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Madame Samuel…
Jamais je n’aurais pu vous appeler autrement. Jamais aucun de nous, vos anciens enfants de "Guy Patin", n’aurions osé vous appeler Aya… pas plus que vous, n’auriez osé nous tutoyer…
Et pourtant…depuis cinquante ans, que nous nous connaissions, nous aurions
pu…
Mais nous avions un tel respect pour vous, une telle adoration, que cette familiarité
ne nous venait même pas à l’esprit.
Mais aujourd’hui, alors que vous avez décidé de rejoindre
Monsieur Samuel, votre Nathy adoré, laissez-moi prendre cette liberté
de vous appeler enfin Aya.
Vous avoir eu pour amie a été un privilège exceptionnel,
car vous étiez une femme exceptionnelle.
Je vous imagine, en m’entendant de là-haut, faire la moue et ce
geste de la main, si caractéristique, qui voulait dire : ‘’qu’est-ce
que vous racontez comme bêtises’’.
Vous étiez une femme lumineuse ; une femme d’une bonté sans
limites ; une femme de foi et de devoir ; vous saviez donner votre amour aux
autres, grands ou petits ; riches ou pauvres ; surtout à ceux que la
vie n’avait pas gâtés.
Toute votre longue vie a été consacrée aux autres.
Dès la fin de la guerre, vous vous êtes mis au service des orphelins
dans votre maison d’enfants "Les Hirondelles" ; vous avez été
pour eux, une seconde maman.
Mais je me rends compte que je parle faux ; lorsque je dis "vous",
je veux dire "Monsieur et Madame Samuel" ; car on ne peux vous dissocier.
Vous formiez un couple si exceptionnel, si parfait, que même la mort n’a
pu vous séparer dans dans nos mémoires.
Vous n’avez eu que deux filles "biologiques" ; mais vous avez
eu, en réalité des centaines d’enfants. Ceux de la maison
d’enfants en Alsace. Ceux de la maison d’étudiants "Alain
de Rothschild-Guy Patin", dont je suis ce matin le porte-parole.
Oui, Madame Samuel, nous vous considérions comme notre deuxième
maman.
Comment oublier ce que vous avez fait pour nous ? Comment oublier l’amour que vous nous donniez, lorsque, loin de nos familles, nous venions chercher le réconfort dans votre cuisine, à Guy Patin, que certains appelaient "le confessionnal" ? Une chose nous a tous frappés, nous les jeunes étudiants venus d’Afrique du nord, des pays de l’Est ou d’Israël : la porte de votre salon était toujours ouverte ! Vous étiez toujours présente, toujours disponible, pour écouter , comprendre, aider. Ce que nous n’osions raconter à nos parents, nous venions vous le confier. Nos chagrins d’amour ; nos problèmes financiers ; nos échecs ou nos succès universitaires ; rien ne vous laissait indifférente. Nos réussites aux examens, vous rendaient fière. Nos peines de coeur, vous donnaient des insomnies ; mais vous saviez nous donner les conseils adéquats.Vous étiez la premiére à savoir que nous avions trouvé le ben-zoug idéal, et vous étiez la premiére à qui nous venions la présenter et solliciter votre approbation.
Combien de problèmes financiers avez-vous résolu, en prenant en charge bénévolement, le secrétariat des bourses Bishoffsheim. Vous vous battiez comme une lionne, aux côtés de M. Philippe Kohn, contre les assistantes sociales françaises, pour que la majorité des sommes disponibles, aillent aux jeunes étudiants juifs démunis et sans famille. Vous ne vous vantiez jamais de vos succès nombreux. Vous imposiez le respect au Comité, qui savait que lorsque Madame Samuel présentait un dossier, il n’y avait rien à ajouter ou retrancher.
Votre sourire permanent, votre bonté naturelle, votre écoute du prochain, faisait que ne pouvions que vous aimer . Oh ! combien nous vous aimions, Madame Samuel , combien nous vous adorions, combien nous vous respections. Et combien vous nous manquez déjà !
Nous aurions tant voulu vous garder parmi nous ; jouir encore quelques années de votre amour, mais aussi de votre humour… un exemple récent : lors de votre derniére hospitalisation à Shaarei Zedek, le médecin vous demanda : "quels sont vos antécédents médicaux ?" vous lui répondites avec votre malicieux sourire : "j’ai 93 ans" !
Vous n’aviez plus envie de vivre ; votre plus cher désir était de rejoindre votre cher Nathy . Vous voici désormais réunis pour l’éternité.
Pour nous, une époque est révolue.
Nous voici de nouveau orphelins.
A nous de reprendre le flambeau de vos idéaux : Ahavath Am Israël
; ahavath Torath Israël ; ahavath Eretz Israël .
Vous avez été tous les deux, Monsieur Samuel et vous, l’exemple d’un judaïsme orthodoxe ouvert, accueillant et compréhensif. Votre style de vie a été pour plusieurs générations, un exemple inestimable, que nous saurons, si D. veut, transmettre à notre tour.
Et avant de nous dire adieu, je voudrais, à mon tour, comme l’a fait Paul Zylbermann pour ma maman Z’’L, vous lire ce poème que vous auriez aimé : |
L’amour ne disparaît jamais ; la mort n’est
rien Je suis seulement passée dans la pièce à côté. Parle-moi comme tu l’as toujours fait ; Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Prie, souris, pense à moi. Que mon nom soit prononcé à la maison, Comme il l’a toujours été, naturellement. Pourquoi serais-je hors de ta pensée Simplement parce que je suis hors de ta vue ? Je ne suis pas loin, Juste de l’autre côté du chemin. Adieu AYA ! |
Comment Monsieur et Madame Samuel ont-ils pu donner tant de bonheur aux enfants,
sans famille, que nous étions ?
D’abord, par leur exemple, leur disponibilité et leur gentillesse
toute naturelle.
Nous dormions dans un grand dortoir, nous mangions dans un grand réfectoire,
mais nous n’avions pas l’impression de vivre en collectivité.
Mille petits détails ont fait que nous vivions comme une grande famille
associés même à la propre famille de Madame Samuel et considérant
Fanny et Eve-Anne comme nos petites sœurs. Madame Samuel accordait son
attention à chaque enfant selon son caractère, ses besoins, ses
désirs. De plus elle tenait à notre dignité individuelle
et refusait avec détermination que l’entourage nous considère
avec compassion.
Nous pouvions à tout moment venir nous confier, demander un conseil,
trouver une oreille attentive, jusqu'à leur appartement dont la porte
nous était toujours ouverte.
Madame Samuel nous a initiés à la musique, au piano, ce qui fut
pour moi un grand bonheur – lointaine réminiscence de ma maison
natale.
Madame Samuel nous a inculqué le goût de la lecture. Quelle chance
de pouvoir aller au spectacle – le théâtre se situait près
de la Maison d’Enfants.
Nous n’oublierons pas les incursions à la pâtisserie, les
descentes à la cuisine où nous dégustions le Shabath matin
les restes du poisson du vendredi soir, tout ceci sous l’œil attendri
et connaisseur de Madame Samuel.
Comment savait-elle nous tenir en haleine ! Les histoires au gré de sa
fantaisie, de son imagination, nous fascinaient. Tout le Shabathétait
empreint d’une ambiance juive chaleureuse. Nous vivions naturellement
et sans contrainte, selon l’exemple de Monsieur et Madame Samuel, un judaïsme
profondément sincère et authentique.
Monsieur et Madame Samuel nous ont accompagnés depuis l’enfance
et pour moi jusqu'à la 'Houpa.
Merci, Madame Samuel, pour votre inoubliable sourire, pour ce que vous avez
été pour nous, pour tout ce que vous nous avez transmis.
Née à Obernai en
1912.
Fille de Albert et Rosette
NEHER.
Soeur de Suzel, Richard
et André NEHER.
Mariée durant 64 ans avec Nathan
SAMUEL (décédé à Jérusalem en Octobre
2000)..
Mère de Fanny (veuve de Emile TOUATI) et de Eve-Anne ZERBIB.
Réfugiée durant la guerre à la Praderie (“Mahanayim”) près de Brive-la-gaillarde (Corrèze).
Après la guerre, elle dirige avec son mari les maisons d’enfants de l’OSE à Lyon (“l' Hirondelle”) et à Haguenau (“les Cigognes”) ou ils s’occupent des enfants dont les parents ne sont pas revenus de la déportation.
De 1956 à 1974, elle dirige avec son mari la maison d’étudiants le “Toit Familial” à Paris (rue Guy Patin) où résidèrent des centaines d’étudiants juifs de province et de l’étranger.
Le couple s’installe en Israël en 1974, où ils poursuivirent de nombreuses actions sociales et de Guemilouth Hassidim (en particulier dans les quartiers défavorisés de Jérusalem).
Décédée le 9 Hechvan 5766 (10/11/05) à Jérusalem âgée de 93 ans, elle sera inhumée le lendemain au Har Hamenuhoth en présence de sa famille et amis et de nombreux de ses “enfants” de l’OSE et de “Guy Patin”.
Elle laisse deux filles, quinze petits-enfants et 72 arrières-petits-enfants