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l'hommage que lui a rendu la communauté Ohel Avraham mis en ligne par Akadem .
Le Rabbin Daniel Gottlieb vient de nous quitter. À son enterrement au Har Hamenou'hot, le soir-même de sa disparition, son fils Ouriel a annoncé que son père avait refusé qu'on exprime en son honneur une oraison funèbre. Lui qui en avait tant prononcé pour les autres, et qui excellait notoirement dans ce registre, ne voulait sans doute pas incommoder l'assistance par le récit de sa vie. Mais quelle frustration pour tous ses proches !
À leur intention, pour sa famille, et pour tous ceux qui l'ont bien connu, nous voudrions ici retracer les grandes lignes de son trop court itinéraire.
C'est au tout début de la guerre, en la veille de Rosh Hachana 1939, qu'il naît dans le village alsacien de Bouxwiller (Bas-Rhin), où sa mère Blanche était venue de Paris pour passer les fêtes au foyer de ses parents, le rabbin et Madame Max Gugenheim, son mari Noé Gottlieb ayant été mobilisé. Celui-ci, philosophe de haute volée et grand ami de Levinas, exerçait habituellement les fonctions de secrétaire de l'Alliance Israélite Universelle.
Malheureusement, la guerre puis, surtout, la maladie l'empêcheront de développer toutes ses potentialités.
Repliée à Vichy, la famille rejoindra après la guerre le domicile de la rue Damrémont, où arrivera bientôt un second fils, Jean-Paul. Daniel effectuera son secondaire au lycée Condorcet, puis entamera des études de physique et d'hébreu.
Il aurait ainsi pu se lancer dans une carrière universitaire, mais il était un vrai idéaliste, et choisit finalement de devenir rabbin. Il entre à l'Ecole Rabbinique en 1959, de même que son cousin germain, Alexis Blum, autre petit-fils du rabbin Max Gugenheim. A l'issue de leurs études, c'est ensemble qu'ils effectueront un séjour d'un an en Israël à la yeshivath Mercaz Harav, séjour qui les marquera profondément.
Nommé Aumônier de la jeunesse et des étudiants à partir de 1966, il anime avec enthousiasme et compétence colonies de vacances et cercles d'études. Après un court passage à Massy, il succède au rabbin Jean Schwarz comme rabbin de la communauté Ohel Avraham de la rue Montevideo dans le 16e arrondissement de Paris, poste qu'il occupera durant 35 ans, jusqu'à sa retraite et sa alya en 2002. C'est dans cette synagogue, et en présence de ses ouailles, qu'il épousera en 1973 Odylle Aziza, fille du Président de la communauté de Rosny-sous-Bois. Parallèlement à cette fonction, il a été également enseignant à l'Enio, à l'Inalco, puis Secrétaire particulier auprès du grand rabbin de France, René-Samuel Sirat, dont il est depuis de nombreuses années un ami très proche, et qui apprécie à leur juste valeur ses compétences.
Sa retraite en Israël ne signifiera nullement pour lui un arrêt d'activités rabbiniques.
Il ouvre notamment un blog avec commentaires sur la Torah et articles sur les traditions judéo-alsaciennes. Il y a quelque temps, il a également publié un livret de commentaires sur les zemiroth Shabath - les cantiques qu'on chante à la table shabatique. Il en était particulièrement fier, et on ne peut que déplorer que si peu d'audience ait été réservée à cette publication si originale.
Jusqu'à sa mort, il a incarné une certaine forme de rabbinat, inspirée par le modèle proposé par ses ancêtres, cette longue lignée de rabbins dont il descendait, et dont l'esprit lui a été transmis par son grand-père (mon grand-père) zats"al qu'il vénérait tant, et par mon père le grand rabbin Ernest Gugenheim envers lequel il éprouvait tant d'attachement et de tendresse : une orthodoxie sans faille, mais sans ostentation ; une piété profonde, une grande sensibilité, alliées à une modestie naturelle ; une très grande culture tant judaïque que générale, mise au service du judaïsme ; un enseignement conférant aux textes traditionnels, talmudiques et midrashiques, une modernité étonnante, et, par suite, un grand pouvoir de persuasion ; une véritable ouverture sur le monde et la cité ; un goût certain pour le dialogue interreligieux ; une tolérance extrême vis-à-vis de Juifs et de non-Juifs ne partageant pas ses options et ses choix.
Cette réussite est d'autant plus méritoire que les épreuves ne l'avaient pas épargné. Dans quelques jours, il aurait eu jahrzeit pour son père Noé za'l, qu'il a perdu alors qu'il n'avait que 14 ans. Cette année, il aurait pu lui lire à nouveau la Méguila, comme il l'avait fait l'année de sa mort. Tout au long de sa vie professionnelle et rabbinique, il a eu à faire face à nombre de contrariétés et d'obstacles, et a pu en retirer une légitime amertume. Le document qu'il a rédigé, au moment de partir à la retraite, sur la description du"rabbin parfait" est un morceau d'anthologie qui en dit long sur ce thème.
Lefoum tsaara agra : il recueille aujourd'hui le fruit de tous ces désagréments, de ces peines, de ses souffrances. Mais sa grande réussite, sa grande fierté, celle qui n'a été pour lui qu'une source permanente de na'hath, c'est sa famille, son épouse chérie, ses enfants, ses gendres et bru, ses petits-enfants. D'ailleurs, le vrai critère de réussite d'un éducateur, c'est le résultat obtenu de l'éducation qu'il a réservée à ses propres enfants.
Puissent-ils trouver dans son souvenir, dans l'exemple et les leçons qu'il leur lègue, la force et le courage de perpétuer son œuvre dans la fidélité et l'authenticité.
Condoléances : odgottlieb@hotmail.com