La disparition de Simone Veil, le 30 juin 2017, n'a pas laissé insensible le village de Bionville-sur-Nied, où est enterrée une partie de sa famille. Le jour même de son décès, le conseil municipal lançait l'idée de rendre hommage à l'ancienne ministre, survivante du camp d'Auschwitz, en baptisant à son nom la place du village. C'est chose faite depuis le dimanche 13 mai. L'initiative revient à Nicole Kahl, conseillère municipale, "admirative du destin et des combats" menés par Simone Veil. Le maire Gérard Bazin indique la présence d'une "forte communauté juive dans ce village dès le 17ème siècle. Seul le cimetière israélite, où ont été enterrés les aïeux de Simone Veil, rappelle cette présence. Il existait aussi une synagogue mais celle-ci a été détruite lors de la seconde guerre mondiale." Il rapporte que l'ancien maire Marcel Halphen entretenait une correspondance écrite avec Mme Veil. Il l'avait invitée à de nombreuses reprises dans le village pour lui présenter les vestiges du patrimoine israélite et lui permettre de se recueillir sur la tombe de ses ancêtres. Cette rencontre a bel et bien eu lieu, "c'est une certitude", affirme Nicole Kahl. Impossible pour elle en revanche de fournir une date précise, encore moins une photo ou une trace écrite. "La visite était privée, tout s'est passé très vite. C'était sûrement dans les années 2000", estime-t-elle. |
La présence juive y est très ancienne, remontant à 1627 et 1633, dates auxquelles ils sont invités à résidence par les seigneurs. Ces derniers admettent des nouvelles familles en 1685 et en 1707, sans doute pour combler les pertes dues aux décès et aux départs.
Un cimetière est ouvert en 1757 mais il est probable que la synagogue, installée dans une maison particulière, y est bien antérieure, peut-être dès 1680. Elle serait alors avec celles de Metz et de Boulay la plus ancienne du département. Les juifs y sont bouchers, marchands de bestiaux et colporteurs, mais aussi prêteurs. Quelques familles s'installent un peu plus loin, à Guinglange et Léovillé (Vaudoncourt) puis à Courcelles-Chaussy et Les Etangs après la Révolution.
C'est une grosse communauté qui comprend 80 personnes en 1808 dont 56 sont issues de la même famille et portent le même patronyme : Jacob. Ils obtiennent assez facilement des patentes dans la période 1808-1818, ce qui montre un bon degré d'intégration (cinq refus sur vingt-cinq demandes).
La population juive, yiddischisante, se francise peu à peu au cours du siècle, les garçons d'abord dès 1830-1850, les filles plus tard (1850-1870). Une école juive fonctionne dès 1750 avec des maîtres venus le plus souvent d'Alsace. Elle continuera avec des instituteurs de langue allemande jusqu'en 1895 environ, puis disparaîtra faute d'élèves. En effet, à la fin du siècle, ne restent au village que des vieux et la vie communautaire est financée par des émigrés vivant à Paris et Nancy. Par contre, un de ses ministres officiants, Pinhas Kahlenberg, se rendra célèbre dans le milieu des 'hazanim pour sa contribution au renouvellement du rituel.
En 1936, il y demeure encore vingt israélites, dont le maire, Gaston Halphen. La communauté participe en effet activement à la vie municipale depuis au moins 1867, date à laquelle on compte deux conseillers municipaux juifs. A l'arrivée des Allemands, en juin 1940, le maire Halphen tentera de rester sur place malgré le danger que lui faisait courir sa religion pour préserver les intérêts de la population mais sera expulsé dès novembre avec elle.
La synagogue est brûlée, le village est repeuplé par des colons allemands qui profanent le cimetière juif. Dans les lieux où elles trouveront refuge, il se trouvera nombre de familles chrétiennes de Bionville qui auront à coeur de sauver, quand elles le pourront, les enfants de leurs concitoyens persécutés. Ainsi l'abbé Lagarde, aumônier des Petites Soeurs des Pauvres, reçut-il la Médaille des Justes de l'Institut Yad Vashem de Jérusalem.
En 1945, quatre ou cinq familles reviennent et réinstallent un office dans une maison. Pendant quelques années, il semblait inimaginable, tant était ancienne l'existence d'une communauté dans le village, qu'une synagogue ne fût pas reconstruite. Le consistoire avait fait une promesse dans ce sens, avait demandé à l'administration un permis de construire et débloqué en novembre 1959 1 500.000 francs. Mais dès 1961, la nécessité se fit sentir d'affecter ces sommes au cimetière plutôt qu'à une reconstruction de la synagogue dont le permis avait pourtant été délivré.
M. Moyal, 'hazan en titre, fut affecté à Sarrebourg et le culte cessa en 1960. Le terrain sur lequel s'était élevé la synagogue fut vendu en mai 1966. Le 18 octobre 1970, la communauté de Bionville fut supprimée et ses membres affectés à celle de Boulay. Elle était dirigée par M. Léon Halphen, puis par Marcel Halphen, lui même ancien maire, aujourd'hui encore maire honoraire et vibrant patriote (en novembre 1988, lors de l'installation du grand rabbin Guedj, il lui demandera son opinion quant au respect dû au drapeau tricolore lors des enterrements, ou plus tard, écrira longuement au consistoire à propos de la prière pour la République).
D'après Pierre Mendel qui a recueilli le témoignage de Mr. Halphen.
Le cimetière israélite de Bionville-sur-Nied se trouve sur les hauteurs du village. Créé en 1757, il est connu pour abriter les tombes des grands-parents (ou arrière-grands-parents ?) maternels de Simone Veil. La mairie collabore étroitement avec le Consistoire israélite pour entretenir le site sans le dénaturer. "Dans la tradition juive, le cimetière doit rester en quelque sorte sauvage", précise le maire actuel, Gérard Bazin (2018). "On tond le gazon mais c'est tout. Si une tombe se renverse, on la laisse au sol." Le maire fait tout son possible pour préserver cet endroit sacré et hors du temps. Aussi, aucun panneau directionnel ne l'indique, comme pour mieux préserver sa sérénité.
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