Allocution du Rabbin Joseph BLOCH,
à l’occasion de la ré-inauguration de la synagogue de Barr, le 18 mars 1956
transcription : Jean Camille BLOCH

"Je te garde le souvenir de l’affection de la jeunesse,
de l’amitié de l’âge printanier"
Jérémie 2:2

Permettez-moi, mes chers amis, de vous adresser à mon tour, quelques brèves paroles personnelles de souvenir, qui sortent, vous le comprendrez, d’un cœur bien ému.

Le premier novembre de l’année passée, il y avait 53 ans que je me trouvai, jeune rabbin pour la première fois, à cette place pour prononcer un sermon dans cette synagogue. Pendant presque quarante ans, je l’ai fait ensuite bien souvent pour exprimer notre joie ou notre deuil, aux temps de la paix ou aux temps de la guerre. A deux reprises pendant mon ministère ici, des guerres funestes ont dévasté nos provinces, fauché leurs habitants. La dernière meurtrière parmi toutes, n’a pas seulement dévalisé nos maisons consacrées au service divin - ce qui aurait encore été supportable – mais elle a aussi englouti d’une manière inconnue jusque là, un très grand nombre de ceux qui y venaient pour prier. Et c’est à eux que je voudrais consacrer ma première pensée, tous ceux qui forcement en ce moment passent devant mon esprit, parce que je les vois tout vivants dans le cadre intime de cette belle "schoul" - et je n’ai pas besoin de les citer nommément, leur nom se presse sur les lèvres de nous tous – avec ces pauvres victimes de la guerre, je réunis tous les hommes, toutes les femmes, tous les vieillards et enfants, martyrs obscurs des camps de la mort. Car nous opposons un refus catégorique à ceux qui voudraient effacer de notre mémoire les souffrances inouïes qu’un peuple barbare nous a fait subir. Nous ne pouvons pas oublier, nous ne devons pas oublier. Nos martyrs ont les yeux fixés sur nous. Ils ne connaîtraient pas la paix au ciel, et ici bas, notre conscience n’aurait pas de repos. Non ! Nous ne les oublierons pas.

Mais nos saints morts ne veulent pas que le souvenir d’autres, plus heureux, soit effacé devant le leur. Si la bonté divine nous a doués de cette faculté de remonter le cours des évènements, de nous retracer les époques de notre vie depuis longtemps disparues, le spectacle que notre imagination se plaît le plus à évoquer, c’est celui de notre jeunesse où tout nous souriait, où l’avenir se montrait à nos yeux sous les aspects les plus radieux, les plus rassurants.

Et bien ! Cette faculté du souvenir offre à mes yeux aussi les belles figures de tous ceux qui ont collaboré avec moi, durant ma longue carrière au service de cette communauté, petite en nombre, mais belle et florissante en qualité.
Les Elie WEIL, les Joseph et Emile LIEBER, les Charles et Alfred MOÏSE, les Gabriel et Alfred LEVY, les Camille et Gaston LEHMANN, les Fernand BAER et Samuel KLEIN, les Alfred BLOCH et Achille BLUM, les Benjamin et Arthur WOLFF, que la mémoire d’eux tous soit bénie ! Pour les autres aussi tout présents à mon esprit, proches de mon cœur. Je pense à mes anciens et anciennes élèves auxquels je voulais donner le meilleur de moi-même et qui n’ont pas oublié leur rabbin, je suis fier de pouvoir le dire. Et je ne peux pas passer sous silence ici, mes amis des autres confessions dont je garde un fidèle souvenir. Pour ne citer que ceux qui ne sont plus parmi les vivants : les pasteurs UHLHORN et SCHULTZ, les curés RECHT et VOGEL, les maires MOERLEN et BAUMHAUER, les docteurs Emile et Gustave WAGNER, mes amis Emile KARMANN et Emile HERING. Je m’excuse de ne pouvoir mentionner tant d’autres.

Vous ne m’en voudrez pas mes chers amis de ne parler que du passé, mais les vieux ne vivent que des temps écoulés, et ce qui fait la gloire et la force du présent, n’est dû qu’au travail de nos devanciers, chaque génération n’est qu’un nain assis sur les épaules d’un géant.
Vous, mes jeunes amis qui êtes maintenant à la tête de la communauté et qui avez restauré ce temple avec tant d’amour et tant de goût, vous avez le privilège de pouvoir diriger vos regards vers l’avenir qui s’ouvre largement devant vous. Vous avez passé par mon école, vous connaissez mon affection pour vous. Je vous souhaite que cette maison dont nous célébrons la restauration après sa destruction, reçoive un nouvel éclat par votre piété, votre enthousiasme, votre amour pour les choses élevées et saintes : que s’accomplisse pour vous la parole du prophète (Agée 2:9) :

"que la splendeur de cette seconde maison soit plus grande que celle de la première et que Dieu donne la paix à cet endroit".
Jos.BLOCH.

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