Charles ALTORFFER,
ancien maire de Strasbourg, est nommé Juste parmi les Nations
C'est à la suite d'un email que nous a envoyé Monsieur Vincent Wahl que tout a commencé : il avait lu l'article de Lucien Lazare, évoquant la communauté juive de Strasbourg à Limoges et Périgueux durant la Shoah, ainsi que celui de Robert Sommer sur le Grand Rabbin Hirschler, et avait demandé si nous disposions d'informations complémentaires sur l'action de Charles Altorffer en faveur des Juifs. Le grand-père de notre correspondant, Monsieur Brua, avait été son proche collaborateur, après l'évacuation de la population alsacienne dans le sud de la France. Ce sont les souvenirs évoqués par ce dernier, ainsi que la publication du journal de Charles Altorffer dans la revue l'Outre-forêt, qui ont permis d'entreprendre les démarches menant à cette nomination. La reproduction du document publié dans l'Outre-forêt sur notre site, avec l'aimable autorisation de Monsieur Charles Weick, éditeur de la revue, et le propre neveu par alliance de Charles Altorffer, ont permis de recueillir de nouveaux témoignages, et de susciter un intérêt qui a mené à la réparation de cette injustice historique, avec plus de 50 ans de retard, malheureusement ! Nous sommes fiers que notre site internet ait été l'élément moteur de ce processus. |
Pasteur dans le Bas-Rhin, devenu haut-fonctionnaire de la Troisième République, puis de Vichy sous l'Occupation, Charles Altorffer a été élu après la guerre maire de Strasbourg.
Il est décédé en 1960, unanimement estimé, respecté et aimé, en particulier par les Juifs. En septembre 1939, Charles Altorffer a été chargé de mission auprès des évacués d'Alsace et de la Moselle. Il fixa alors ses bureaux à Périgueux. Après la capitulation de la France, presque tous les évacués, sauf les Juifs bien sûr, rentrèrent chez eux.
Jusqu'à la Libération, Charles Altorffer, maintenu par Vichy dans ses fonctions et ses responsabilités, continua à veiller au bien-être de ses administrés, désormais juifs dans leur grande majorité. On a dit à juste titre qu'il a fait du "domaine" où il oeuvrait une enclave de la IIIème République au cur du régime de Vichy. Agissant ainsi, il a certes violé l'esprit de la politique du gouvernement, tout en respectant les lois et ordonnances en vigueur. Ce qui lui a valu l'affectueuse reconnaissance des Juifs.
Mais pendant plus d'un demi-siècle, personne n'avait su, même dans
son proche entourage, que Charles Altorffer avait risqué sa vie pour protéger
ses administrés juifs. Il aura fallu qu'un correspondant du site internet
du Judaïsme alsacien révèle un document dont la diffusion était
restée confidentielle, pour que la vérité éclate.
Le 4 avril 1944, la Gestapo a sévi au siège des uvres d'assistance juives à Périgueux, arrêtant et faisant déporter toutes les personnes présentes. Groupées sous l'appellation de l'UGIF, ces uvres distribuaient des allocations à des Juifs nécessiteux, cachés pour la plupart. Comment allaient-ils survivre alors que le bureau de l'UGIF était fermé et son personnel déporté ? En réalité, les allocations ont continué à leur être remises. Bien plus, le nombre des bénéficiaires de ces allocations a augmenté : de 400 en moyenne pendant les premiers mois de 1944, il a atteint plus de mille au mois de juin !
Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on a pu établir qu'après l'opération
fatale du 4 avril, Charles Altorffer a assumé clandestinement la direction
de l'UGIF. Transporté secrètement depuis Lyon par des agentes de
la résistance juive, l'argent de l'assistance était pris en charge
à Périgueux par Charles Altorffer. C'est lui qui ensuite le répartissait
aux assistantes clandestines de l'UGIF pour le faire remettre aux assistés.
En agissant ainsi, ce haut-fonctionnaire de Vichy s'est mis délibérément hors-la-loi. Altorffer s'est exposé personnellement à des risques majeurs afin de protéger les Juifs les plus déshérités de la Dordogne et des environs.
On savait déjà que les Juifs en Dordogne avaient été mieux protégés qu'ailleurs en France. Dans l'ensemble du pays, les pertes juives dans la Shoah s'élèvent à 25%, tandis qu'en Dordogne elles ont été de 10%. Charles Altorffer porte la responsabilité majeure du sauvetage des survivants.
Le 18 juin 2001, Yad Vashem a décerné à Charles Altorffer le titre de Juste parmi les Nations.