MUNICH - 1938 Depuis 1933, Adolf Hitler menaçait la paix en Europe. Il réoccupa la Rhénanie puis envahit l'Autriche. En septembre 1938, il voulut envahir la zone des Sudètes de la Tchécoslovaquie et les Alliés (le Président du Conseil Français Edouard Daladier et le Premier Ministre britannique Neville Chamberlain) le laissèrent faire en signant un accord à Munich, accord qui ne fut pas respecté par Hitler et aboutit à la guerre de 1939 - 1945. Toutefois à Strasbourg, ville frontière, on craignait la guerre et mon père fit partir sa petite famille (j'avais donc 13 ans et demi) d'abord à Saint Dié puis à Vittel, enfin à Vichy dans un petit hôtel. Je me souviens que le soir de la signature de l'accord, tout heureux d'avoir échappé à la guerre, je fus chargé, alors que nous dégustions une omelette norvégienne, d'annoncer, à grands cris dans les étages de l'hôtel, ce que nous pensions être la fin du cauchemar. Daladier, lui, voyait plus clair. A sa descente d'avion, au Bourget, au retour de Munich, il pensait se faire huer par la foule. Lorsqu'il vit la foule, soulagée, lui crier sa joie, il dit, à mi-voix : « Les cons, s'ils savaient ». 1939 - 1945 LE PUY EN VELAY Le 3 septembre 1939, Strasbourg fut évacué de tous ses habitants. Les réfugiés furent accueillis, plus ou moins bien, dans le Périgord et ses environs. Pour notre part, mon père eut l'intelligence de prévoir le pire et loua, début 1939, un appartement de 4 pièces au Puy en Velay (Haute-Loire) ou, plus exactement, à la Renaissance, commune de Chadrac - et ce, pour y passer nos vacances et servir éventuellement de base de repli -. Il l'avait fait meubler de façon sommaire et l'on dut, par la suite, l'améliorer en style «Louis caisse ». Malheureusement, dès la première année ce fut la guerre. Notre appartement se trouvait dans la maison Tollemer (du nom de l'entrepreneur qui la construisit et qui fut - comme deux millions de soldats français - prisonnier de guerre de 1940 à 1945). C'était une construction récente - comme à peu près tout le quartier de la Renaissance -. Et c'est parce que ces constructions étaient vides puisque récentes, qu'elles accueillirent, après la débâcle de 1940, de nombreuses familles de réfugiés. Rien que dans notre maison, sur les 7 appartements qu'elle comprenait (dont celui de Mme Tollemer) se trouvaient, outre nous, mon oncle et ma tante Louis et Hélène Hirsch et leurs filles Lucienne et Eliane ainsi que les Gaston Weil de Strasbourg, les David de Sarre-Union et les Marx de Saverne. Personnellement, j'ai rejoint directement Le Puy avec mon ami Jean-Claude Lévy (tombé, dans les rangs de la Première Armée Française en avril 1945). Nous y arrivâmes, sac au dos - en provenance de notre camp éclaireur de Valloire (Savoie) - Le 3 septembre 1939: la guerre. Il fallut s'organiser et, d'abord, nous envoyer, mes soeurs et moi à l'école. J'allais au Lycée Charles et Adrien Dupuy au Puy et j'ai suivi les cours de la 3eme à la 1ere (avec Latin et Grec). Jusqu'à la débâcle (défaite de nos armées en mai juin 1940), mon père était à Bourbonne-les-Bains (Haute Marne) où il avait replié l'affaire (ainsi nommions-nous l'entreprise Valfer et Meyer, négoce de tissus dont il sera question plus loin). De septembre 1939 à mai 1940, ce fut la période appelée « La drôle de guerre » car il ne se passait que fort peu de choses. Les allemands préparaient leur Blitz-Krieg - guerre éclair - qui écrasa la France en 6 ou 7 semaines en mai-juin 1940. Je me souviens qu'en février 1940, ma mère alla skier à l'Alpe d'Huez. Et là, son hôtel, l'Hôtel des Trois Dauphin (sans s car 3 frères Dauphin) fut emporté par une avalanche. Elle fut surprise dans son lit et ne dut son salut qu'à un geste réflexe, mettant son bras devant le visage, ce qui lui permit de respirer, en attendant les secours plus d'une heure. A propos d'hiver, ils étaient très rudes au Puy et nous eûmes chaque année beaucoup de neige (et aller en vélo au Lycée à plus de 4 kms, par une route non déneigée... le pied s'enfonçant dans la neige à chaque coup de pédale !). Et je note ici que - si nous allions skier le dimanche, en autocar à gazogène, aux Estables (Mont Mezenc) - il nous arrivait de skier sur les hauteurs que l'on voyait de la ville. Nous y montions parfois en vélo en portant nos skis et redescendions à skis en portant le vélo. Parfois, nos cours de gymnastique, au Lycée, étaient remplacés par du ski. Il n'y avait pas, alors, de moyens mécaniques de remontée, ni sur les hauteurs du Puy, ni à la station de ski des Estables (il n'y en avait pas ailleurs, non plus. Dans les Alpes, il n'y avait que quelques trains à crémaillère). Nous montions le long de l'Alhambre et du Mézenc que nous dévalions par la suite. Et il nous arrivait même de monter sur le toit du car - alors qu'il roulait - en faisant attention de ne pas nous brûler aux conduites du gazogène (les véhicules, autos, cars, camions et tracteurs, fonctionnaient, alors, au charbon de bois : il n'y avait pas d'essence). Nous mettions nos peaux de phoque sur les skis, les jetions - nous aussi - du toit du car (sur les murs de neige) et montions à l'Alhambre, puis au Mézenc pour redescendre sur les Estables. Quelles belles balades alors ! Par contre, les étés étaient chauds et nous allions, régulièrement , nous baigner dans la Loire, près de Brives-Charensac ou «au Canal » ce qui faisait bien 5 kms à l'aller et autant au retour (toujours en vélo... il n'y avait plus de voitures en France durant la guerre du fait de la pénurie). Cela faisait beaucoup de kilomètres par jour en tenant compte des kilomètres que nous faisions également pour aller au lycée et en revenir deux fois par jour. Dès l'automne 1939, mes soeurs et moi rejoignîmes le scoutisme local, mes soeurs aux éclaireuses et moi aux EDF (Eclaireurs de France comme à Strasbourg). J'y fus très vite nommé chef de patrouille puis meneur de troupe. J'ai beaucoup à dire sur cette période de ma vie passée au Puy. En fait, ce fut mon adolescence et je reste encore, aujourd'hui, très attaché au Puy. Non seulement après guerre, je fis de nombreux voyages au Puy, mais également nous sommes allés en famille, avec femme et enfants, en vacances dans la région du Puy (à Borne dans la maison de Loulou et Yette Garnier). Le dernier voyage que j'ai fait au PUY date de cet été 1999 et j'y fus accueilli avec énormément de chaleur et de cordialité. En 1987, j'eus l'occasion de présider la St Charlemagne, Assemblée Générale des anciens élèves du Lycée Charles et Adrien Dupuy. J'y ai prononcé le discours suivant : Monsieur le Président, Mesdames, Dès l'été 1940, apparurent les premières restrictions car les Allemands réquisitionnaient tout. II fallait des tickets d'alimentation pour chaque produit. Mais, au Puy, du fait de la proximité des fermes, nous n'eûmes pas trop à en souffrir (alors que ce fut terrible dans les grandes villes). Et cela faisait encore des kilomètres à vélo pour chercher beurre, oeufs, fromages et autres produits. Une fois que maman attendait son tour, chez un fermier, près du Roc Percé, - oui., beaucoup de monde faisait comme nous - arrivèrent, à la grande frayeur de tous, les gendarmes... qui demandèrent poliment si on voulait bien les laisser passer en premier, car ils étaient en service. La IIIème République s'étant effondrée, ce fut l'Etat français du Maréchal Pétain qui la remplaça. L'on faisait chanter, dans les écoles, l'hymne à la gloire du vieux Maréchal
que nous pastichions :
A propos de godasses : quand nos chaussures d'enfants devenaient trop petites, on coupait le bout de l'empeigne et nous avions, ainsi, les doigts de pied « à l'aise ». L'une des premières lois prise par Pétain et son âme damnée Pierre Laval fut le statut des juifs (dès octobre 1940 sauf erreur) en faisant de ces juifs des citoyens de second rang (interdits dans de nombreuses professions, numerus clausus à l'université, entreprises privées mises sous contrôle d'un administrateur et plus tard d'un liquidateur...). Il fallut, un jour, fin 1942 je crois, oui, il fallut faire tamponner nos cartes d'identité du mot «juif» et ce fut alors que mes parents m'envoyèrent me cacher au Collège de Brioude (Haute Loire). Parmi les autres souvenirs rattachés au Puy : Les journaux clandestins : Par mes amis, notamment lyonnais, j'ai pu avoir en mains et diffuser ces journaux imprimés et diffusés clandestinement. Et aussi des photos du Général de Gaulle en uniforme de Général de Brigade. II venait d'être nommé à ce grade à titre provisoire (De Gaulle n'eut jamais d'autre grade) et d'entrer au dernier gouvernement de la IIIeme République, gouvernement présidé par Paul Reynaud. Ce fut l'une de ces photos que ma soeur Françoise emporta à Thonon (Haute Savoie) pour la faire signer par « son frère Xavier de Gaulle». J'ai caché cette photo dédicacée derrière une autre photo dans un de mes albums. Mais, après guerre, elle avait disparu : mon père l'avait brûlée, heureusement à temps, avant que mes affaires ne fussent fouillées par une descente de la Gestapo dans notre appartement (à mon retour des combats, alors que je rouspétais: « qui a touché à mes affaires» l'on me répondit: « ne t'énerve pas, c'était la Gestapo »). Cigarettes Players: Le premier maquis : Quant à mon père, de par ses contacts avec des réseaux de Résistance, il lui advint l'aventure suivante. Un jour de 1943, le Révérend Père Pinson, jésuite, vint le voir pour lui demander de lui prêter sa voiture pour 48 heures (une Vivaquatre Renault). Le Père possédait l'autorisation de circuler et de l'essence mais point de voiture. Il avait besoin de cette voiture pour créer le premier maquis d'Auvergne (avec le Colonel Lucien).
Leçons de natation : Une histoire que l'on ne connut qu'après la libération : Son épouse, Mme Zapalska, Professeur de gymnastique au Lycée de jeunes filles, a donné, pendant longtemps, des leçons de natation au bijoutier Bernard, lequel ne faisait aucun progrès. Cela se passait dans le canal d'amenée des eaux à la Papeterie Terle (où nous allions tous nous baigner et nous entraîner aux compétitions de natation). Voiture de la Gendarmerie : Il y eut des rafles au Puy. Deux ou trois jours avant la date prévue pour l'une d'elles, mon père fut convoqué à la Gendarmerie. Il y alla, avec la crainte que l'on devine. Et là. le Capitaine de Gendarmerie lui annonça qu'une rafle était prévue et lui conseilla de partir se cacher à la campagne. Et à la question de mon père : « avec quels moyens ? », le Capitaine répondit « Vous oubliez la voiture de la Gendarmerie». Et c'est ainsi qu'une partie de ma famille (oncle Simon et tante Berthe) purent se réfugier je ne sais où alors que mon père, ma mère et mes soeurs avaient trouvé un autre moyen. Carton à chapeau : Dans un immeuble voisin habitaient mon oncle Simon et ma tante Berthe qui hébergeaient un couple de vieilles personnes de Colmar (parents de Mme Heimmendinger, de Colmar également). Par contre. M. et Mme Théodore Heimmendinger, eux, n'avaient trouvé refuge que dans une boutique, sans eau, à quelques pas de là. Et, tous les matins, on pouvait voir M. et Mme Heimmendinger aller de chez eux chez leurs parents, Madame portant religieusement... un carton à chapeau... qui contenait le pot de chambre. |
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