le témoignage permanent de la présence de la Torah que nous mettons sur les portes de nos maisons, les lumières de la Menora, 'Hanouka, constituent notre volonté d'en assumer la transmission.

Faire connaître le miracle

Nous avons pris l'habitude de mettre la Menora de 'Hanouka près de la fenêtre donnant sur la rue. En réalité, c'est à la porte de la maison, à l'extérieur. que la halakha nous demande de placer ces lumières. Nos commentateurs nous en donnent la raison suivante: "michoum pirssoumé nissa", "pour faire connaître le miracle". Pourquoi dans le domaine public, et pourquoi plus précisément près de la porte ?

Qu'est-ce qu'une porte ?

La porte a comme rôle de délimiter deux sortes d'espaces ; l'intérieur et l'extérieur.
Mais elle est également le lieu de la communication entre ces deux domaines. Elle a donc une double fonction : de partage et de passage.

Lors de la Sortie d'Egypte, les Benei Israël devaient teindre les montants des portes de leurs maisons du sang de l'agneau sacrifié. Le sang à cet endroit devait manifester aux yeux des Egyptiens la dérision de la divinité de cet animal ; aux yeux des Hébreux. elle devait les protéger de la mort des premiers-nés.

Le mur de l'intériorité

A côté du caractère publicitaire de cette mitsva, ce que nous venons de dire de la porte révèle un autre aspect. La Michna Midoth, qui donne les détails de la construction du Temple et qui décrit ses ustensiles, nous parle en particulier du «soreg", mur d'environ un mètre de haut, entourant le bâtiment. Il constituait la limite que les non-juifs ne pouvaient pas franchir.
Treize brèches, face aux treize portes du Beit Hamikdache y auraient été faites par les Grecs lors de l'occupation de la Judée...

Les "briseurs de portes"

Les Grecs ont investi le Beit Hamikdache, non seulement par les armes mais aussi par leur esprit. Ceux-ci, par le biais de la philosophie qui fut leur création, a violé l'intériorité d'Israël, sa spécificité.

Le monde grec est perçu par la tradition juive comme une culture de "briseurs de portes". Cherchant à nier toute différence, le monde hellénistique manifesta la volonté d'uniformiser le réel, d'abolir toute dimension intérieure dont le Temple était l'illustration par excellence. Faire éclater "le domaine privé", le transformer en "domaine public", telle était l'ambition de la culture grecque.

A cette volonté d'universaliser tout sur le modèle de l'hellénisme, la réponse juive s'extériorise par la mitsva de la 'Hanoukia aux seuils des maisons. Elle porte sa propre intériorité, la Torah, dont la lumière est la métaphore, dans le monde extérieur. Notre Maître, Monsieur Fraenckel, nous enseignait que 'Hanouka, c'est opérer "une trouée dans la nuit"...

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MENORA DE HANOUKA ET MENORA DU TEMPLE
par le Grand rabbin Claude Lederer


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