En avril 1975, la nomination d’André Neher comme Chevalier de la Légion d’Honneur paraît au Journal Officiel. À la suite de cette annonce, il reçoit de très nombreuses lettres de félicitations. Parmi celles-ci, notamment un télégramme de Jean Halpérin, auquel il tient à répondre.
Mon cher Jean,
Votre télégramme, si chaleureux et formulé dans l’esprit "jérusalémite" dans lequel j’accueille ce ruban rouge, a suivi de peu un télégramme de Jacques Lazarus. Vous n’avez donc été précédé que d’une petite longueur, sympathique d’ailleurs, n’est-ce pas ? Dans "Jean", j’englobe naturellement l’ensemble "Halpérin" qui figure en guise de signature au bas du télégramme, apporté pendant havdala par un facteur-exprès et avant que, le lendemain, j’aie pu trouver confirmation dans Le Monde.
J’avoue que c’est seulement parce que je suis en Israël que cette nomination me fait plaisir. Elle montre que le Gouvernement français conserve un reste de cette Liberté en laquelle "j’avais cru", et ne garde pas rancune à ceux qui disent et écrivent ce qu’ils pensent de sa politique (1). Et puis, à travers ma personne, c’est un hommage aux études hébraïques dans les Universités de France, ce qui est important pour l’avenir de ces études, auxquelles Sirat (2) travaille avec tant de dévouement.
Enfin, quoique Renée ait fait souvent entrevoir qu’elle serait bien fâchée de cette mésaventure et était heureuse à l’idée que, la Méditerranée franchie, il n’en serait plus question (je n’avais plus rempli, l’an dernier, les formulaires de présentation par l’Université et refusé de signer lorsque le Secrétaire les avait remplis pour moi !), le souvenir de son père (3) la réconcilie avec la réalité qu’elle accepte avec d’autant plus d’émotion vraie que les témoignages viennent de cousins éloignés, avec lesquels nous n’étions plus guère en contact, mais qui nous télégraphient maintenant pour nous féliciter ; et ces Bernheim et Wellhoff (4) adressant leurs vœux à Jérusalem nous permettent de percevoir dans ce petit ruban rouge un lointain écho de la déclaration de Bonaparte lors de la campagne d’Égypte : "La Palestine, Royaume des Juifs…".
C’est de l’histoire vécue. De cette histoire que nous avons vécue si intensément en ce Pessa'h en Israël en famille car Hélène-Nathan [Samuel] étaient à notre Seder, et Richard-Julienne [Neher] au Seder de leurs enfants à Haïfa !
[…] J’aimerais m’entretenir encore beaucoup avec vous, mais il est près de minuit ! Nos amitiés affectueuses – et, en ce 27 Nissan(5), pleines de souvenirs graves – vont vers vous, votre chère Maman, tous les vôtres.
Votre
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