André Neher |
A l’auberge (A. Lévy) |
"Pour être resté longtemps en dehors de la bourgeoisie, le judaïsme d'Alsace n'en a pas adopté les graves travers, l'égoïsme issu de la libre concurrence, le besoin de sauver la face en affirmant extérieurement une aisance qui n'a pas de correspondance intérieure. "Le Juif d'Alsace est resté fidèle à la vieille formule de la morale talmudique : il ne paraît pas plus qu'il n'est et il est tout entier dans ce qu'il paraît être. De là, une solidarité profonde et naturelle avec le non-juif. Le fameux "antisémitisme" alsacien est un produit des villes et de la bourgeoisie. "A la campagne, la maison juive, largement ouverte, ne cachait aucun mystère et accueillait le brave goy avec une sympathie fraternelle. La synagogue ne se fermait pas davantage à l'étranger, et l'on tenait à l'office de Kol Nidré, à Yom Kippour, à un auditoire non juif, groupé respectueusement dans les derniers bancs de la petite Shoule. "Inversement, le colporteur juif, ou le marchand de bestiaux avait, le long de ses itinéraires, des relais. C'étaient les fermes ou les auberges, où le propriétairenon-juif lui servait uniquement du pain et des œufs et lui demandait s'il avait déjà mis ses tephilîn (les philactères). La place du Juif dans la vie économique rurale, sa situation d'intermédiaire pour les bestiaux, les grains, les terrains ne reposaient pas sur le besoin, mais sur la confiance." |