BONNE : C'est le Knopf.
ELLE : Qui est là ?
BONNE : Monsieur le tailleur, vous savez, pour l'essayage.
LUI : Il peut venir.
KNOPF : Bonjour Madame, bonjour Monsieur !
LUI : Bonjour, bonjour ! awer mache schnell (29).
Madame Zweifuss est pressée.
ELLE : Oui, montrez-moi une fois maintenant vite ce short.
KNOPF : Vous voulez pas voir plutôt quand Monsieur l'aura mis ?
ELLE : C'est que je dois partir. J'ai une réunion très importante.
A la Wizo, vous savez…
KNOPF : La Wizo, oui, je connais. Cà c'est des dames bien. Leurs maris
payent toujours à la livraison… Mais voilà, Madame.
Il finit de déballer le short
Regardez un peu cette qualité, Madame… Comme à Wimbledon.
LUI : Was (19)
à Wimpeltonn ?
KNOPF : Vous savez donc : en Angleterre… Là où ils font
les match de tennis, les championnats du monde un so witersch (30).
Eh bien là-bas, ils portent seulement du tissu comme çà.
LUI : Tu entends, Babette ?
ELLE : Allez, Arthur, essaie-le voir.
LUI : Babette, voyons ! Pas ici devant toi tout de même.
ELLE : Non, mets-le juste dessus pour voir un peu.
Elle lui applique le short sur l'abdomen. Ahah !
LUI : Dis pas encore "Ahah", tu peux donc pas voir comme çà.
Il faut que j'aie du mouvement… Où est donc ma raquette ?... Aimé?
ELLE : Tzaj (31), cherche la raquette de Papa… Vous m'excusez, Monsieur Knopf, je dois m'habiller pour sortir.
LUI : Qu'est-ce que tu dis, Babette ?
ELLE : Mince ! wesch wie du ussisch ?... (32)
Exactement comme le Duc de Windsor.
LUI : Allez, Babette, allez !
ELLE : Je te dis, Arthur… Toutes mes félicitations, Monsieur
Knopf !
KNOPF : Oh vous savez, madame, avec des clients comme votre mari, çà
se coud tout seul.
ELLE : Mais maintenant il faut que je me sauve. Au revoir Monsieur Knopf !
Bye bye, darling !
LUI : Bye bye ?... Un darling noch de zu !... (33)
Qu'est-ce que vous croyez, vous ? J'ai vraiment l'air du Duc de Windsor ?
KNOPF : Bien sûr, Monsieur, bien sûr… Mais en beaucoup plus
sportif, naturellement ! Personne il n'osera gagner un match contre vous…
BONNE : C'est Monsieur S… Mais apercevant le tableau, elle éclate
de rire
LUI : Qu'est-ce que vous avez là à rire ?
Elle rit de plus belle
LUI : Anne-Marie, si vous avez à rire, allez rire dehors.
BONNE : Vous savez pas pourquoi je ris, Monsieur… Parce qu'à
côté de Monsieur, Monsieur Knopf a l'air tellement drôle
avec son gros ventre !
Le tailleur se tâte, très intrigué, le ventre qu'il
n'a pas du tout excessif.
LUI : Çà va comme çà, Anne-Marie. Qu'est-ce que
c'est ?
BONNE : Monsieur Samclo il est là. Il dit que c'est pour une auto à
prendre.
LUI : Pas à prendre, Anne-Marie. A apprendre.
BONNE : Çà Monsieur peut faire comme il voudra. Je le laisse
enter, Monsieur Samclo ?
LUI : Il peut venir.
KNOPF : Also (14),
pour le blouson, Monsieur Zweifuss, je reviendrai. Au revoir.
LUI : Au revoir.
KNOPF : Pardon Monsieur.
SAMCLO : Tenez plutôt votre droite, Monsieur. Rien d'étonnant
à ce qu'il y ait tellement d'accidents…
avisant l'équipement de tennis de Zweifuss
Bonjour, Monsieur Zweifuss. Vous êtes peut-être occupé
?
LUI : Oh non… J'avais juste fini une petite partie avec M. Knopf. Moi
j'ai un principe, il faut toujours être à la page ! Vous faites
aussi du tennis, Monsieur Samclo ?
SAMCLO : C'est excellent. Surtout pour la… circulation.
LUI : Ah oui, la circulation…
SAMCLO : La circulation, moi çà me connaît !
LUI : Oh oui, çà vous connaît !... Aimé !
FILS : Oui Papa…
LUI : Va vite chercher le guidon.
FILS : C'est le volant que tu veux, Papa ?
LUI : Volant, wenn de witt… (34)
Allez, va !
LUI : Ce petit est tellement intelligent. Je parle exprès un peu pas comme il faut avec lui pour voir s'il comprend. Mais il comprend toujours, toujours !
LUI : Merci Aimé… Reste là. Tu peux écouter un
peu. Comme çà, çà te fera moins à apprendre
plus tard.
FILS : Oh oui, Papa.
On installe le volant à un bout de la table avec Zweifuss derrière.
Samclo place une chaise à sa droite, s'y met à califourchon.
SAMCLO : Vous permettez, Monsieur Zweifuss, qu'on révise ce que nous
avons appris dans la première leçon ?
LUI : Wenn's indispensable isch (35),
pourquoi pas ?
SAMCLO : Bon. Alors attention ! Vous êtes dans votre voiture et moi
dans la mienne. Vous arrivez là et moi je viens d'ici…
LUI : …Pardon, Monsieur Samclo. Est-ce qu'ils demandent des choses tellement
simples à l'examen ? Autrement on aurait peut-être pas besoin
de perdre du temps avec ?...
SAMCLO : Oh si ! On les demande. Je disais donc : vous venez là et
moi ici… Qu'est-ce que vous faites ?
LUI : Je klaxonne pas !
SAMCLO : Entendu. Mais encore ?
LUI : Je… Je continue.
SAMCLO : Vous continuez ?
LUI : Oui… Mais pas trop… Juste un peu, bien sûr…
SAMCLO : Tiens tiens !... Et la priorité ?
LUI : La priorité ?
SAMCLO : Oui, la priorité, qu'est-ce que vous en faites ?
LUI : Yoh ! (36)
Je la laisse aussi passer… Il faut que tout le monde il vit, n'est-ce
pas ?
SAMCLO : Excusez-moi. Vous n'avez pas totalement assimilé ce que je
vous ai expliqué la dernière fois et si nous avions été
en train de rouler pour de bon, savez-vous ce qui serait arrivé ?...
Nous nous serions rentrés dedans !
LUI : Cà alors !... C'était quelque chose de terrible pour les
meubles. Vous pensez ! des meubles en palissandre véritable !... Aimé!
Vezähl dese numne nit dinne Mamme ! (37)
FILS : Oui Papa.
SAMCLO : Bon ! Je reprends donc… Lorsque deux voitures arrivent au même
moment à un carrefour, la priorité appartient à celle
qui vient de droite. Regardez d'où je viens (il s'agite sur sa
chaise).
LUI : De droite.
SAMCLO : Par conséquent ?...
LUI : Par conséquent ...
FILS : Tu dois le laisser passer, Papa.
LUI : C'est vrai çà, Monsieur Samclo ?
SAMCLO : Absolument !
LUI : Oui, mais écoutez… Il faut toujours que je laisse passer
ceux-là qui viennent à la droite ?
SAMCLO : Bien sûr, toujours !
LUI : Même quand ils sont seulement dans des petites gadjevaux ?
SAMCLO : Mais oui, même quand ils sont dans des quat'chevaux.
LUI : Alors là je me demande vraiment pourquoi c'est la peine de payer
tellement d'impôts !
SAMCLO : Ecoutez, Mamzelle… Ne restez donc pas comme çà
debout au milieu de la circulation.
FILS : Tu sais, Papa… on devrait peut-être mettre un passage clouté.
LUI : On voit que c'est pas toi qui a payé le tapis. Un vrai tapis
de Perse. Véritable !... Qu'est-ce que vous voulez, Anne-Marie ?
BONNE : Je suis venue dire que Monsieur Schlemm il est là, pour le
pritsch.
SAMCLO : Je vois que vous êtes très, très occupé,
Monsieur Zweifuss. Je dois peut-être vous laisser…
LUI : Non, non ! Restez seulement. Je dois prendre ma leçon de bridge
et il faut tout de même qu'on soit quatre. (A la bonne) Dites
à Monsieur Schlemm qu'il peut venir.
LUI : Vous savez jouer au bridge, Monsieur Samclo ?
SAMCLO : Oh un peu, un tout petit peu…
LUI : Je vous montrerai alors. Vous verrez c'est presque aussi bien que le
Schwarzer Peter (38).
LUI : Tiens, Babette ! tu as fait vite aujourd'hui.
ELLE : C'était à cause du bridge… Et puis, aujourd'hui,
à la Wizo, çà n'était pas si chic que çà
!
LUI : Ah ?
ELLE : Oui, figure-toi qu'ils avaient invité quelques unes des Femmes
pionnières !
SCHLEMM : Ah, des Femmes pionnières ?
LUI : Was isch dess jetz wieder ? (39)
ELLE : Yoh ! rien d'intéressant… Des sionistes.
LUI : Quoi ? des sionistes ?... Babette ! tu as bien fait de rentrer !
ELLE : Gell ? (40)
LUI : Et comment ! Si maintenant il y a des sionistes à la Wizo alors
çà n'est vraiment plus possible!
SCHLEMM : si vous le permettez, Madame et Monsieur, nous pourrions commencer…
auriez-vous un quatrième sous la main ?
ELLE : Si Monsieur Samclo… ?
SAMCLO : Je regrette vraiment beaucoup, Madame… Mais vous savez ce que
c'est dans mon métier. Il faut que çà roule !
ELLE : Cà c'est nettement dommage…
SAMCLO : Croyez bien Madame, qu'à la prochaine occasion… Au revoir
Madame Zweifuss. Au revoir Monsieur. Et n'oubliez surtout pas la priorité
! (A Schlemm :) Au revoir, Monsieur.
SCHLEMM : Voilà qui ne résout pas la question du quatrième…
LUI : Attendez… Peut-être que Aimé…
ELLE : Non, laisse-le tranquille Aimé. Il doit travailler ce petit.
Vous ne croyez pas, Monsieur Schlemm, qu'Anne-Marie… ?
Schlemm : Anne-Marie ?
ELLE : Oui, c'est notre bonne…
LUI : La bonne ? Ecoute Babette ! qu'est-ce qu'on va dire dans le quartier
!
ELLE : Justement, ils doivent le dire dans le quartier que nous on est democratisch…
Anne-Marie ! Anne-Marie !
BONNE : Madame m'a appelée ?
ELLE : Assez-vous, Anne-Marie.
BONNE : Je dois m'asseoir ?
LUI : Vous ne comprenez donc pas ? Vous faites le quatrième.
BONNE : Ah ?
ELLE : On dirait que cette fille n'a jamais été à un
bridge… Allez, Monsieur Schlemm, la partie peut commencer.
BONNE : C'est des enfants.
LUI : Des enfants ?
BONNE : Oui… Il paraît qu'ils sont envoyés par un monsieur
avec un nom tout drôle.
ELLE : Nous on ne connaît pas de monsieur avec un nom tout drôle.
Comment s'appelle-t-il ?
BONNE : Attendez… Gaga, je crois… Gagaèlle… oui,
Gagaèlle.
LUI : Comment ils sont ces enfants ? Bien habillés, au moins ?
BONNE : Oh oui Monsieur, habillés ils sont bien.
LUI : Ils peuvent venir.
1er QUETEUR : Bonjour Messieurs-Dames. Nous venons pour le KKL.
LUI : Mais qui c'est donc ce type, à la fin !
2ème QUETEUR : C'est pas un type, Monsieur… C'est une abréviation.
Vous ne connaissez donc pas le Keren Kayemeth Leisraël?
ELLE : Leisraël, vous dites ?
1er QUETEUR : Oui Madame !
ELLE : Arthur, fais attention…
LUI : Ecoutez mes enfants. Vous voyez qu'on n'a pas beaucoup le temps. Qu'est
ce que vous voulez?
2ème QUETEUR : Ben, on ramasse de l'argent…
LUI : Vous ramassez de l'argent ? Comme çà ? chez des gens qui
ne vous connaissent pas ?
2ème QUETEUR : Oui Monsieur.
LUI : Et vos parents, ils savent çà ?
1er QUETEUR : Oui Monsieur.
LUI : Et ils ne vous grondent même pas ?
2ème QUETEUR : Oh non, Monsieur. Mon papa est aussi un sioniste.
ELLE : Tu entends, Arthur ? C'est des sionistes !
LUI : Ah vous êtes des sionistes, et vos parents aussi. Et vous voulez
de l'argent ! Pourquoi vous en voulez de l'argent ?
1er QUETEUR : Pour Israël, Monsieur.
LUI : Aha ! Pour Israël… ecoutez, jeunes gens… Est-ce qu'il
y a aussi des sionistes en Israël ?
2ème QUETEUR : Mais Monsieur, en Israël, tout le monde est sioniste
!
LUI : Alors çà ne m'étonne plus !
ELLE : Qu'est-ce qui ne t'étonne plus, Arthur ?
LUI : Que tout marche si mal là-bas !... Qu'est-ce que tu veux, un
pays où tout le monde ramasse de l'argent, çà ne peut
pas exister.
1er QUETEUR : Alors Monsieur ? Qu'est-ce que vous nous donnez ?
LUI : Babette… Est-ce qu'il reste encore quelques pralines ?
2ème QUETEUR : On ne demande pas des pralines, Monsieur.
1er QUETEUR : Oh non ! On n'est pas des schnorrers (41),
vous savez.
LUI : Ecoute çà, Babette ! C'est pas des schnorrers, et ils
veulent de l'argent. (Il sort un billet) Tenez Voilà cent francs et
laissez-nous en paix.
1er QUETEUR : Merci Monsieur… On marque votre nom ?
LUI : quoi ! Dess tet jetz noch fenle… (42)
Pour que tout le monde il dise que je finance les sionistes… allez,
kinder, allez !
LUI : Vous savez, Monsieur Schlemm, les pauvres gens ont tout de même
plus de chance que nous. Eux au moins, les sionistes ne viennent pas leur
demander de l'argent.
SCHLEMM : En effet, en effet… si nous commencions cette partie, Monsieur
Zweifuss ?
LUI : Cà oui. C'est temps qu'on commence… (Il prend ses cartes,
les regarde)… Nom d'une pipe ! J'ai rien que de çà
!
ELLE : De quoi Arthur, tu n'as que de çà ?
LUI : Du cœur ! Regardez : c'est fou ce que j'ai du cœur !
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