La richesse spirituelle du judaïsme s'exprime par les diverses manières de le vivre, en restant fidèle à l'ensemble de la Halakha, qui est le point commun rassemblant les Juifs de toutes origines - séfarades, ashkénazes, yéménites, ne sont que des communautés dont les accidents de l'histoire ont marque et développé une spécificité propre, en les isolant les uns des autres. La rencontre de ces communautés apporte, ou devrait apporter un élément de renouveau profitable à tous, en ranimant certaines pratiques devenues routinières, et en provoquant parfois une prise de conscience de son propre héritage culturel ou cultuel.
Strasbourg possède, depuis plus de trois quarts de siècle en Adath-Israel, un oratoire qui satisfait les besoins spirituels de ceux qui, avant et après la première guerre mondiale, quittèrent le Shtettel, chassés par les pogromes et par l'antisémitisme.
Dépaysés totalement en Europe Occidentale, ils étaient menacés plus que quiconque, par l'assimilation que connaissent les déracinés. Ils cherchèrent alors à se regrouper pour la prière et apportèrent à Strasbourg, comme ailleurs, les airs et les traditions du monde hassidique de leur enfance ; regroupés en une communauté autonome avec son rabbin, sa cacherouth, son Talmud-Torah, Adath-Israël a su, pendant plus d'une génération, maintenir le judaïsme "sfard" ("ashkénaze polonais" - à ne pas confondre avec le judaïsme séfarade) en Alsace. Des enfants naquirent et grandirent, qui vécurent à la fois les traditions alsaciennes et celles de leurs parents et qui parvinrent à établir la passerelle avec la communauté autochtone, sauvant du même coup leur propre identité, tout en s'intégrant à la vie culturelle et sociale de Strasbourg.
La dimension hassidique, dans son folklore, devint une des composantes de la Communauté et lui permit, plus tard, d'intégrer plus facilement les traditions séfarades, apportées par les rapatriés d'Afrique du Nord.
Ayant payé un lourd tribut à la déportation, Adath-Israël, après la guerre, parvint à se restructurer, mais comme une des sections de la Communauté Israélite de Strasbourg. Le Rabbin Horowitz, rescapé lui-même des camps de la mort, insuffla à sa communauté un hassidisme vivant qui attira même nombre de jeunes alsaciens à la recherche d'un judaïsme plus chaleureux, En même temps, Adath-Israël participa à la vie quotidienne, et ses enfants constituent aujourd'hui quelques uns des activistes du judaïsme strasbourgeois.
Si la vieille génération a disparu peu à peu et si les jeunes ne sont pas légion, il n'en reste pas moins qu'Adath-Israël constitue une des facettes indispensables à notre communauté. Certains offices ou certaines manifestations le prouvent abondamment. Aussi, pour la célébration du 60e anniversaire de son existence, ne pouvons-nous que souhaiter à cet oratoire « "Berakha ve-Hatzla'ha", succès pour son avenir, afin que sa voix ne s'éteigne pas dans le concert de notre louange commune à D.
Après la Shoah, les rescapés reconstruisirent la Kehila (communauté) qui donna à la ville son jardin d'enfants (le futur Gan Shalom), son Talmud Torah orthodoxe qui fonctionnera jusqu'en 1958, lorsque Benno Gross fondera avec le grand rabbin Deutsch z"l l'Ecole Aquiba.
Rav A.D. Horowitz z"l deviendra, en 1947 et pour une durée de trente ans, le Rav de l'Adath-Israël ainsi que le Dayan (juge rabbinique) de la Communauté Israélite de Strasbourg.
Comment résumer ici la vie et l'enseignement du Rav Avraham David Arial z"l ? Il était un des grands de notre génération. Né en Galicie, issu d'une famille de Rabbanim et d'Admorim des plus grandes lignées hassidiques, orphelin très jeune, il sera élevé par son grand-père, Rav renommé de Grossvwardein (Hongrie) auquel il succéda à l'âge de 25 ans.
Déporté à Auschwitz, il y perdit sa Rabbanith et leurs cinq enfants.
Le Rav n'évoqua que très rarement les années de "Nuit et Brouillard" et encore moins son action. L'ouvrage de la Rabbanith et historienne Esther Farbstein Cachés dans le tonnerre, publié au Mossad Harav Kook et consacré au monde rabbinique durant la Shoah nous éclaire sur son activité durant les années de déportation puis celles passées après-guerre dans les camps de réfugiés, à Landsberg et à Augsbourg où l'autorité du Rav Horowitz s'étendit sur tout le sud de l'Allemagne : publication de livres de prières et d'étude, organisation de la she'hita (abattage rituel), problèmes des agounoth (épouses abandonnées), mise en place de structures scolaires pour les enfants, action sociale. Jamais, même auprès des siens, il ne fit état de l'immense activité déployée.
Il fonda un nouveau foyer et fut appelé en 1947 à devenir Rav de l'Adath-Israël. La Kehila (communauté) comptait alors plusieurs centaines de membres.
Proche des Rabbis de Satmar et de Wizhnitz, il fut vite considéré comme l'une des grandes autorités du judaïsme européen.
Devenu Dayan de la Grande Communauté, on lui doit une cacherouth unique, réputée dans le monde entier et le miqvé (bain rituel) construit dans les murs du centre communautaire.
Il fonda la Yéchiva Ketana dans laquelle il s'investit personnellement, très proche à la fois des élèves et des enseignants.
Avec les années, son autorité dans les milieux orthodoxes et hassidiques fut mondialement reconnue.
En 1978, Il quitta Strasbourg pour Jérusalem où il devint membre de la Eda Harédith, Rav M. Seckbach chlita devenant le Dayan de la Communauté.
Ses enseignements et ses décisions rabbiniques sont reprises dans son oeuvre Kynian Torah.
Comme l'a dit Rav Winsbacher chlita "lorsqu'il annonça son départ de la ville, les gens auraient dû de jeter sur les rails pour empêcher le train de partir !"
Son exemple de droiture, d'engagement dans la Tora et la Hassidouth, son maintien empreint de kedoucha restent très présent dans la mémoire de ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer.
C'est le très respecté Rav Winsbacher chlita, disciple du Rav Horowitz z"l , directeur de la Yechiva Ketana, qui assurera pendant près de 20 ans la pérennité de la communauté. Il sut maintenir contre vents et marées le message de son illustre Maître, continuant à transmettre fidèlement son message de "Torateinu haKedosha vehatehora" et de Hassidouth, jusqu'au transfert de la synagogue de ses locaux de la rue Saint-Pierre le Jeune à la rue Sellenick.
Avec chaleur et estime, Rav Winsbacher chlita transmettra le flambeau à son successeur , le Rav Mickaël Szmerla chlita, qui, tout comme Rav Horowitz z"l deviendra Dayan de la Grande Communauté (L'Adath Israël demeurant ainsi le mynian du Dayan de la grande Communauté).
Malgré la disparition progressive des générations précédentes, l'Adath-Israël conserve son Nussah Sfard, son rite et sa ferveur hassidique.
Grâce à l'impulsion de son nouveau Rav, les minyanim se succèdent matins et soirs et les cours se multiplient.
De nombreux cours attirent jeunes et moins jeunes, parmi lesquels :
- Daf Hayomi proposé quotidiennement par Rav Szmerla chlita
- cours de Gemara pour les post-bar mitzva
- cours de Min'hat Hinouch le Shabath
- cours d'introduction à la Michna et au Talmud pour adultes.
Il convient de préciser - le Rav et ses gabbaïm s'y investissent - que la Choule est résolument tournée vers ses jeunes. Des cours leurs sont réservés, assurés par Rav Szmerla chlita et Rav Y.H. Ouaknine. Ils sont systématiquement appelés à la Torah, sollicités à assurer des offices ou à lire des Parshioth.
Ce sont ces jeunes qui sont aujourd'hui le noyau du minyan.
Que le souvenir béni des prestigieux Rabbanim de l'Adath-Israël évoqué dans ces quelques lignes, soit pour eux une source d'inspiration, leur permettant ainsi, et avec eux tous les jeunes de la communauté, de se développer dans l'amour de la Torah, des mitzvoth et du Klal Israël, là est le seul et unique objectif !
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