Initiation religieuse de jeunes filles à Mulhouse
par Sylvain Binn, Mulhouse
Extrait de la Tribune juive Paris-Strasbourg, 19 juin 1936


2ème à gauche : le rabbin Hirschler - 4ème à g. : le rabbin Eichisky
Merci à Manuelle Amar pour ce beau document photographique d’époque
L'initiation religieuse dont la tradition a été reprise à Mulhouse a été une brillante fête pour nos amis de la cité haut-rhinoise. Par cette fête, il est permis à un rabbin actif  de porter l'intérêt de la chose religieuse jusque dans les milieux détachés du judaïsme. On voudrait encourager toutes les initiatives, féliciter ceux qui tâchent de ranimer le feu sacré.

Mais si belle, si impressionnante que soit une cérémonie, elle ne correspond pas nécessairement à l'esprit juif. Il faut aussi se demander si, sans cette cérémonie émouvante, le cours de religion ne pourrait être maintenu.
Le grand docteur de  la Loi qui a longtemps dirigé notre feuille s'est prononcé contre l'initiation religieuse, empruntée à un autre culte. Nous reviendrons à cette question.

Dimanche 7 juin une foule compacte se pressait au temple de Mulhouse, richement orné, pour y assister à l'initiation religieuse des jeunes filles.

Au son d'une marche triomphale, une trentaine de petites filles, la tête ornée d'un voile blanc, s'avançaient lentement vers le Tabernacle, ensuite un cortège rabbinique, composé de M. Poliachek d'Altkirch. de M. Champagne de Belfort, et de M. Eichisky de Thann, tous en grande tenue, entraient à leur tour conduits par M. le rabbin Hirschler de Mulhouse.

La cérémonie se déroula sous  un aspect grandiose : on entendit  les jeunes initiées réciter tantôt seules, tantôt en chœur, les principaux versets, bases de notre judaïsme. Puis avant la sortie des  tables de la Loi, le rabbin Hirschler prononça avec l'éloquence qui lui est coutumière une allocution de circonstance. L'orateur sacré exalta dans un sublime élan de foi et de sincérité les vertus de la femme juive.
"Combien est-il inexact dit-il, de considérer cette institution comme une innovation, quand on apprend par l'histoire que cette fête fut célébrée dans de nombreuses communautés alsaciennes et même à Mulhouse avant 1885. D'autre part, n'est-elle pas justifiée, lorsqu'on songe à l'empreinte ineffaçable qu'une telle journée laisse dans le cœur de nos enfants, sans compter le profit moral titré de longs mois de préparation ?"

Le rabbin Hirschler est encore plus rabbin de conscience que rabbin de la parole, car il sait très bien que tous ces enfants présents devant lui à ce jour ne limiteront pas là leur instruction sacrée, et qu'ils sont pour lui autant de présences gagnées aux cours religieux. C'est en exhortant les enfants dans cette voie que le digne pasteur termina son allocution.

Le programme musical était des plus réussis. M. Wolff, premier ministre officiant, affirma une fois de plus son art tant par ses propres exécutions vocales dont un air de l'Oratorio "Elie" de Mendelssohn fut très goûté, que par les chœurs des initiés dirigées par lui-même et qui étaient d'une netteté impeccable. La maîtrise du temple sous la direction de M. Goldschmidt fut à la hauteur de sa tâche.

En un mot, belle cérémonie, laissant sur  l'assistance la plus agréable des impressions.


© A . S . I . J . A .