Achille Baumann est né le 11 mars 1869 à Illkirch-Graffenstaden.
Il était le fils de Nathan Baumann, marchand de grains à Fegersheim,
et de Julie Lévy. Il épouse Jeanne Lévy, dont il aura
trois enfants :
- Georges, l'aîné, qui dirigera les Grands Moulins de Strasbourg,
- Madeleine qui épousera un négociant, Monsieur Heilbronn
et
- Paul qui sera directeur des Grands Moulins de Bruxelles et d'Anvers (marié
en 1930 avec Denyse, Babette, fille de Jules Simon Asch, banquier à
Strasbourg, et Marthe Henriette Hess, son épouse).
A la mort de son père en 1894, son oncle, Jacques, son frère, Lucien et lui-même dirigent le moulin d'Illkirch, situé près de la Niederbourg. En 1899, une nouvelle extension du moulin est réalisée. L'entreprise ne se nomme plus Gebrüder Baumann, mais Illkircher Mühlenwerke.
Mais le 21 septembre 1902, le moulin est la proie des flammes. Le Conseil
d'Administration de la minoterie décide de reconstruire l'entreprise
dans le port de Strasbourg. Achille Baumann devient avec Henry Lévy
le directeur de l'usine. En 1913, la capacité du moulin du Port du
Rhin est portée à 6000 sacs (300 tonnes/jour) et Achille Baumann
peut écrire "Notre moulin était devenu en 1913, c'est-à-dire
dix ans après son transfert au Port du Rhin, le plus important non
seulement d'Allemagne mais de tout le continent."
Après la Première Guerre mondiale il prendra le nom de Grands
Moulins de Strasbourg.
Achille fait aussi partie du Conseil de surveillance des Minoteries alsaciennes, entreprise située au port du Rhin à Strasbourg" (1). Les Grands Moulins seront encore agrandis, notamment en 1930. Du point de vue technique, l'installation de déchargement des grains permettait de vider trois péniches et soixante wagons en 24 heures. La capacité des silos de 16000 tonnes correspondait à un approvisionnement de trente jours (2).
En avril 1937, des raisons personnelles le conduisent à démissionner. Il sera nommé maire honoraire par le Conseil municipal, le 21 mai 1937, et remplacé par Georges Lauffenburger.
La villa d'Achille Baumann en 1913 Photo © Jean Daltroff |
Détail de la porte d'entrée de la villa. A noter les initiales A.B. et J.L. : Achille Baumann et son épouse Jeanne Lévy - © Jean Daltroff |
Cette maison est l'expression d'une époque où les industriels pouvaient entretenir de vastes demeures avec une pléthore de personnel. Sept personnes assurent l'intendance de la villa, quinze autres s'occupent du parc, des potagers et de la ferme. De 1911 à 1916, Achille Baumann, achète différentes propriétés jouxtant son domaine dans le dessein de l'agrandir.
Après 1918, l'Alsace étant redevenue française, le domaine
d'Achille Baumann comptera jusqu'à vingt-cinq personnes. Outre les
sept personnes affectées à la villa, dix-huit employés
s'affairaient à la production d'énergie, au jardinage, à
l'élevage, à l'agriculture ou à la pêche. La production
d'énergie électrique était surveillée par un contremaître
et quatre ouvriers spécialisés tenaient une permanence 24 heures
sur 24.
Un contremaître-intendant supervisait la jardinerie et l'élevage.
Cinq jardiniers assuraient la production de légumes en tout genre,
de fruits variés y compris le melon et le raisin servant à faire
du vin et de l'eau-de-vie.
Deux cents poules, une douzaine de vaches de race formaient le cheptel de la
ferme qui était suivi par cinq personnes.
Une laitière s'occupait exclusivement du lait qui était traité
"à chaud" sur place : écrémage, fabrication
de beurre... et de fromage blanc. Une partie du lait était cédée
à l'Hôpital civil pour les nourrissons ; quelques particuliers
venaient acheter leur lait lors de la traite du soir.
L'agriculture consistait en la culture des céréales, du trèfle,
de la pomme de terre. Le blé était battu à la ferme en
utilisant une batteuse mécanique en location.
Outre les personnels déjà cités, un palefrenier s'occupait des quatre chevaux de trait. Le fils du responsable de l'élevage de la ferme a laissé un témoignage très intéressant (4) :
"Pendant longtemps j'ai considéré Achille Baumann comme un gentleman-farmer, un peu excentrique, qui tenait à en imposer. Quelques décennies plus tard et expérience commerciale acquise, je suis plein d'admiration pour ce précurseur du marketing. II faut se rappeler qu'il était actionnaire des Grands Moulins de Strasbourg et l'actionnaire le plus puissant.Les années 30 voient Achille Baumann préoccupé par les préparatifs guerriers d'Hitler et par la montée de l'antisémitisme en Allemagne et en Alsace.
"Il y avait toutefois un domaine où, déjà à l'époque, il y avait de l'argent à gagner, ce sont les farines animales que les Grands Moulins de Strasbourg produisaient après les avoir élaborées en laboratoire. Or pour concevoir il fallait un terrain d'expérimentation et pour vendre il fallait une vitrine. Les deux se trouvaient réunis à Illkirch. Pas une exposition régionale ou interrégionale sans animaux du domaine Baumann, avec médailles d'excellence à la clé. Pour ce qui concerne les vaches: prix d'excellence quasi assurés, meilleures laitières en qualité et en quantité de lait. La pub était garantie à tel point que pratiquement tous les éleveurs s'adressaient à mon père quand ils envisageaient d'acheter des bêtes. Quel meilleur argumentaire pour les commerciaux des Grands Moulins de Strasbourg, éventuellement ceux d'autres sociétés car Achille Baumann avait des intérêts dans plusieurs firmes s'occupant de produits alimentaires... Je pense aujourd'hui que rien de ce qui se passait dans le domaine n'était le fait d'une quelconque lubie, tout était calculé et organisé pour en tirer le maximum de rentabilité. Mais il fallait en avoir l'idée."
Après la victoire des alliés le 8 mai 1945, l'ancien maire honoraire revient dans sa villa, mais les activités de la ferme ne sont plus que symboliques. Son tempérament d'homme d'action le conduit à agir au profit de l'Institution du Moulin-Vert, l'Hospice Elisa, situé de nos jours dans la commune de Geispolsheim. En sa qualité de président du Comité d'Organisation pour la construction du Mémorial érigé aux martyrs de la communauté israélite de Strasbourg-Cronenbourg, il déploiera une intense activité pour conduire à bien ce projet et ce, jusqu'au dernier jour de son existence.
Pour que ne s'éteigne pas la mémoire des 800 morts de la communauté
juive de Strasbourg pendant la seconde guerre mondiale, les architectes Cromback
et Picard, Georges Singer, sculpteur ont aussi particulièrement contribué
à la construction de ce mémorial.
C'est le dimanche 28 septembre 1951 qu'eut lieu, devant une foule de plus
de 2000 personnes, la cérémonie d'inauguration du Mémorial
au cimetière de Cronenbourg. Elle se déroula sous la présidence
du Grand Rabbin de France, Isaïe
Schwartz, et de Pierre Pflimlin, ministre du Commerce et des Relations
Économiques Extérieures.
Peu de temps auparavant, Achille Baumann s'était éteint dans
sa propriété le 7 août 1951, à l'âge
de 82 ans. II repose avec son épouse, à deux pas du Mémorial,
au cimetière israélite de Strasbourg.