Nathan KATZ
1892 - 1981


Nathan Katz - dessin de Eugene Henri Cordier


Nathan Katz est un poète et dramaturge alsacien né le 24 décembre 1892 à Waldighoffen et mort le 12 janvier 1981 à Mulhouse.
D'origine juive mais marqué par l'empreinte du christianisme et du bouddhisme, voyageur durant une longue partie de sa vie mais attaché au paysage alsacien, c'est un grand poète d'expression dialectale.

Son père tenait une petite boucherie à Waldighoffen, et sa mère, originaire de Blotzheim était couturière. Le jeune Katz fréquente l'école primaire allemande de son village natal et c’est sa mère qui lui enseigne les premières bribes de français. Il lit les brochures pour la jeunesse, puis les grands classiques.
C’est la boucherie familiale qui lui donne accès à la littérature contemporaine à travers Rilke, Péguy, Francis Jammes, Mistral, Rabindranâth Tagore. En effet, un chiffonnier qui livrait à Bâle en revenait avec une cargaison de journaux dont il approvisionnait le commerce des Katz. Le jeune Nathan y découpe les rubriques littéraires et se réserve les revues spécialisées qui l’initient aux lettres de son époque.
À l’école primaire il avait appris quelques poèmes de Johann Peter Hebel. C’est encore à la boucherie familiale qu’un marchand de Bade, autre messager du destin, après l’avoir entendu réciter, lui offre un volume du poète alémanique.

À quinze ans, il entre comme "apprenti de bureau" à l’usine de tissage et de filature des Frères Lang, toujours au village natal de Waldighoffen. Mais cela ne change rien à sa soif de connaissances et de lectures. Il lit avec un même enthousiasme les auteurs antiques (Sophocle, Euripide, Aristophane, Platon), les Orientaux (le Perse Hafiz ou l’Indien Kâlidâsa, les poètes de la Chine médiévale Li T’ai-Po et Tu Fu) et, bien entendu, les grands modernes (Goethe, Schiller, Hölderlin, Heine, tout comme Racine, Balzac, Baudelaire). Durant ses loisirs il compose ses premiers vers, qu'il porte à la rédaction du Mülhauser Tagblatt.

Katz est incorporé, pour son service actif sous l’uniforme allemand à partir de septembre 1913. Trois semaines plus tard, le 20 août 1914, près de Sarrebourg, il a le bras droit brisé par une balle. Il est opéré et hospitalisé à Tübingen, oùune intervention chirurgicale lui évite la paralysie du bras droit. jusqu’à fin octobre, Après sa convalescence, il est affecté à un détachement de la Croix-Rouge de Fribourg-en-Brisgau, où suit des cours sur la littérature alémanique.
Dès janvier 1915 il rejoint le 150e Régiment d’infanterie à Allenstein, en Prusse Orientale, puis, en mars 1915, le front russe. En juin 1915, il est fait prisonnier à Ostrolenka et interné aux camps de Sergatsch et de Nijni-Novgorod jusqu’en août 1916.. C'est là qu'il compose, en juin 1915, les poèmes de son premier recueil Das Galgenstüblein. Ein Kampf um die Lebensfreude., qui sera publié en 1920. C'est un recueil de textes en prose et de poèmes en allemand, écrits en 1915 dans le camp de Sergatsch, dans lesquels le prisonnier évoque les malheurs de guerre et chante son pays natal.

Le 26 août 1916 il est rapatrié à Monistrol-sur-Loire. De septembre 1916 à janvier 1918, il passe seize mois au camp de prisonniers de guerre de Saint-Rambert-sur-Loire. Au printemps de 1918, après un séjour à l’hôpital militaire de Saint-Étienne, il est évacué au "Dépôt d’Alsaciens-Lorrains de Lourdesé. En décembre 1918, il est "mis en détachement pour se rendre à Waldighoffen", détachement renouvelé de trois mois en trois mois jusqu’en septembre 1919.

Pendant quelques mois, Nathan Katz travaille à la boucherie familiale, mais il ne peut se résoudre à y investir son avenir ; il gagne sa vie comme représentant en petit matériel pour usines textiles. À partir de 1923, il devient voyageur de commerce : d’abord pour l’industrie métallurgique, puis, de 1926 à 1931, pour les machines textiles. Pendant ces années de voyage en France, Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Hollande, Katz ne revient qu’épisodiquement au Sundgau.

En ces années d’entre les deux guerres, lors de séjours en Alsace, Katz fréquente ce qu’on est convenu d’appeler le Cercle d’Altkirch, un cénacle de jeunes écrivains et artistes comprenant Maxime Alexandre, Jean-Paul de Dadelsen, Eugène Guillevic, Frédéric Hoffet, André Jacquemin, Robert Breitwieser, Arthur Schachenmann et celle que l’on appelait avec déférence "Mademoiselle Bergson" .
En 1920, il se lie d'amitié avec Hermann Burte qui l'engage à écrire en alsacien, selon le modèle de J.P. Hebel.
En 1922, il rencontre le jeune poète breton Eugène Guillevic (qui n'est pas encore le poète communiste qu'on connaît), qui réside en Alsace : fils d'un gendarme, il a suivi ses parents à Ferette en 1919, où il apprend l'allemand et sa variante alémanique, l'alsacien.

Son poème épique, Annele Balthasar, est publié et représenté en 1924. Cette pièce dramatique en quatre actes est créée par le Théâtre Alsacien de Mulhouse en 1924 et par la suite elle sera reprise par plusieurs troupes en Alsace à Stuttgart et à Berlin. Elle considérée par beaucoup comme le chef-d'œuvre de Nathan Katz. C'est le chant de l'amour et de la mort de la belle et innocente Annele et de son fiancé Doni. L'auteur s’est directement inspiré du procès d’Anna Balthasar qui a eu lieu, à Altkirch en 1589, et décrit la terrible mécanique qui, à partir d’une simple dénonciation, fait enfler la rumeur, extorque les aveux et condamne à la mort. Cette chasse aux sorcières, ce n’est pas au moyen âge qu’elle a eu lieu, c’est à l’époque de Descartes ; ce n’est plus alors l’Église qui la mène, ce sont les États : ce ne sont pas des inquisiteurs qui les jugent, mais les magistrats d’un tribunal civil. Et ces politiques de terreur s’appuient sur une large adhésion populaire.

En 1930, il publie successivement :
- Sundgäu - Gedichter, son premier recueil de poésies en dialecte
- Die Stunde des Wunders - Erzählungen und Gedichte, un recueil de poèmes et de contes en langue allemande
- D’Ardwibele. E Spiel im Sundgäu, pièce de théâtre en huit tableaux avec une musique de Léon Kauffmann.
C'est aussi en 1930 qu'il fait connaissance de Jean-Paul de Dadelsen qui traduira ses poèmes en langue française.

La crise économique le contraint pour quelque temps au chômage. Le poète et peintre Henri Solveen, le présente alors à l’industriel strasbourgeois Adolphe Ancel qui possède une des plus grandes entreprises françaises dans la production des sachets de levure, de sucre vanillé etc., et qui l’engage comme "inspecteur-voyageur". Les déplacements recommencent, surtout vers le Midi de la France et l’Afrique du Nord. C’est dans le train, en bateau, à l’hôtel, sur une table de bistrot qu’il écrit alors la plupart de ses poèmes sundgoviens. De même il continue de lire et de relire les trois livres qui l’accompagnent partout : la Vie de Bouddha, le Faust de Goethe, la Vie de Jésus de Renan.

Réfugié à Périgueux, au début de la deuxième guerre mondiale, il se présente aux autorités, conformément aux consignes de son livret militaire. Mobilisé en septembre 1939, il est envoyé en Afrique du Nord pendant la "drôle de guerre". Le 22 novembre 1939, il est "rayé des contrôles" et se retire à Constantine.
Définitivement "renvoyé dans ses foyers" le 25 juillet 1940, il revient à Limoges où son usine strasbourgeoise avait été évacuée. Nathan Katz passe les années de guerre en zone libre, mais les lois de Vichy le feront congédier des Établissements Ancel en janvier 1942. Il avait, à ce moment-là, déjà perdu son patron et ami, ancien gazé de la Première guerre, qui entre temps s’était donné la mort. Sans occupation salariée du 1er janvier 1942 au 31 janvier 1946, Katz se trouve réduit à une maigre allocation de réfugié.
À Limoges, Katz fait la connaissance du jeune Georges-Emmanuel Clancier.
Il a aussi l’occasion de rencontrer Paul Valéry en 1942 : "Alors qu’il faisait une conférence, on entendit soudain de la rue monter le rythme des cuivres et des fifres d’un détachement allemand en parade. Valéry s’arrêta de parler, attendit que le martèlement des bottes s’estompât et dit : Je rends hommage à un grand Français : Henri Bergson."
Lors de la libération de Waldighoffen, il prononce l'hommage aux morts devant le général de Lattre de Tassigny. Très touché par l'élévation des paroles du poète, le général le fait appeler pour le féliciter : « Avec les armes, j'ai fait mon devoir pour la France, maintenant la Patrie a besoin d'hommes comme vous, aidez-moi. »

De retour en Alsace en 1945, il s'installe à Mulhouse, et travaille comme bibliothécaire à la Bibliothèque Municipale.
En mars 1948, il épouse Françoise Boilly.

En 1957, ayant pris sa retraite, il prépare une réédition augmentée de son œuvre poétique sous le titre 0 loos da Rüef dur d’Gàrte - Näïi Sundgäu Gedichter. L'ouvrage paraît en décembre 1958.

1968 : Adaptation filmée d' Annele Balthasar pour FR3 par le Théâtre Alsacien de Mulhouse avec Tony Troxler et Yvonne Gunkel.
1970 : L'association Jean-Baptiste Weckerlin publie deux récits de Nathan Katz ‘S Rosele et D’Gschichte vom e Rolli
1977 : la pièce Annele Balthasar est montée avec succès dans la grange de Bendorf. FR3 Alsace enregistre la version intégrale de l'œuvre pour la télévision régionale
1978 : Deux travaux importants sont consacrés à l'œuvre et au talent du poète :
- Yolande Siebert : Nathan Katz : Poète du Sundgau
- Victor Hell : Nathan Katz - Itinéraire spirituel d'un poète alsacien (ouvrage comprenant outre des poèmes de Nathan Katz, des textes de Shakespeare, Burns, Tennyson, Mistral, Peguy, Guillevic, etc... traduits par lui en alsacien).

En 1980, Waldighoffen rend un hommage solennel à Nathan Katz, en présence du poète
Nathan Katz meurt à Mulhouse le 12 janvier 1981 .

Nathan Katz était Membre de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques français, Membre de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine, Lauréat du Oberrheinischer Kulturpreis (1966) et du Grand prix de l’Institut des Arts et Traditions populaires d’Alsace, ainsi que du Bretzel d’or.

La Ville de Mulhouse organise les premières Journées Nathan Katz en juin 1983 à l'initiative du maire Joseph Klifa. Françoise Urban-Menninger, alors attachée culturelle, coordonne ce vaste projet en lien avec Françoise Katz, Yvonne Gunkel, Francis Haas, le Théâtre alsacien de Mulhouse. Eugène Guillevic, ami et traducteur de Nathan Katz sera présent lors de cet hommage.
En 1992, pour le Centenaire de la naissance du poète, des manifestations culturelles ont été organisées pendant toute l'année dans les communes d'Alktkirch, de Mulhouse et de Waldighoffen.

Nathan Katz a donné son nom à un collège du Sundgau : le collège Katz de Burnhaupt-le-haut, baptisé en 2010.

Le prix Nathan Katz du Patrimoine est un prix littéraire français distinguant des auteurs du patrimoine littéraire alsacien dans ses différentes langues, créé en 2004 à Strasbourg. L’Association capitale européenne des littératures (Eurobabel) qui l’organise a été officiellement fondée en juin 20052. Elle a son siège sur l'emblématique place du Marché Gayot, dans le vieux Strasbourg.
Il est parrainé par le Conseil régional du Grand-Est et l’Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA).

Oeuvres de Nathan Katz
disponibles à la Bibliothèque municipale de Mulhouse (avec cote de recherche)
KATZ (Nathan) Annele Balthasar ; Thann, Ed. des Jeunes, 1924, 104 p. F 400 373
F 401 618
KATZ (Nathan) D’Ardwibele. E Spiel im Sundgäu ; in 8 ; Bildem.-Colmar F BR I 1867
KATZ (Nathan) Les Ardwibele. Conte lyrique ; Mulhouse, 1955, 56 p. ; Alsatia, 1930 F BR II 1268
KATZ (Nathan) Das Galgenstüblein. Ein Kampf um die Lebensfreude ; Strasbourg - Mulhouse, Edition de la Littérature populaire, 1920, 95 p. F 838
F 2351
KATZ (Nathan) Georgela ; Strasbourg, Bueb & Reumaux, 1983, 60 p. F 402 099
KATZ (Nathan) D’Gschichte vom e Rolli (Dr Bäuser) - Petite anthologie de la poésie alsacienne, V, 1970, p. 18/67 F 2412
KATZ (Nathan) Die Stunde des Wunders ; Alsatia Guebwiller ; 1930, 100 p. F 2878
KATZ (Nathan) Sundgäu ; Colmar, Alsatia, 1930, 126 p. F 400 372
KATZ (Nathan) Sundgäu ; Paris, Arfuyen, 1987, 64 p. F BR I 6762
F BR I 6759
KATZ (Nathan) Sundgäu Gedichter (0 loos da Rüef dur d’Gàrte) ; Colmar, Alsatia, 1958, 232 p. F 401 608
F 401 609
HELL (Victor) Nathan Katz, itinéraire spirituel d'un poète alsacien... ; Colmar, Alsatia, 1978, 232 p. F 701 585
Journées Nathan Katz, Semaine du 28 mai au 4 juin 1983. Soirée hommage le 11 juin 1983. Mulhouse, Mairie, 1983, 16 p. F BR I 6549
F BR I 6550
MATZEN (Raymond) "Nathan Katz, l'inimitable chantre du Sundgau..." dans : Bulletin du Musée historique et des Sciences humaine de Mulhouse, 1981, p. 105-132 FP 70.003
/1981
MULLER (René) "Nathan Katz, itinéraire d'un poète sundgauvien..." dans : Annuaire de la Société d'Histoire sundgauvienne, 1990 p. 109-140 FP 40 034
/1990
R.B. "Nathan Katz. Der Sundgaudichter." dans : Elsassland ; Tome X, 1930, p. 268 FP 70.016
/1930
SIEBERT (Yolande) Nathan Katz, poète du Sundgau... ; Strasbourg-Paris, - Istra, 1978, 272 p. F 401 957
F 401 962
SIEBERT (Yolande) "Nathan Katz, ou la modernité d'un poète d'antan..." dans : Recherches germaniques, 1983, n° 13 p. 197-214 P 40.410
/1983
STEINHAUSER
(Marie-Louise)
"Nathan Katz, poète du terroir" dans : Les Lettres en Alsace ; Strasbourg, 1962, p. 407-413 F 701 206
F 701 207
F 701 211
STINTZI (Paul) "Un poète sundgovien : Nathan Katz" dans : Bulletin des professeurs du lycée de garçons de Mulhouse, 1963-64, p. 71-75 P 40.302
P 40.309
HELL (Victor) Nathan Katz : l'universalité d'un poète dialectal ; Ed. du Rhin, 1993

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