Arrêtons le récit un instant pour présenter LA FAMILLE Ma famille paternelle Mon grand-père Abraham Meyer (1849-1889) de Wolfisheim, mourut alors que mon père n'avait que trois ans. Il laissa, seule, ma grand-mère Rachel née Blum (de Bischheim). Ce grand-père était marchand de bestiaux. Il était le fils de Gabriel Meyer lequel épousa en 1837 Bessel Dreyfus, une tante de mon épouse Lyse (née Dreyfus). Du fait de son veuvage, ma grand-mère Rachel ne vécut pas dans l'opulence, loin de là. Heureusement, ses frères l'aidèrent à faire vivre sa famille: Berthe, Simon et mon père Marcel, tous nés à Wolfisheim (près de Strasbourg). Petit garçon, à Wolfisheim, mon père est un jour rentré à la maison en criant à sa mère : « j'ai vu une voiture sans chevaux». (C'était la première automobile qu'il voyait). Tante Berthe, l'aînée, pour sa part, donna des cours de français afin d'aider sa mère. Ils habitèrent Wolfisheim jusqu'en 1901 environ puis Strasbourg (d'abord Place Clément puis 58 Avenue des Vosges). Ma grand-mère Rachel avait-elle des difficultés à me supporter ? En tout état de cause, elle mourut alors que je n'avais qu'un mois. Mon arrière-grand-père, Simon Blum, le Mohel Shimele, père de grand-mère Rachel, avait la charge honorifique de circonciseur a Bischheim. Revenant d'une circoncision, il fut blessé mortellement par un obus lors du siège de Strasbourg en 1870. Ma famille maternelle Je devais avoir 6 ou 7 ans lorsque mourut mon grand-père Edmond Hirsch, un homme très fin et très distingué. II était né en 1864 -lors de la guerre de Sécession- dans un des Etats sudistes de l'Amérique du Nord : à Hazlehurst, vraisemblablement en Géorgie (et non la ville du même nom qui existe au Mississipi). Sa nourrice était une esclave. Grand-père me racontait qu'il tétait du café au lait ! Dans la famille, on raconte deux histoires de cette époque : Avant de fuir l'avance des nordistes, Aron enterra son or au pied d'un arbre. A son retour, tout était dévasté et ses repères avaient disparu. C'est alors que l'un de ses vieux esclaves, d'une honnêteté qui force l'admiration, vint lui montrer « c'est là, maître ! » (cela prouve, aussi, que c'étaient de bons maîtres). Grand-père était industriel (on disait alors « fabricant ») : Fabrique de draperies Goellner et Hirsch et, d'autre part, Président de la Communauté Israélite de Bischwiller. Mes grand-parents habitaient Bischwiller, 25 Rue de la Gare, non loin de la fabrique. La demeure était vaste (.. et, sur le tard, grand-mère vivait seule dans ses 18 pièces) et je venais souvent et avec plaisir en vacances à Bischwiller. J'avais « ma » chambre. En 1945, alors que la synagogue avait été détruite par les nazis, une synagogue provisoire fut installée dans l'aile arrière de la maison - dont les Allemands avaient fait un atelier de pièces pour les avions Messerschmidt -. Mon arrière grand-père Alphonse Je me souviens bien de mon arrière grand-père Alphonse Geisenberger, né sous Louis-Philippe et ancien combattant des armées de Napoléon III. En effet, j'avais 9 ans lors de son décès en février 1934, à 87 ans. II était boucher... et rentier à 42 ans ! Le 8 mai 1995, lors d'une cérémonie officielle organisée par la municipalité de Haguenau sur la tombe de mon arrière grand-père et réunissant plus de 200 personnes au cimetière juif de Haguenau, furent prononcés des discours dont voici quelques extraits : "Il y a des circonstances où l'on peut conjuguer le temps du souvenir avec le temps de la mémoire. Nous sommes rassemblés ce matin en ce lieu de recueillement pour rendre hommage à un haguenauvien M. Alphonse Geisenberger qui honora son pays par de belles actions patriotiques... ce qui lui valut d'être arrêté et proscrit par les autorités allemandes du 31 juillet 1914 jusqu'en avril 1918. Le Comité haguenauvien du Souvenir Français » a souhaité honorer la mémoire de l'un de ses pionniers : Alphonse Geisenberger co-fondateur en 1907, avec son ami Louis Eichinger, lui-même délégué pour l'arrondissement, du Comité de notre ville. Le jour où les troupes françaises du Général Gérard entrèrent à Haguenau, le 26 novembre 1918, Alphonse Geisenberger leur souhaita la bienvenue au nom des anciens combattants de 1870-1871 et le Général Gérard lui donna l’accolade. Le 14 juillet 1919, sur la Place de la République à Strasbourg, le Vétéran Geisenberger reçut la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur des mains d'Alexandre Millerand, alors Commissaire Général en Alsace et, plus tard, Président de la République. Une tombe comme celle-ci est un signe privilégié. Les ancêtres Voir les arbres généalogiques remontant, en partie, jusqu'à 1690. Actuellement, ces documents sont « en vrac ». II convient que je les mette au propre... un jour. En fait, ma famille, tant du côté paternel que du côté maternel, descend de ces vieilles familles juives, alsaciennes depuis plus de 300 ans. Et l'on trouve de nombreux ascendants dans « le dénombrement des Juifs d'Alsace ordonné par Louis XVI en 1784 » (la population juive d'Alsace était, alors, d'environ 19500). Ce sont donc des juifs dits traditionalistes - qui sont devenus peu ou très peu pratiquants - mais tous ancrés, très profondément et historiquement dans la citoyenneté française. Mon père Malgré les difficultés qu'avait sa famille pour vivre, mon père, Marcel Meyer, fut envoyé néanmoins à l'école française à Remiremont afin d'avoir une instruction française (n'oublions pas que l'Alsace dépendait, alors, de l'empire allemand et ce, de 1871 à 1918). Les sentiments francophiles étaient tels qu'il dit, à une élève allemande de son cours de danse - vers 1905 - Il fit son service militaire puis la guerre en tant que Vize-Feldwebel (oui, dans l'Armée Impériale de Guillaume Il), dans le service « habillement » à Strasbourg même. Il avait commencé sa vie active en tant qu'apprenti chez un négociant en tissus, la Société Lévy-Jaudel, grimpa les échelons et s'installa à son compte en s'associant avec Samuel Valfer vers 1920. La Société Valfer et Meyer - qui devint un négoce très important - s'installa à Strasbourg au Quai de Paris, puis dès 1925 au 14 Rue du Faubourg de Saverne et 7-9-11 Rue du Marais Vert (son adresse télégraphique était VALMEY). Durant la guerre de 1939-1945, l'essentiel de son stock fut vendu par les autorités allemandes pour leur propre compte. Après le décès de M. Valfer (1946), la Société se transforma en SARL puis plus tard en SA. Lorsqu'il signa, pour la première fois, à titre de PDG, mon père s'exclama : II est à noter que c'est alors qu'il avait 60 ans que, après la guerre et le décès de Valfer, il ressuscita seul l'affaire mise à mal par les événements. Il travailla jusqu'à son décès à 78 ans, le 10 octobre 1964, n'ayant pris sa retraite officielle que le 1er janvier 1963. Ma mère Excellente mère, vive, spirituelle. Bien aidée par le personnel domestique, elle s'adonnait beaucoup au ski et au patin à glace, au tennis et à la natation. Il arrivait, à maman, de faire attendre le taxi qui la ramenait du bal - au petit matin - en robe longue, pour repartir à la gare en tenue de ski. En effet, alors, il n'y avait que le train pour aller skier. On prenait, ensuite, le car de Barr au Kreuzweg puis on montait à ski au Champ du Feu pour redescendre par la Perrheux sur la gare de Rothau pour le retour. Elle était très cultivée, notamment en lettres. Outre l'école allemande, qu'elle suivit jusqu'en 1918, elle eut un précepteur à la maison pour les lettres et l'histoire française et fut envoyée en 1919 en pension à Versailles pour y parfaire ses connaissances. Dès avant la guerre, elle avait été touchée par la maladie cardiaque - que personne ne diagnostiqua alors - et qui, miraculeusement, ne la gêna nullement durant la guerre. Après guerre, alors qu'elle circulait en vélo, elle ressentit son premier infarctus, s'assit sous un arbre et repartit ensuite en vélo. Puis, les infarctus se multiplièrent et elle en était très fatiguée. Elle mourut à 57 ans le 15 juillet 1958
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