Le "Chemoné Esré" est la principale et une des plus anciennes de nos prières journalières ; on la répète trois fois par jour. Dans cette prière, nous demandons à Dieu de nous accorder ce que nous considérons comme le bien le plus précieux pour notre vie matérielle et morale. Cette prière s'appelle aussi "Amida" et cette seconde dénomination est plus exacte, car ce mot vient d'un verbe hébreu qui signifie "se tenir debout". C'est, en effet, en nous tenant debout que nous devons réciter cette sainte prière, tandis que "Chemoné Esré" signifie "dix-huit", parce que cette prière contenait, primitivement, dix-huit bénédictions, c'est-à-dire dix-huit fois "sois béni, l' Éternel". Mais cette prière, tout en conservant le nom de "Chemoné Esré" contient, aux jours ouvrables, depuis plus de vingt siècles, dix-neuf bénédictions et, beaucoup moins aux jours de fête. Mais que ce soit jour ouvrable ou jour férié, elle finit toujours par cette imploration en faveur de la paix "Celui qui fait régner la paix dans les régions célestes, puisse-t-il faire régner la paix parmi nous."
Or, comme nos Rabbins nous ont bien recommandé de nous placer en esprit pendant la récitation de cette prière en face de Dieu, ils ont jugé que le fait de nous arrêter court, sans aucune marque de respect, quand nous sommes arrivés à la fin de notre prière, ne témoignait pas assez de vénération pour la présence de sa majesté ineffable. Ils nous ont donc prescrit en disant la phrase finale : "Aussé cholom", etc. ("Celui qui fait régner la paix, etc.") de faire trois pas en arrière et de nous incliner respectueusement.
Eh bien, les trois pas en arrière en disant "Aussé cholom", quelle que soit leur signification sacrée et vénérable, n'ont pas laissé que d'inspirer à nos coreligionnaires d'Alsace un trait d'esprit. Ils ont fait de ces deux mots "Aussé cholom" ("Celui qui fait régner la paix, etc.") un synonyme de "aller en arrière" , faire des progrès à rebours. Et quand un questionneur demande où en est tel enfant dans ses études, tel homme dans ses affaires, s'il se trouve que les études de l'un, et les affaires de l'autre sont loin d'être satisfaisantes, on lui répond par cette expression symbolique et éloquente : "Er geht a Aussé cholaum" , "Il avance à reculons, fait des progrès à rebours".
Voir aussi ce qu'écrit le Rabbin Gottlieb sur cette expression, et notamment sur son utilisation pendant la guerre de 14-18 (N.d.l.r.).
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