|
Simon LÉVY
Les loisirs
|
Pourim et Péçach
Le Midrasch a brodé de magnifiques légendes sur le canevas de l'histoire d'Esther. Les plus touchantes sont celles qui ont trait aux enfants.
Quand, après la publication du cruel édit d'Assuérus, Mardochée traversa les rues de Suse, courbé sous la douleur, la mort dans l'âme, il rencontra des enfants qui sortaient de l'école, et soudain la vue, les paroles de ces êtres innocents et purs le rassérénèrent et lui rendirent l'espoir. Ils lui récitèrent, sur sa demande, des versets des prophètes ou des poètes hébreux qui leur étaient familiers, et ces citations répondaient si bien a ses préoccupations qu'elles calmèrent aussitôt ses angoisses. Les enfants répétaient, en effet, ces paroles de Salomon et d'Isaïe : "Ne crains pas les périls imprévus, ne redoute pas les attaques des méchants" (Proverbes 3: 25). "Formez des plans, ils échoueront ; car Dieu est avec nous" (Isaïe 8:16). "Je porte Israël, je le soutiens et le protège, en tout temps, jusqu'à son extrême vieillesse" (Isaïe 46:4). Et Mardochée dit aux enfants : "Mes chers amis, soyez bénis ! car vos paroles sont pour moi des prophéties divines présageant le salut et la délivrance dans les graves dangers qui nous menacent. Mais vous devez faire plus ; comme les grands, vous devez jeûner, invoquer Dieu, vous ceindre de cilices ; vos macérations et vos larmes pourront toucher le ciel et nous obtenir sa clémence.
Et ainsi fut fait. Haman, qui eut vent de cette petite conjuration, se rendit à leur maison d'étude et de prière. Il fut pris de fureur à la vue de ces légions d'enfants priant Dieu et s'immolant déjà pour leur peuple; il les fit charger de chaînes en criant : "Sur ceux-là j'assouvirai d'abord ma haine et ma colère !" Vains propos ! les souffrances volontaires et involontaires de ces pauvres enfants voués a l'extermination émurent les anges, émurent Dieu, et le décret de mort lance contre Israël fut révoque. L'intercession de ses enfants et de ses aïeux avait sauvé Israël.
Tels sont les récits de nos midraschim. Or, les docteurs du Midrasch, les agadistes, ne connaissaient pas la théorie de l'art pour l'art ; leurs inventions poétiques, leurs œuvres d'imagination ont toujours un but moral, ils veulent nous édifier et nous instruire. Que nous apprennent-ils ? Que si Israël veut vivre et durer, il doit avoir l'oeil sur ses enfants, veiller sur leur éducation religieuse, les familiariser avec les paroles de nos prophètes et de nos chantres sacrés, les initier aux faits de notre histoire afin qu'ils jouissent des gloires d'Israël et compatissent à ses peines, qu'ils étudient la Torah et en pratiquant les préceptes. Là est notre salut, comprenons-le!
Ils le comprennent bien nos ennemis ! "Sur ceux-là, a dit Haman, j'appesantirai tout d'abord ma main !" De nos jours aussi les enfants sont particulièrement visés par l'ennemi. Tous les ans les statistiques des écoles, donnant le chiffre des élèves israélites, ont le don d'exaspérer l'antisémitisme. Les hypocrites de la Roumanie s'ingénient à ce que les enfants israélites n'aient accès dans aucune école. La patrie du nihilisme cherche à restreindre le nombre des étudiants juifs! On sait que longtemps avant tous ces héros, Pharaon a eu l'idée de s'en prendre aux enfants en les faisant périr dès leur naissance, et l'on sait aussi l'échec de ce beau plan si radical. Quand donc les Egyptiens furent submergés par les eaux de la mer Rouge, des milliers d'enfants israélites crièrent avec enthousiasme זה אלי ואנווהו! (1)
Aussi l'Ecriture Sainte nous invite-t-elle à associer les enfants aux actes de piété qu'inspire le souvenir de la délivrance d'Egypte. Quatre fois le Pentateuque nous recommande d'expliquer à nos enfants le sens de nos cérémonies et de les instruire de nos malheurs, comme des miracles qui y ont mis fin. Pourquoi une quadruple recommandation ? Parce que, disent nos rabbins, le devoir de l'éducation religieuse s'impose à notre sollicitude envers tous nos enfants, quel que soit leur âge et quelles que soient leurs aptitudes et leurs inclinations.
Ton fils est-il חכם (2), c'est-à-dire animé de sentiments religieux ? Encourage-le, fortifie‑le dans ces bonnes dispositions, dis-lui que rien ne vaut une vie religieuse, pénétrée de la crainte et de l'amour de Dieu.
Ton fils est-il רשע (2), se montre-t-il libre-penseur, dédaigneux des choses de la religion, des pratiques du culte ? Oh, réprime ces tristes et malheureuses tendances, n'admire pas, comme font sottement tant de parents, l'indépendance de pensée du petit philosophe. Ne te récrie pas, ne te félicite pas ! cet enfant au cœur sec, au verbe hautain, au langage insolent, ne te promet rien de bon !
Ton fils est-il simplement טם (2), se trouvant à l'entrée de sa carrière et n'ayant pas encore eu le temps de se montrer ni sceptique, ni croyant, initie-le dès lors à nos pratiques pieuses, à nos saintes coutumes ; apprends-lui a prier, à observer le sabbat et les fêtes, a pratiquer l'aumône et à fuir le péché, l'injustice, la violence. Dis-lui qu'Israël fut un peuple d'esclaves et que Dieu, par la Torah qu'l lui a donnée, en a fait un peuple de prêtres, le premier peuple de la terre.
Et il y a mieux encore : ton enfant est-il encore un שאינו יודע לשאול (2) commençant a peine à savoir parler et marcher ? montre-lui déjà le ciel et parle-lui de Dieu, du créateur de toutes choses. Cela est contraire aux doctrines de Rousseau, mais cela est conforme aux doctrines de notre Schema. Le ושננתם לבניך a précédé l'Emile de 3.000 ans, il doit avoir plus d'autorité pour l'Israélite!
Vous le voyez, chers lecteurs, la fête de Pourim comme la fête de Péçach vous invite à prendre soin de l'âme de vos enfants, à vous préoccuper de leur avenir religieux Ecoutez l'avertissement qu'elles vous donnent pour votre bonheur. Le devoir de l'éducation de vos enfants, corollaire de votre amour pour eux, n'est-ce pas le vrai trait d'union entre les deux fêtes ?
| Article suivant |  |
 |
 |
 |