Il est évident que toutes les expressions judéo-alsaciennes relatives à Pessah vont concerner le 'homets qu’il est interdit de posséder pendant les sept jours de Pâque.
Tout commence par le 'homets battle, la recherche et la destruction de tout aliment contenant des céréales fermentées.
Cette opération se situe la veille de Pessah, le ‘homets battels Tag, le jour de la recherche du ‘hamets (en hébreu : bedikath ‘hamets).
La veille de Pessah, on brûle le ‘homets qu’on a mis de côté la veille au soir dans le ‘Homets Faïer, "le feu du ‘hamets". (On notera ce mélange d’hébreu, "homets", et d’allemand "Feuer" = "feu" qui donne, avec une légère déformation de prononciation, une expression judéo-alsacienne).
Par extension, cette expression désigne tout moyen de destruction pouvant
être mis en oeuvre pour faire disparaître tout ce qui ne vaut
que d’être détruit :
"Du kennsch's in's 'Homets Faïer"
"Tu n’as qu’à le jeter dans le ‘feu du ‘hamets’".
‘HOMETS BATTLE
Après avoir recherché, ramassé et enveloppé les restes de ‘homets qu’on a pu découvrir au cours de la cérémonie, on récite une formule par laquelle on annule toute valeur que pourraient représenter les morceaux recueillis. Cette formule, qui figure en araméen dans les livres, doit être traduite en langue "vulgaire" pour que tous ceux qui participent à cette cérémonie en comprennent le sens.
En araméen on dit "kol ‘hamiro……veléhévé botel ou-mevoutel ke-afro de-ar’o" : "tout le levain … doit être considéré comme nul et assimilé à la poussière de la terre".
Ce qui donne en traduction alsacienne :
"Alles ‘Hometz … zol sein botel ou-mevoutel"
"Er hot ‘Homets Gebattelt" : "Il a fait disparaître
le ‘homets".
Cette expression se dit de quelqu’un qui s’est débarrassé de
ce qui lui était devenu inutile ; elle se dit également
de quelqu’un qui a renvoyé son personnel.
PEISSE’H PUTZ
Dans toutes les maisons juives, la Peisse'h Woch, la semaine qui précède Pessah, donne lieu à des préparatifs fébriles : vider les tiroirs, ranger les placards, etc. Cette Peisse'h Putz, ce "grand nettoyage de Pessah" s’accompagne parfois d’un désordre.
Quand on voit cela, on peut-être tenté de dire : "Do geht's tsü wi baï s'Dotterless " - "Tout ce passe ici comme chez les Dotterless". Le nom Dotterles qui fait allusion à une famille (peut-être imaginaire), correspond sans doute au prénom Théodore. Cette famille était certainement réputée pour le désordre qui régnait dans sa maison. Il est évident qu’il n’y a pas que dans cette période qu’une maison juive peut faire penser à la famille Dotterless !
Les femmes juives alsaciennes étaient si scrupuleuses, si méticuleuses, si soigneuses, si "dechtig", qu'elles faisaient des nettoyages tellement à fond que leurs maris (et les rabbins) leurs répétaient inlassablement que "Dreck ech ke 'Homets".
Il fallait quand même qu'elles enlèvent la poussière, lavent les carreaux et les rideaux avant Pessah - alors qu'ils n'étaient même pas sales : les maisons alsaciennes étaient toujours (ou presque) propres, soignées et bien entretenues !
ER SCHTECKT EMM MATSE-TEIG :
"Il est en train de pétrir la pâte de la Matza"
Cette expression est utilisée pour dire d’une personne qu’elle ne peut
pas quitter son travail, pas plus que l’ouvrier qui pétrit la pâte
pour les matzoth, de peur qu’elle ne lève et ne deviennent
impropre à la consommation pascale.
On trouve la même idée dans une autre expression qu'on dit à quelqu’un qui refuse d’interrompre son travail. "Du Besch doch net im Matze-Teig" "Tu n’es pourtant pas occupé à pétrir la pâte pour azymes !"
AFIKOMAN
Parmi les usages qui marquent la soirée du Séder, il en est un qui veut que les enfants aillent chercher et rapportent, pour le dessert, le morceau d’afikomen mis de côté par le chef de famille au début de la soirée. C’est un plaisir pour l’enfant de montrer sa malice, bien que cela ne lui rapporte, en général, pas grand-chose.
"E PONEM WI E MATSE"
Pour éviter, dans la fabrication des matzoth, que la pâte ne lève, on la perce de petits trous (avec un instrument ad hoc qui s’appelle, en alsacien "a schtroupfeleisé" (H. Meiss, p.135).
On dit que quelqu’un dont le visage est criblé de petites cicatrices de varicelle qu’il a "E Ponem wi e Matse", "une figure qui ressemble à de la matza".
Toutes les images qui leur venaient à l’esprit se référaient toujours, chez les Juifs alsaciens, à des situations empruntées à la vie religieuse.
"DOM, TSEFARDEYA, KINNEM …"
Sans entrer dans des considérations de l’ordre de la gastronomie traditionnelle, rappelons cependant que le repas, le soir du seder, comporte nécessairement du bon bouillon avec des matse knepffle. Pour que ces boulettes soient cuites à point (ni trop molles : elles risqueraient de s’effriter, ni trop fermes : on les qualifierait de Schrapnel, du nom des obus utilisés par l’armée allemande au cours de la grande guerre !), il faut qu’elles mijotent dans la soupe pendant un temps très précis. En général, il faut les mettre dans la marmite pendant la lecture de la Hagada et plus précisément vers le moment de la récitation des "dix plaies".
"ICH SCHEISE AUF MATZES"
"Bien qu’elles soient quelque peu familières, voire osées,
qu’il nous soit permis de citer deux formules populaires concernant
la fête de Pessa’h :
-Un juif dit a un autre : " Ich scheise auf Matzses"
Ce qui peut se traduire par : "Moi, les matzoth, je les emm…"
- Et l’autre de répondre : "Wunderbar !
Mich schtopfen sie !"
"Tu en as de la chance : moi, ils me constipent !"
En effet, les familles alsaciennes qui connaissaient bien les effets secondaires
des pains azymes faisaient, pendant la fête de Pessa’h, grande
consommation de … rhubarbe.
ROMBELS NACHT
Les israélites d’origine sépharade célèbrent, à la fin de Pessah, la Mimouna.
Il ne m’appartient pas de décrire les festivités auxquelles cette Mimouna donne lieu ; disons simplement que, pour éviter de transgresser l’interdit biblique (Deutéronome ch.13 v.1) de prolonger inutilement le temps de l’interdiction du ‘hamets, on s’arrange pour pouvoir en consommer rapidement après la fin de Pessah.
En Alsace, on cherchait également à se procurer du ‘homets après la fin de Pessah, mais comme tous les magasins étaient fermés après la tombée de la nuit, la seule solution possible consistait à … aller à la gare (autrefois il y avait des gares pratiquement dans chaque village !) et au "Buffet de la Gare", on buvait un vrai bock de bière, garanti pur ‘homets.
Ce qui, de plus, donnait du courage pour affronter les douces servitudes de la Rombels Nacht, nuit au cours de laquelle on remet la vaisselle Yonnteftik à sa place et où l'on rend à la maison son aspect habituel. Rombels Nacht: je n’ai pas trouvé d’étymologie satisfaisante pour ce terme, et je serai ravi si quelqu’un pouvait combler cette lacune. Merci d’avance.
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