Honel Meiss naît à Ingwiller
en 1846. Il fréquente l'école rabbinique de 1866 à 1872.
Il sera successivement rabbin de Nantes, de Nice, et grand rabbin de Marseille
(en 1915).
Il a écrit plusieurs livres dont Considérations sur le judaïsme, A ceux qui pleurent et qui prient, une Anthologie juive, Les psaumes (adaptation en vers), Moschelisch - choses d'Alsace, A travers le ghetto de Nice (1648-1860), Religion et Patrie, Echo des Psaumes dans le Talmud, A travers le dialecte judéo-alsacien.
Nous reproduisons ci-dessous l'introduction qu'il a écrite à son ouvrage Moschelisch - choses d'Alsace, paru en 1915.
"Nos patriae fines et dulcia linquimus arva"
AVANT-PROPOS
C'est une des plus curieuses physionomies de notre vieille terre d'Alsace que nous essayons d'évoquer, en publiant les "Contes judéo-alsaciens", tous écrits dans les moments d'interminable crise nostalgique, avant la guerre sauvage et déloyale que nous subissons! Tous ceux de ma génération qui, au lendemain des évènements de 1870, ont quitté le cher pays, par pur sentiment, ou par suite d'une cruelle nécessité, ont emporté avec eux, dans le creux le plus chaud de leur être, certains souvenirs touchants qui se sont toujours dressés devant eux dans les grandes circonstances de la vie. C'est là l'explication et l'excuse de tant de rêveries sur l'Alsace. Toutes les ruines matérielles accumulées par la Barbarie scientifique des Boches seront réparées, comme l'a promis solennellement l'admirable Reine de la Belgique, en contemplant mélancoliquement celles de Louvain et de Malines ; mais c'est notre mission à nous qui n'avons jamais désespéré de voir de nouveau notre drapeau tricolore flotter sur la Cathédrale de Strasbourg, de rappeler "l'âme" qui s'en est envolée! En revivant, par la pensée, les jours parfumés de mon enfance, je me revois avec mes camarades catholiques, protestants ou juifs au collège de Bouxwiller, où souvent nous avons échangé des horions, mais jamais par raison théologique. Cette horrible chose, ce jouet allemand ciselé avec amour par Bismark et qu'on a dénommé "l'antisémitisme" n'a pas existé autrefois en Alsace ! C'est une camelote d'exportation dont les Boches ont inondé la France, à un moment psychologique et qui devait causer autant de ravages que les gaz asphyxiants ; le dernier cri de la "Kultur" allemande ! C'est dans cette attitude généreuse qu'elle s'est présentée à ses deux filles, l'Alsace et la Lorraine, lorsque l'heure de la Revanche eut sonné, et, malgré la longue séparation, elles l'ont reconnue à ce signe ! Sur la Place, complantée de platanes, devant l'Eglise, où les vieillards sont assis fumant leur pipe et surveillant les petiots qui font des pâtés dans le sable, j'ai eu un plaisir extrême à entendre raconter les "Moschelisch" (Contes et légendes), dont j'ai retenu ceux qui me paraissaient donner une idée suffisante de la causticité et de la finesse alsaciennes, si différentes de la lourdeur allemande. Les narrateurs, en blouse bleue, la blouse gauloise, étaient parfois d'anciens combattants de Magenta, de Solférino, de Mars-la-Tour ou de Bapaume, et ils ne manquaient jamais de glisser, dans leur récit, en contrebande, la note patriotique: "Que voudrais-tu, Schila, vieux copain d'Italie?" - Ce que je voudrais ? ce serait de vivre encore un bout de temps pour voir de nouveau les "pantalons rouges" circuler dans les rues de nos villages ! Et, là-dessus, tous de regarder le ciel avec un sourire d'espérance, tandis que passait, sanglé dans son uniforme, le gendarme prussien, le représentant de la Force qui prime le Droit ! Les temps sont changés et le cauchemar qui a duré près d'un demi-siècle, est sur le point de s'évanouir! Morceau par morceau, nous voulons reconstituer l'ancienne Alsace avec ses charmantes particularités, pour qu'il ne reste aucune trace, aussi légère soit-elle, de l'occupation allemande.. Nous verrons, de nouveau, le "Schnorrer" (mendiant faire sa tournée d'Alsace, la hotte sur le dos, la chanson aux lèvres, l'âme exempte de soucis; nous verrons de nouveau, à le veille des grandes solennités religieuses, les Yid (juifs) de Hochfelden, Bischheim, Ingwiller ou Molsheim se disputer le plus joli poisson, carpe ou carpillon, au "Fischmark" (marché au poissons) de Strasbourg ; nous verrons de nouveau le colporteur, avec son lourd ballot, se reposer au coin du fossé, près des champs de houblon qui répandent leur âcre parfum! Nous verrons aussi Evêque et Rabbin, assis à la même table, discuter fraternellement ensemble, comme il conviendrait entre Ministres du même Dieu de Bonté et d'Amour que chacun doit être libre d'adorer à sa manière ! Nous verrons enfin les "Jeunes" qui n'ont point connu la France autrement que par les mensonges des instituteurs falsifiant l'Histoire, par ordre supérieur, et enténébrant les consciences, suspendus aux lèvres des Anciens qui ont toujours confondu dans un même sentiment de piété filiale, la petite et la grande Patrie : l'Alsace et la France ! Honel MEISS. Marseille, Janvier 1915. |
En dehors de ses ouvrages savants, le grand rabbin MEISS ne dédaignait donc pas de coucher par écrit les Moschelisch (les bons mots) et les plaisanteries qu'il avait entendues dans sa jeunesse en Alsace. Nous en présentons ci-dessous deux exemples :
EVEQUE ET RABBIN
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MOSCHELISCH DE PESSA'H
Une figure de Matsé Le rabbin ne mange pas de raifort, s'il n'est pas râpé Laisse-lui le plaisir de dérober le "Matsa" Il a mangé trop d' "Aphikomèn" |