Cette représentation figurative et symbolique d'un édifice religieux majeur de la Ville de Strasbourg permettra à des millions de visiteurs, touristes, autochtones, groupes, élèves, de découvrir ce qu'était cet édifice tout comme ce qu'a été la Shoah. La connaissance de ce passé est ici un gage de la sauvegarde d'une démocratie qui subit les attaques des extrêmes.
La sculpture s'inscrira dans ce lien spirituel, et sera ainsi un outil de valorisation patrimoniale strasbourgeoise, ouvert a tous. Les motivations principales de visites dans une ville sont : un intérêt pour l'Histoire, la Mémoire, et la curiosité. L'espace de recueillement constituera une nouvelle offre culturelle, dans un parcours touristique urbain, en lien avec les deux autres sculptures sur les places d'Austerlitz et du Château (1). En 1940, les nazis décident de réduire en cendre la Synagogue de Strasbourg. Tout ou presque disparaît dans les flammes. La moitié de la Torah originelle est représentée ici en réel par le socle, l'autre partie restant ancrée dans le passé, celui de la Guerre.
La Shoah marque la déchirure entre le passé disparu et le présent qui transporte la mémoire vers le futur. Cette sculpture sera le témoignage de cette Histoire qu'il ne faut jamais oublier et transmettre à nos enfants, afin qu'eux-mêmes la transmettent un jour. Ce patrimoine chargé d'identité a été la cible de la destruction, définissant l'autre et tout son passé, que l'on détruit pour le nier, mort symbolique qui s'ajoute à toutes les morts de sang. En apportant une nouvelle identité à ce lieu, il devient un lieu citoyen, résolument tourné vers l'enseignement de la fraternité, du vivre ensemble et du respect de l'autre.
En rappelant ce lieu, on démontre aussi qu'un système politique basé sur l'idéologie raciale et la discrimination peut un jour ou l'autre déboucher sur la barbarie et toucher toute catégorie humaine. L'inscription de la Neustadt sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO offre une nouvelle lecture de l'ensemble urbain, de ce qui était la capitale du Reichsland Elsass Lothringen. Cette action de préservation et de valorisation de l'ancien quartier impérial de Strasbourg apporte une autre dimension à l'ensemble architectural dessiné par les Allemands, où figurait parmi d'autres bâtiments remarquables, la Synagogue Consistoriale de Strasbourg, le long du canal du Faux Rempart.
Des techniques actuelles au service de la Mémoire
Les plans de l'architecte Louis Lévy se devaient d'être respectés précisément dans tous ses tracés. Pour être le plus proche de la réalité, il a été fait appel à la technique de modélisation. Maintes fois consultés aux Archives Municipales de Strasbourg, abimés par le temps, les plans ont d'abord été restaurés pour être reproduits dans les moindres détails, avec le plus grand niveau d'exigence possible. Quelques 260 heures ont été nécessaires pour fixer une image 3D de la Synagogue. La technique de l'impression 3D a permis la fabrication de 48 pièces composant l'éclaté de la maquette au 1:85ème. Ce ne sont pas moins de 250 heures de modélisation suivis de 300 heures d'impression qui ont permis de fabriquer cette maquette de 20 kg dont les dimensions sont : 717x553x575mm. Cette dernière sera exposée de manière permanente dans une des vitrines de la Synagogue de la Paix. Le résultat est bluffant de réalisme.
La grande expertise de l'historien Jean Daltroff s'appuyant sur des témoignages d'hommes et de femmes ayant connu la Synagogue Consistoriale tout comme l'apport conséquent en visuels d'époque conservés par Michel Rothé à Jérusalem, ont marqué d'échanges et de validations ce processus. Rejoignant la technique de la cire perdue, cette maquette sera reproduite en bronze à l'identique par la plus importante fonderie d'art d'Allemagne pour être scellée sur son socle en grès des Vosges représentant un rouleau de la Torah. Quelques mois seront encore utiles pour aboutir à ce résultat avant que la sculpture ne soit installée au cœur de Strasbourg, sur le Square de l'Ancienne Synagogue.
Un financement de la Ville de Strasbourg met a disposition un espace public pour son installation, et s'engage sur l'entretien et la sécurité de la sculpture. La Collectivité prendra aussi à sa charge la réhabilitation du parvis sur lequel la sculpture sera installée. Il s'agira de redessiner le lieu avec la mise en place d'un Mur des Noms (des déportés juifs strasbourgeois de la seconde guerre mondiale) au cœur du square. Construite par les Allemands puis détruite par les nazis, le Ministère des Affaires Etrangères de la République fédérale d'Allemagne s'est fait un devoir par la voie consulaire, de participer financièrement à hauteur de 45 000 euros à ce projet de sculpture mémorielle de la Shoah. Au-delà de cette contribution, le budget global de circa 140 000 euros est pris en charge pour son tiers par des partenaires à l'idée de réussir un tel projet. Ainsi, la fondation Entente Franco-allemande, la Fondation pour Strasbourg, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, l'entreprise Würth et la famille de Monsieur et Madame Jacques Bloch participent à ce projet. Un appel aux dons est lancé pour financer le tiers restant de ce projet de sculpture mémorielle de la Shoah.
Un projet d'avenir
Une démarche ultérieure consistera en la mise en place d'une base de données enrichie de la modélisation des synagogues détruites par les nazis et encore existantes en Alsace, puis sur l'ensemble de la France. Le premier fichier alimentant cette base sera celui de la Synagogue Consistoriale de Strasbourg. L'objectif de ce projet complémentaire est triple. Il s'agit de constituer un recensement numérique actualisé des édifices juifs passés et présents, l'ouvrage de référence datant de 1992 (Les Synagogues d'Alsace et leur histoire, Michel Rothé & Max Warschawski ; Edition Chalom Bisamme). Puis d'ouvrir la consultation de cette base de données à tous les publics, dans le monde entier, en simplifiant l'accès ces informations disponibles dans les Archives municipales. Enfin, mettre tout en œuvre pour conserver une trace virtuelle de ce patrimoine cultuel et architectural pour les générations futures.
En lien avec le Service de l'Inventaire du Patrimoine d'Alsace et la Région Grand Est, dans le cadre d'une prise de conscience collective de l'environnement patrimonial régional, notre objectif est de le sauvegarder, de le protéger et de le valoriser. Contre le silence, contre cette tendance à ne regarder l'Histoire que sous un certain angle, nous devons nous mettre en capacité d'imaginer, de concevoir, de réussir un lieu mémoriel. Ceux qui ont connu ce lieu, pour la plupart, ne sont plus la pour témoigner où, ne voulaient pas parler, de peur de ne pas se faire comprendre des vivants après avoir vécu tant d'horreur. Nous devons prendre la parole, laisser une empreinte. La Sculpture mémorielle de la Shoah - la Schule, grâce à l'engagement et à la persévérance de nombreuses personnes, sera l'espace qui manquait à Strasbourg, un espace de recueillement, tout autant qu'un espace de transmission et d'espoir.
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