4 septembre 2022 : cérémonie de retour du Sefer Torah Joe Weizman porte le Sefer |
de g. à dr. : Catherine Frissard (membre de l'association "les Amis de la Synagogue de Schirmeck-la-Broque" et Manon Weizman, petite-fille de Fernand Bloch |
Pourquoi à Schirmeck ?
Il s’agit d’un moment historique, où un Sefer Torah
[rouleau de parchemin sur lequel est calligraphié le texte du
Pentateuque], après un voyage épique extraordinaire, retrouve
sa synagogue d’origine dans cette petite ville d'Alsace.
La cérémonie de retour, organisée par Laurent Bertrand, maire de Schirmeck et Jacques Ruch, président de l’Association des Amis de la Synagogue de Schirmeck-La Broque, aura lieu le 4 septembre en fin de matinée en présence des proches d'Ernest Bohn, le sauveur du Sefer Torah, de Jacques Assouline, gendre de l’aumônier Isaac Rouche, et de ceux qui ont permis son voyage de retour à Schirmeck.
Seront également présents les autorités locales et nationales et internationales, dont Harold Weill, grand rabbin du Bas-Rhin ; Bjørn Berge, secrétaire général adjoint du Conseil de l'Europe, et la consule générale des Etats-Unis, Darragh Paradiso, Catherine Trautmann, ancienne maire de Strasbourg, et ancienne ministre de la Culture, François Moyse président de l’AEPJ (L'Association européenne pour la préservation et la promotion de la culture et du patrimoine juifs).
C'est une belle histoire qui commence dans les années 1930 par l'amitié qui lie un petit garçon juif et son voisin chrétien. Le premier est mort dans la tourmente et le second a survécu et a pu raconter le début de l'épopée du Sefer Torah.
Lors de sa bar mitsvah le petit garçon juif a invité son copain Ernest Bohn à la cérémonie de la lecture de la Torah. Ensuite lors de jeux, il lui montré le coffret secret qui renferme le plus ancien Sefer Torah de la communauté de Schirmeck et qui n'est sorti que rarement. La guerre arrive et sépare les jeunes gens. Le jeune Ernest revient dans son village blessé et surtout il doit se cacher des soldats allemands de peur d'être incorporé de force ou pire. Il trouve refuge dans un grenier dont la lucarne donne sur la synagogue. Tous les jours il voit les soldats allemands profanant le lieu de culte dont la communauté a complétement disparue. Le fier bâtiment est transformé en abri pour les animaux ; chevaux et porcs sont laissés vagabonder au milieu des feuilles arrachées aux livres de prières. Survivant difficilement, le témoin des anciennes festivités familiales et religieuses, assiste impuissant à une soirée de beuverie qui laisse l'édifice sans surveillance. Il profite de ce court répit pour se glisser dans la synagogue souillée, retrouve la cachette intacte, s'empare de son précieux contenu, l'enroule dans un talith [châle de prières]et retourne se cacher en attendant la Libération.
de g. à dr. : Manon Weizman, Judith Assouline (fille du rabbin Rouche), Jacques Assouline, Jacques Ruche, président de l'association "les Amis de la Synagogue de Schirmeck-la-Broque", Pierre-Michel Simonin, arrière-petit-fils du maire Camille Simonin |
C'est un moment très intense pour ce rabbin qui a fait des milliers de kilomètres et qui a vu tant d'horreur. Depuis des semaines il ne voit que des synagogues pillées, en ruines, des communautés anéanties, des vies brisées et des peines incommensurables. Ses seuls moments de réconfort, c'est lorsqu'il peut regrouper quelques soldats ou des survivants pour célébrer un office improvisé devant un souvenir rescapé de la boue ou du bûcher. Un office religieux international, et surtout porteur d'espoir de renaissance.
L'histoire continue après la guerre sous le doux soleil du Maroc. Fort de ses diplômes notamment en langues, Isaac Bouche fonde l'Ecole Normale de Casablanca qu'il dirigera de nombreuses années. Obligé de quitter le Maroc, il continue son métier de rabbin en Suisse et enseignera le Talmud à l'université de Neuchâtel. Accompagné de sa famille le rabbin Rouche prend sa retraite en Israël et s'installe à Jérusalem où il décédera en 1978. Le précieux Sefer l'a toujours accompagné dans ses déplacements mais son histoire n'est pas souvent évoquée, peut-être trop liée à des souvenirs trop douloureux.
Son gendre francophone, Jacques Assouline, est installé à Jérusalem et il est membre du Bnai Brith. Au printemps 2009, il reçoit des visiteurs alsaciens également membre du Bnai Brith. Et l'ultime rencontre se fait naturellement entre M. Assouline et Jacques Bouhadana responsable du voyage et trésorier de l'Association de sauvegarde de la synagogue de Schirmeck. Nommé par hasard dans la conversation entre les deux hommes, le nom du village alsacien fait "tilt" la promesse est faite de ramener ce très ancien Sefer Torah, remis à son beau-père en 1945, à Schirmeck.
C'est ainsi que les alsaciens retrouvent, 74 ans après, un témoin de leur histoire, un jalon fondamental de l'Histoire qui a survécu à toutes les avanies du 20ème siècle. Des heures joyeuses dans la synagogue de Schirmeck au 19ème, et jusqu'en 1940, à la cache sordide pendant la guerre, aux voyages au Maroc, en Suisse et en Israël, de Jérusalem à la Galilée, c'est une épopée qui retrace l'Histoire du peuple Juif.
Photos de la cérémonie : © Manon Weizman
Synagogue précédente |
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