Le manuscrit hébreu 1333 de la Bibliothèque nationale est une Hagada enluminée de la fin du 15ème siècle, étudiée pour la première fois par Moïse Schwab en 1892 (Journal Asiatique). Mendel Metzger reproduit de nombreuses enluminures de ce manuscrit et le cite abondamment dans son étude sur la hagada enluminée. Ce manuscrit est à coup sûr ashkenaz, mais peut-on l'affirmer alsacien ? En 1631, il a appartenu à un Mardochée de Wintzenheim en Haute Alsace.
Sur le folio 40 on peut lire l'acte de vente suivant : "Cette hagada a été vendue pour... Abraham et An... les fils de feu Mardochée de Wintzenheim le 17 Heshvan 5392" (M. Michel Garel, de l'Institut de recherche et d'histoire des textes, a réussi à déchiffrer la date). Le nom du scribe nous est connu par une note qui figure à la suite du cantique Adir hu : "Paroles du copiste... Abraham fils de Moïse Landau Shalit".
Nous avons pensé que les nombreuses enluminures sauraient peut-être nous apporter quelques informations complémentaires. Les personnages sont campés avec beaucoup de naturel : aucune lourdeur dans leurs attitudes, ils semblent avoir été pris sur le vif. On peut penser que l'enlumineur a reproduit tout aussi facilement les costumes.
Ce qui frappe tout particulièrement, ce sont les coiffures. Les hommes portent des bonnets dressés verticalement sur le sommet de la tête, véritables mitres ayant bien trente-cinq centimètres de haut. Comme les domestiques eux-mêmes sont affublés de cette sorte de coiffure, nous pensons qu'il y a exagération voulue de la part de l'artiste. On portait en Alsace, à la fin du 15ème siècle un bonnet de ce type, mais comme il était exécuté en un tissu souple, il retombait dans la nuque. On peut voir, au musée de l'Œuvre Notre-Dame à Strasbourg, deux figures accroupies provenant de l'octogone de la flèche de la cathédrale. L'une représente Ulrich de Enssingen, maître d'œuvre de la cathédrale portant un tel bonnet.
L'invraisemblance des coiffures du type mitre de la hagada trouve une sorte d'écho dans le dessin des chaussures à poulaine, d'une longueur démesurée (le rasha, figure 161 de l'ouvrage de M. Metzger, ou le she-eno yodea li-shol, fig. 187). En admettant que l'auteur des enluminures se soit laissé aller à un certain maniérisme, l'origine alsacienne, ou tout au moins rhénane de la hagada n'a rien d'invraisemblable.