A la suite de l'ignoble profanation d'une trentaine
de sépultures dans le cimetière juif de Saverne, le Consistoire
Central de France et le Consistoire
du Bas-Rhin ont décidé d'organiser une cérémonie lundi
2 août 2004, à 18 heures, au cimetière de Saverne. Ces
actes odieux font suite à de trop nombreuses autres profanations
qui ont eu lieu ces derniers mois en France. Nous condamnons avec force
cette dérive et la banalisation de l'injustifiable. Nous demandons
à ce que les coupables soient retrouvés et sévèrement
punis. |
Le choc
Ce 28 juillet 2004, le journal de TF1 évoque la profanation du cimetière de Saverne et la première image qui apparaît est la tombe profanée de mon regretté père Silvain KAHN, rescapé d’Auschwitz et ancien président de la Communauté de Saverne. Lui qui est revenu meurtri de l’enfer concentrationnaire, lui qui a tant souffert à cause de l’idéologie nazie, des lâches l’ont à nouveau pris pour cible dans sa dernière demeure. Car il ne faut pas se leurrer, les auteurs de cette abjection, quels qu’ils soient, enfants ou adultes, sont prêts à suivre les traces d’un nouveau Hitler ! Si ce sont des enfants ou des adolescents qui ont commis cette horreur, on dira qu’il s’agit, selon l’expression alsacienne, des « kinderdings », des jeux d’enfants. Il ne faut pas perdre de vue que si des enfants, des jeunes, se prêtent à de tels jeux, c’est qu’ils ont été influencés par leurs familles, par leurs connaissances, par un environnement dans lequel ils vivent. S’ils s’en prennent aux juifs, c’est qu’ils ont entendu quelque part que les juifs ne méritaient pas un autre traitement, c’est que les juifs ont à nouveau été désignés comme des fauteurs de troubles et qu’il est tout à fait légitime de s’en prendre à eux. C’est l’engrenage de la haine que ces apprentis sorciers veulent enclencher, cette haine qui leur a été inculquée d’une façon ou d’une autre. C’est triste de voir un cimetière profané et en Alsace c’est d’autant plus choquant que l’histoire des juifs dans cette région est particulièrement riche. A Saverne ce cimetière existe depuis 1632, il a été officialisé en 1751 et a été agrandi en 1962. Il fait partie du patrimoine commun comme sa belle synagogue qui fait partie intégrante du paysage savernois.. Alors, face à la haine aveugle, face à la bêtise, seul le respect réciproque peut éviter que la bête immonde ne se réveille. Il faut lutter contre les préjugés, contre les incitations à la haine d’où qu’elles viennent, contre les agressions de toute sorte. Il faut rappeler que ce sont de tels comportements qui ont ouvert la voie au pire. C’est un travail d’éducation qu’il faut inlassablement poursuivre comme l’ont si bien rappelé les pouvoirs publics. Le choc a été terrible pour notre famille et pour toute la communauté ! Il faut tout faire pour qu’un autre choc se produise : celui des consciences. Ce choc doit être permanent pour faire comprendre d’abord aux enfants mais aussi à toute la population que toute dérive de ce genre n’est pas anodine, il faut la prendre au sérieux, il faut la combattre de toutes ses forces, il en va du salut de l’humanité. Alain Kahn |
Les inscriptions, faites principalement sur des pierres tombales datant du début du 20e siècle, ont été découvertes mercredi matin par une personne qui se rendait sur la tombe d'un membre de sa famille dans ce cimetière historique de la communauté juive de Saverne, installé dans une forêt à flanc de coteau.
Pierre Lévy,
délégué régional du Conseil
représentatif des institutions juives de France (CRIF),
qui s'est rendu sur place mercredi après-midi, a déclaré
:
"On est sous le choc, une fois de plus, après la constatation de
cet acte odieux et lâche.
La réaction devant ce type de provocations commence à devenir
classique et exaspérante".
Il a noté les "similitudes" de la situation géographique
d ce cimetière aveccelui d'Hattstatt-Herrlisheim
(Haut-Rhin), dont 127 tombes avaient été souillées d'inscriptions
antisémites et pro-nazies fin avril : "C'est un cimetière
isolé et paisible, en bordure de forêt, avec des vieilles pierres
tombales recouvertes par les fougères".
Mais il a souligné qu'il n'y avait en revanche "aucune similitude"
dans les inscriptions, opposant le "soin" apporté aux inscriptions
d'Herrlisheim au travail "baclé", avec des croix gammées
"pas dans le bon sens" à Saverne.
"Qu'est-ce-qui pousse des jeunes et des moins jeunes à commettre de tels actes, qu'on ne peut que déplorer ? Est-ce une histoire de mode, de voyous, ou d'antisémitisme et de racisme, ce qui serait la pire des raisons ?", s'est interrogé de son côté Salomon Lévy, vice-président du consistoire israélite du Bas-Rhin. "Nous sommes surpris que ce type d'actes continuent malgré la condamnation générale après les autres profanations".
La profanation du cimetière de Herrlisheim avait provoqué des réactions indignées de l'ensemble de la classe politique française.
La communauté musulmane alsacienne fait elle aussi l'objet depuis quelques mois d'une série de dégradations et graffitis à caractère raciste : croix gammées et inscription "mort aux Arabes" sur un magasin d'alimentation tenu par un musulman, mosquées dégradées par des croix gammées et des tags racistes, entreprise de pompes funèbres musulmane profanée.
Dans la nuit du 13 au 14 juin, une cinquantaine de tombes musulmanes avaient été profanées par des inscriptions néo-nazies dans un cimetière de Strasbourg et la semaine suivante les tombes de 55 musulmans morts pour la France avaient été taguées au cimetière militaire de Haguenau (Bas-Rhin).
Raphaël Nisand, président de la LICRA (ligue contre le racisme et l'antisémitisme) du Bas-Rhin : "Cette litanie de profanations est extrêmement inquiétante pour tout le pays. Où va-t-on lorsque les morts sont traités de la sorte?"
"Une fois de plus, l'image de l'Alsace, tolérante et ouverte, vient d'être ternie par un acte inqualifiable", a déclaré dans un communiqué le président du conseil régional d'Alsace Adrien Zeller.
Au total, près de 300 tombes juives, musulmanes ou chrétiennes ont été profanées en Alsace depuis le mois d'avril.
Ces faits viennent rappeler les dégradations commises à Strasbourg
durant le week-end de Pâques 2002 : un pavillon situé à
l'intérieur du
Cimetière israélite de la Communauté Etz Haïm
à Schiltigheim (banlieue de Strasbourg) a été incendié
au cours de la nuit du lundi 1 au mardi 2 avril.
Le 12 avril 2002, ce sont les
tombes du Cimetière israélite de Cronenbourg situé
route d'Oberhausbergen, qui ont été profanées. Rappelons
aussi le saccage du Cimetière
juif de Sarre-Union en janvier 2001.
Le cimetière
israélite de Saverne
Le cimetière est utilisé sur son site actuel depuis 1632.
L'endroit s'appelait "Sandberg", la colline de sable, puis il
a été rapidement appelé "Judenberg", la
colline des juifs. |
Thierry Carbiener, maire de Saverne :
« Je crois qu'il faut minimiser la portée symbolique de cet acte.
Il s'agit d'un fait divers, tragique et lamentable, mais d'un fait divers. Ce
cimetière est connu des Savernois pour son caractère historique,
c'est un lieu fort de la ville... En tout cas, je tiens à dire que cela
ne traduit en rien un climat de tension communautaire à Saverne. »
Emile Blessig, député du Bas-Rhin :
« Avec l'ensemble des Savernois, c'est avec tristesse et consternation
que j'ai appris les actes de vandalisme commis au cimetière juif de Saverne.
Ce type de comportement est inqualifiable, mais nous devons tirer les leçons
des événements récents, notamment du RER, et attendre les
résultats de l'enquête judiciaire en cours pour analyser la portée
de ces faits. Tout en évitant les amalgames, réaffirmons notre
solidarité avec la communauté juive de Saverne ».
La LICRA du Bas-Rhin :
« apprend avec consternation la nouvelle profanation commise dans le cimetière
juif de Saverne. Cette litanie de profanations est extrêmement inquiétante
pour tout le pays. Où va-t-on lorsque les morts sont traités de
la sorte ? Il importe aujourd'hui que les pouvoirs publics parviennent enfin
à mettre la main sur les coupables de tels agissements et que ceux-ci
soient présentés à la justice ».
Bertrand Delanoë, maire de Paris :
« C'est une nouvelle atteinte lâche et intolérable aux valeurs
les plus fondamentales de notre démocratie et de notre civilisation.
Je souhaite témoigner au nom des Parisiennes et des Parisiens de l'amitié
et de la solidarité de Paris à tous les Juifs de France et aux
familles meurtries par cette profanation ».
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