ACTES ANTISÉMITES A STRASBOURG
janvier 2004



La synagogue de l'Esplanade
© M. Rothé


La bombe incendiaire découverte au cimetière de Schiltigheim - © Y. Klein


Tombe profanée au Cimetière israélite de Cronenbourg en avril 2002
La communauté juive de Strasbourg est en proie à "l'émoi, de l'émotion et de l'inquiétude" à la suite de actes antisémites qui se sont produits dans la ville cette semaine.
Dans la nuit de samedi 17 janvier, la porte d'entrée de la synagogue de l'Esplanade, le quartier universitaire de Strasbourg qui jouxte le port du Rhin, a été endommagée à coups de pierre. Deux individus ont été aperçus. La porte a volé en éclats. Lorsque le concierge est descendu, les vandales avaient pris la fuite. "Si des jets de pierres contre une synagogue ne constituent pas un acte antisémite, j'ai du mal à comprendre...", affirme Pierre Lévy, délégué régional du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France).

Le lendemain, dans la nuit de dimanche à lundi, vers 5 heures du matin, c'est le minibus de neuf places assurant le transport scolaire d'un jardin d'enfants et d'une halte-garderie juives, qui a été incendié avenue des Vosges, non loin de la Grande Synagogue de Strasbourg. Il y a une quinzaine de jours déjà, une vitre avait été fracturée et quelqu'un avait tenté de voler la camionnette. Sur le véhicule, il n'y avait ni sigle si signe permettant d'identifier son propriétaire. "Néanmoins, cela fait des années qu'il est utilisé pour le transport de jeunes d'écoles juives", note le délégué régional du CRIF. "S'il y a des voitures qui brûlent à Strasbourg, il est peu fréquent que cela se passe en plein centre-ville. Cet incendie a eu lieu dans un quartier de forte concentration de population juive, du fait de la proximité des lieux de culte", ajoute Pierre Lévy.

Pour l'heure, les deux actes n'ont pas été revendiqués. Selon la police, il n'y aurait aucun lien entre les deux. "II n'y a pas eu de revendication antisémite, ni tags ni coups de téléphone", assure-t-on du côté de la préfecture du Bas-Rhin, sans pour autant en tirer la moindre conclusion. Un dispositif a été mis en place pour renforcer la protection des lieux de culte. Par ailleurs, le parquet a ouvert une enquête judiciaire à la suite de la plainte déposée pour le caillassage de la synagogue. Une seconde plainte devait être déposée pour l'incendie du minibus.

Ces faits viennent rappeler les dégradations commises à Strasbourg durant le week-end de Pâques 2002 : un pavillon situé à l'intérieur du Cimetière israélite de la Communauté Etz Haïm à Schiltigheim (banlieue de Strasbourg) a été incendié au cours de la nuit du lundi 1 au mardi 2 avril. Deux portes en bois à l'intérieur de ce petit bâtiment - l'oratoire de cérémonie -, qui se trouve à l'entrée du cimetière, ont brûlé. Les six jeunes délinquants ont été condamnés à des peines de 3 et 4 ans de prison ferme par le Tribunal correctionnel de Strasbourg.

Le 12 avril 2002, ce sont les tombes du Cimetière israélite de Cronenbourg situé route d'Oberhausbergen, qui ont été profanées. 25 tombes ont été recouvertes d'inscriptions antisémites : des croix gammées et des slogans, l'un d'eux Hitler d'"homme respectable du 3ème Reich".

Rappelons aussi le saccage du Cimetière juif de Sarre-Union en janvier 2001.

Jean Kahn, dans son ouvrage autobiographique L'obstination du témoignage qui vient de paraître, écrit les lignes suivantes qui constituent un commentaire avant terme des derniers événements :

"Au lendemain de la deuxième Intifada et de la guerre en Irak, nous assistons dans certaines régions de France, notamment en banlieue parisienne, à une poursuite inquiétante de faits graves d'antisémitisme. Une véritable haine a été insufflée à des jeunes issus de familles du Maghreb ou d'Afrique noire, et ceux-là mêlent à leur détestation d'Israël comme nation un rejet du Juif comme individu. Certaines mères musulmanes de France n'hésitent pas à appeler leurs nouveau-nés Oussama, en hommage à Ben Laden, et l'on a vu, lors des manifestations contre la guerre en Irak, poindre une "idéologie" récurrente où se confondent dans une soupe nauséabonde l'antisémitisme, le tiers-mondisme, l'antisionisme, l'antimondialisme... Sans vergogne, des excités d'extrême gauche en mal de combats et des Beurs en recherche de racines ont fait d'un Saddam Hussein gazeur de Kurdes la plus haute expression de l'identité arabe. En contrepoint, Israël se voyait chargé de tous les maux, responsable principal d'un monde déchiré.
(…)
"Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'antisémitisme se faisait généralement feutré, discret, honteux ; il a trouvé un nouveau souffle en se parant des couleurs de l'antisionisme. Il faudra tout mettre en oeuvre pour parvenir à éteindre cette flambée d'obscurantisme qui s'en prend aux juifs et à Israël sous couvert d'une pensée aux allures généreuses, apparemment tournée vers les peuples exclus de l'abondance, mais qui fleure les relents du plus classique antisémitisme.
En France, on reconnaît trois formes d'antisémitisme, dont sont responsables trois catégories d'extrémistes les nationalistes, les néogauchistes et les islamistes.
- Les nationalistes agissent parce qu'ils ont pour vocation de dénoncer le mondialisme et le cosmopolitisme.
- Les néogauchistes dénoncent le capitalisme mondialisé.
- Les islamistes veulent lutter contre les intérêts des "judéo-croisés" qui seraient les ennemis diaboliques des vrais musulmans.
Trois extrémismes qui refusent le dialogue, le compromis, la réforme et n'ont pour objectif que de détruire. Pour eux, un contradicteur est un ennemi à éliminer. Dans cette optique, la cause palestinienne est devenue la cause commune de tous les extrémistes : une cause mythique et fantasmée, celle du peuple martyr par excellence.
Que l'on ne s'y trompe pas cependant, ce ne sont pas seulement les juifs et Israël qui sont attaqués, ce sont également les principes républicains. Robert Badinter répète souvent que, "lorsque les juifs sont menacés, la démocratie est en péril".
Aujourd'hui, bien des juifs français se montrent inquiets, et je suis profondément peiné d'entendre certains coreligionnaires me dire
- Nous ne savons pas si nous pouvons rester en France, si nous pouvons y construire notre avenir...
(…)
"Plus que jamais il apparaît nécessaire et urgent d'établir un enseignement de la citoyenneté dans les écoles, d'éduquer les enfants selon les principes de tolérance, d'apprendre à des jeunes déboussolés le sens des valeurs républicaines.
Je sais que la France trouvera le ressort nécessaire pour mettre un terme à tous les excès de la haine, de l'ignorance et du fanatisme. Pour que la France demeure la France."
(J. Kahn, L'obstination du témoignage, novembre 2003, pp.245-249)


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